Le croissant de lune

Le niveau de fantaisie créatrice d'une oeuvre
est parfois le résultat de son amplitude ludique.
Delacroix

 

Scénario
Cinématographique

Original de
Eduardo Quiles

Traduction:
Evelyne Haubruge

 

Oeuvre protégée par le registre de la propriété intellectuelle.


SYNOPSIS

Oeuvre sous forme de comédie. La fascination que Mario Vicens ressent pour Picasso le pousse à imiter tant le personnage que sa peinture. Par hasard, le protagoniste tombe amoureux d'Emeline, belle violoniste et fille de gangster, promise au fils d'un autre capo. C'est le hasard toujours, qui le fait s'identifier à un personnage qui se déplace incognito dans le milieu de la pègre. A partir de ce moment, par la voie de l'humour, l'érotisme et l'intrigue, Mario Vicens vivra des situations insolites et sera confronté à divers personnages cauchemardesques qui le dépassent, alors que sa propre vie ne tient plus qu'à un fil.


FICHE ARTISTIQUE

Mario Vicens, peintre qui ne rêve que de Picasso.
Emeline Lleó, violoniste.
Pino Benimodo, homme à tout faire de monsieur Casanellas.
Horacio, peintre et ami de Vicens.
Gloria Viñas, mère d' Emeline.
Don Pascual, père d'Emeline et capo.
Don Gervasio, capo, associé de don Pascual.
Lauro, fils de don Gervasio et fiancé d'Emeline.
L'"enfant", maître à penser de don Pascual (le cerveau).
Celestino, garde du corps de don Pascual.
L'homme aux moineaux.
Cecilia, modèle de Vicens.
Le Personnage.
Nacho Roca, modèle.
Juanma, maquilleur.
Amanda, jeune fille qui croit aux les "hommes-cadeaux".
4 dames érotiques dans une grande bâtisse sur la plage.

Personnages complémentaires et secondaires :

Mireilla, "férue d'échanges amoureux".
Lola, "férue d'échanges amoureux".
Anna dame narcissique.
Le couturier.
Francisco, alias Fran, garde du corps de don Gervasio.
Daniel, alias Dan, garde du corps de don Gervasio.
La dame en rouge, amante de don Pascual.
Bravache I, homme de main de don Pascual.
Bravache II, homme de main de don Pascual.
Monsieur Carbonell, faux juge.
Monsieur Grau, humaniste farceur.
Monsieur Carpio, faux astrophysicien.
L'homme au costume, marié en blanc.
Margarita, son éphémère épouse.
Don Lucio, associé de don Gervasio.
Les jeunes filles dans un train nocturne.
Le régisseur, Théâtre de l'Opéra.
L'aidant.
L' intriguant.
La spectatrice.
L'infirmière.
L'adolescent.
Les invités.
Le Docteur Gras.
Jaime del Val.
L'homme du kiosque.
Les garçons de café.
Les modèles.
La collègue de travail de Vicens.
L'employée.
Les réceptionnistes de l'hôtel.
Le vieux dans le train.
Le vagabond.
L'ivrogne.

Pour les personnages secodaires, il est possible de doubler les acteurs

CURRICULUM

Eduardo Quiles

(Valencia, 1940). Dramaturge, scénariste, professeur de scénarios à ILCE-Unesco-México.
Quiles est considéré comme l'un des dramaturges les plus doués du nouveau théâtre espagnol, comme l'écrit le spécialiste allemand Klaus Pörtl. Son théâtre, traduit en plusieurs langues, est un essai de synthèse entre le classicisme et l'avant-gardeIl tente d'incorporer la construction complexe du personnage dramatique.
Auteur de quatre livres de fiction scientifique, aux Editions Labor de Barcelone.
Auteur de la nouvelle El carnaval del relajo, 350 pg., inspiré sur le Mexique. Editions Prometeo.
A écrit pour Canal 8, télévision : Felipe II, Freud, et Juicio a Don Quijote.
La BBC (London) a traduit et diffusé son oeuvre Insomnio.
Ses premières representations le plus récentes son sa comédie musicale Una Ofelia sin Hamlet au Miranda Théâtre (New York, 1997), et en 1997, Elsa's Goodbye au Here Multi-Arts Center de Mahnhatan.
Entre autres récompenses, Quiles obtint un prix au meilleur scénario de TV, et le Prix Ibéro-américain de Dramaturgie.

01. EXTERIEUR. A L'AUBE / JOUR. TERRASSE D'UN HAUT IMMEUBLE.

Une lune décroissante (dans son demi quartier) flotte dans la voûte céleste, pendant que le jour se lève et que défilent les annonces publicitaires. Les publicités atteignent Mario Vicens sur la terrasse commune de son immeuble.
Le jeune homme peint le portrait de la propriétaire de la mansarde, Cacilia Duyos, un femme encore jeune, énergique, aux lèvres sensuelles. Elle pose avec une mantille et une fleur dans les cheveux.


MARIO: Il vous manque le peigne de la mantille.
CECILIA: Je l'ai oublié.
MARIO (off): Ne bougez pas, Bernadette Bianco.
CECILIA: Ce n'est pas mon nom, on ne va pas commencer...

Un avion survole leurs têtes. Mario recule de quelques pas du chevalet, s'avance ensuite avec la palette et trace quelques traits sur la toile, et murmure enfin, obsédé:

MARIO: Picassissime !

L'alarme de sa montre sonne, il consulte l'heure. Tout excité, il enlève son cache-poussière de peintre (son tablier) et s'introduit dans sa mansarde par une fenêtre, non sans avoir prévenu sa modèle:

MARIO: Le portrait de Madame Cañals continuera.

02. INTERIEUR. JOUR. IMMEUBLE DU BAZAR DES ARTS.

Mario en plein travail en compagnie de deux amis: un homme au visage ovale et à l'aspect bon enfant et une femme maigrichonne au visage aviné.

03. INTERIEUR. JOUR. AEROPORT.

L'avion plutôt vieillot perd de l'altitude, incline son nez brillant et atterrit sur la piste.
Un trio d'hommes de main mené par le capo don Pascual, accompagné de deux de ses hommes de confiance, se trouve en face de la sortie des passagers. Le plus grand tient une rose rouge à la main.
Derrière le groupe, à une certaine distance, le capo don Gervasio et son fils Lauro surgissent en accélérant le pas. Lauro porte un énorme bouquet de fleurs qui lui cache le visage.

DON PASCUAL (off): Elle est là.

Emeline apparaît avec un bagage à main et un violon dans son étui.

EMELINE: Papa.
DON PASCUAL: Ma petite Emeline.

Ils se serrent dans les bras. Don Pascual désigne ses accompagnateurs.

DON PASCUAL: Mes collaborateurs.

Les désignés, l'"enfant", un petit homme avec un noeud papillon, et Celestino saluent cérémonieusement, en inclinant la tête.

DON PASCUAL: Enfin, tu as terminé tes études de musique.
EMELINE (souriante): Et avec le grand maître Lourenze Salgueiro.

Don Gervasio arrive, essoufflé, en même temps que Lauro qui contemple Emeline avec extase.

DON PASCUAL: Le fiancé tardif !

Il remarque directement la rose que Celestino porte en main.

DON PASCUAL: Et cette fleur ? Pourquoi es-tu si élégant ?
CELESTINO: (grimace de circonstance).
DON PASCUAL: Serais-tu le prétendant par hasard ?

Celestino, grand, osseux, d'aspect funèbre, avec un oeil de verre et avare de parole, émet une espèce de tendre grognement de gangster et regarde Emeline.

LAURO: Emeline...

Lauro offre les fleurs à Emeline et le couple s'embrasse fugacement sur la bouche. Don Gervasio embrasse ensuite Emeline sur la joue.

DON GERVASIO: Elle est devenue une vraie jeune fille !

Il lui faudrait des mains supplémentaires pour soutenir le bouquet et elle sourit avec embarras. Finalement elle le donne au petit homme, et accepetit la fleur de Celestino. Un essaim d'yeux sévères foudroient le sombre garde du corps.

04. EXTERIEUR. JOUR. LA RUE.

Mario Vicens déambule sur le trottoir. Il a un air "hors du temps" et une façon de marcher qui n'est pas sans rappeler un peintre mythique. Le costume du jeune homme n'a pas été choisi par hasard, le gilet non plus, il porte une écharpe au cou et un chapeau sombre avec de larges bords.

05. EXTERIEUR. JOUR. LA RUE.

Mario et Horacio, son ex professeur de peinture, se dirigent vers le café qu'ils fréquentent d'habitude. Horacio commente l'accoutrement du jeune garçon.

HORACIO: Tu crois que tu vis encore au début du siècle ?
MARIO: Il fait très froid aujourd'hui, et...
HORACIO: Tu es picassissime, reconnais-le !
MARIO: Tu crois que je lui ressemble, il marchait comme ça ?
HORACIO: Comment ça va ton nouveau travail ?
MARIO: Revenons-en à notre sujet.
HORACIO: Tu continues à copier sa peinture ?
MARIO: Mais pas celle de ses toiles.
HORACIO: Quand tu m'as surpassé, je t'ai laissé mes palettes et mes pinceaux.

MARIO: Comme l'a fait le père de Picasso.
HORACIO: Mais...

06. INTERIEUR. NUIT. CAFE LITTERAIRE.

Atmosphère de bohème: tableaux, planches, affiches aux murs. Mario et Horacio sont assis à une table, chacun devant une chope de bière.

MARIO: Mon immeuble ressemble au "Bateau-Lavoir"?
HORACIO: Oublie donc un peu Picasso et Paris !
MARIO: Et dans cette ruine de briques vivent aussi...
HORACIO: Des artistes, des couturiers, des vendeurs ambulants...
MARIO: On s'en fiche qu'ils ne soient ni Juan Gris ni Modigliani.
HORACIO: Tu veux qu'on partage mon psychiâtre ?
MARIO: Je l'entends respirer à travers mes pinceaux.
HORACIO: Arrête de rêver à Picasso, et sois toi-même.
MARIO: (il répond par la négative en oscillant l'index).
HORACIO: Dans ce cas, je préfère encore parler avec mes poules.

07. INTERIEUR. JOUR. BAZAR DES ARTS.

Le magasin, très grand, est une sorte de petit souk de surprises artistiques. Mario fait semblant de se trouver à l'aise en s'occupant des clients, au milieu d'un capharnaüm d'objets d'art, des ustensiles d'artisanat et de décoration.

08. EXTERIEUR. JOUR. RESTAURANT.

Le jeune homme montre le menu à un garçon au regard vide et aux cheveux roux. Pendant qu'il attend le premier plat, Mario observe un couple qui lui tourne le dos, ils semblent mêlés à une conversation polémique. Le peintre sort son bloc et un crayon et dessine un croquis rapide sur le papier.

09. INTERIEUR. JOUR. CHAMBRE DE MARIO VICENS.

La radio-réveil de la table de nuit indique huit heure du matin. Une main féminine fait sonner l'alarme. Mario se réveille en sursautant.

CECILIA: Un artiste quand il travaille a besoin d'un réveil très personnel.

Mario se soulève et la regarde, reconnaissant.

MARIO: Je me suis endormi.
CECILIA: En rêvant de qui ?
MARIO: Vous êtes entrée par la porte ou la fenêtre de la mansarde ?

Elle montre une clé.

CECILIA: Je suis la propriétaire de la mansarde, pas une chatte !

Il ne se décide pas à sauter du lit en sa présence.

MARIO: J'achèverai rapidement le portrait.
CECILIA: J'aime beaucoup poser pour toi.
MARIO: (il la remercie du regard).
CECILIA: Mais le locataire me doit déjà trois mois.

Elle s'éloigne de la porte.

CECILIA (off): Encore heureux que tu as peint la tête.

10. EXTERIEUR. JOUR. PLACE DU TRITON.

Mario Vicens passe devant une basilique couronnée d'une large coupole. Les cloches sonnent du grand temple, tout proche de la tour de la cathédrale.

11. INTERIEUR. JOUR. BAZAR DES ARTS.

Mario s'occupe des clients.

12. EXTERIEUR. JOUR. TERRASSE DE L'IMMEUBLE DE MARIO.

Il manie avec aisance le pinceau en regardant fixement Cecilia Duyos qui pose pour lui, avec la mantille et la fleur dans les cheveux.

MARIO: Je ne sais pas ce que ça donnera, Bernadetta Bianco.
CECILIA: Ne commençons pas ....

13. INTERIEUR. SOIR. BAZAR DES ARTS.

Une femme, à la beauté déclinante, se tient dans un coin du magasin. A travers les lunettes en verre fumé, ses yeux en forme d'amande restent fixés sur Mario qui sert une cliente. La main de l'inconnue apparaît avec une peinture miniature.

CLIENTA: C'est pour un cadeau.

Mario emballe le tableau avec du papier fantaisie, et elle, pour sa part, sort une enveloppe de couleur rose de son sac.

CLIENTA: Un jeune homme comme vous ne devrait pas s'exhiber en public.

Il reste bouche bée.

MARIO: Je ne comprends pas.
CLIENTA: Plus d'une femme vous désignerait comme messager personnel.

Une fois la surprise passée, Mario rit entre ses dents, amusé. Lorsqu'il va lui remettre la miniature, elle s'avance avec l'enveloppe en mains.

CLIENTA: Le cadeau et la lettre doivent arriver à destination aujourd'hui même.

Le garçon la regarde avec stupeur (étonnement)

MARIO: Nous sommes en train de fermer.
CLIENTA: A moins que vous ne la portiez vous-même.

Il refuse d'un geste.

CLIENTA: Promettez-moi que vous la remettrez en main propre.

Après sa confusion, Mario sourit et baisse les yeux en observant l'enveloppe, il la retourne, le nom de l'expéditeur ne s'y trouve pas, seulement un prénom.

MARIO (off): Anna.

Quand il lève les yeux, l'inconnue a disparu.

14. INTERIEUR. SOIR. CAFE LITTERAIRE.

Mario et Horacio se trouvent dans leur coin favorit, avec une bouteille de vin rouge et une assiette d'olives.

HORACIO: Pourquoi travailles-tu chez un antiquaire ?
MARIO (off): Je restaure, je m'occupe des clients, j'ai du temps libre...
HORACIO: Tu as peur de devenir un vulgaire employé et achever tes jours...
MARIO: (son silence est éloquent).
HORACIO (off): En donnant des cours et en devenant à moitié fou.
MARIO: (sa tension devient évidente).
HORACIO: Il ne faut pas se presser pour devenir mature et responsable, tu sais !
MARIO: L'urgence est la pute de l'art. Cette phrase est de toi, maestro !

Mario sort le paquet et l'enveloppe rose et les montre.

MARIO: Mon troisième jour, et une énigme que j'hésite à livrer.
HORACIO: Donne-le à mes poules.

15. EXTERIEUR. NUIT. FAÇADE DU GRAND HOTEL.

Mario déambule devant l'hôtel, le paquet en main, dubitatif.

16. INTERIEUR. NUIT. RECEPTION DU GRAND HOTEL.

Mario remet la lettre et attend que le réceptionniste identifie le nom de l'hôte à l'ordinateur.


RECEPTIONNISTE (off): D'accord.
MARIO: On m'a demandé de remettre le paquet en main propre.

Son interlocuteur doute un instant et vérifie ses dires par téléphone.

RECEPTIONNISTE: Quatrième étage, chambre 61.

17. INTERIEUR. NUIT. COULOIR DU QUATRIEME ETAGE.

Une main appuye sur la sonnette de la chambre 61. La porte s'ouvre pour laisser apparaître Anna, nu-pieds, vêtue d'une longue robe de tulle blanc, avec des rubans et une camelia en main.

ANNA: Entre. J'ai crû que le cadeau n'arriverait jamais.

Sa présence laisse momentanément Mario muet, et il la suit en ronchonnant.

18. INTERIEUR. NUIT. GRAND HOTEL. CHAMBRE 61.

MARIO: Vous faites l'expéditeur et le destinataire à la fois ?

Elle entre dans une antichambre. Elle reste immobile à côté d'une lampe, change sa fleur pour un miroir dans lequel elle s'observe à la limite du narcissisme.

ANNA: La miniature ?
MARIO: (il la lui remet)
ANNA: Déchire l'enveloppe toi-même et lis.

Il obéit à contre-coeur.

MARIO (off): Tu n'es qu'un test à ma beauté.

Irrité, il s'adresse à l'inconnue et l'observe comme si elle représentait la toile de fond d'un (mauvais) rêve retors.

ANNA: Voilà ma preuve annuelle que je reste un objet de désir.

En l'entendant, Mario se paralyse.

ANNA: Et maintenant, s'il te plaît, sors et ferme la porte.

19. INTERIEUR. NUIT. COULOIR DE L'HOTEL.

Il est tellement confondu, qu'au lieu de se diriger vers les ascenseurs pour rejoindre le vestibule, il va vers l'escalier, et il balbutie en descendant quelques marches:

MARIO (off): La preuve annuelle que je reste un objet de désir...

Soudain, la magie d'un violon attire l'attention de Mario, qui essaie alors de situer le point exact d'où provient la mélodie.

20. INTERIEUR. NUIT. ENTREE DU SALON DE THE DU GRAND HOTEL.

Celestino, en costume et cravate rouges, interdit l'entrée de Mario au salon de thé, d'un geste de matamore.
Mario Vicens médite, un doigt sur les lèvres. A la fin, il renonce à poursuivre ce chemin et cherche les escaliers. Celestino laisse échapper une grimace présomptueuse. Il sort son briquet et essaie en vain d'allumer une cigarette. Avec un geste d'impatience, il disparaît dans le couloir de droite au même instant que Mario apparaît par la gauche et qu'il entre dans le salon de thé.

21. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Un dessin de lumières rend le salon chaleureux, avec ses divers recoins de lumière tamisée. Les personnes présentent tiennent des conversations à voix basse dans de moelleux divans, et sur des chaises néoclassiques. D'autres invités, assis ou debout, écoutent le concert que la grande et belle Emeline offre au public, assise sur un petit tabouret tapissé de velours bleu. Perdu entre les assistants, Mario murmure.

MARIO (off): Un ange de la musique...

22. INTERIEUR. NUIT. ENTREE DU SALON DE THE.

Celestino revient avec une cigarette allumée entre les lèvres et adopetit une attitude d'autosuffisance, appuyé au chambranle de la porte.

23. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Mario s'approche avec lenteur de la concertiste jusqu'à se trouver à la première file,et, immobile, il l'observe en extase. Quand leurs yeux se croisent, il y a comme une étincelle qui se produit entre deux âmes semblables.

MARIO: Je suis jaloux de Brahms.

A l'une des extrémités du salon, à côté d'une table de boissons, don Pascual et don Gervasio sont vautrés dans un divan avec un petit coup dans l'aile, et discutent de façon animée.

DON GERVASIO (off): Mon Lauro la rendra très heureuse.
DON PASCUAL (off): La petite est plus qu'un poème musical fait à Lisbonne.

Après le dernier accord, Lauro monte sur l'estrade, embrasse la concertiste, et ensemble, ils saluent, les mains enlacées, le public qui les ovationne.

MARIO (désanchanté, off): C'est un mauvais rêve.

L'estrade est occupée par un ensemble de Jazz mené par un trompettiste et un chanteur. Le groupe base son répertoire de la nuit sur Miles Devis. On entend Blue and Green.

DON PASCUAL: Lauro est un peu (mastodonte) brute pour ma petite Emeline.
DON GERVASIO: Ne t'inquiète pas, elle l'adoucira (le polira).

Un groupe de jeunes filles entraînent la concertiste avec elles, d'autres invitent Lauro à prendre un verre.

DON GERVASIO (off): Il y a de grands projets à l'horizon...
DON PASCUAL: (il l'observe , inexpressif)
DON GERVASIO: Qui a présent nous concernent tous les deux.

Il se penche vers son interlocuteur. Celui-ci le rejette d'un geste.

DON PASCUAL: Un autre jour. Aujourd'hui il n'y a que Emeline qui competit.

Un garçon (avec un plateau) passe devant Mario, qui, résolument, saisit deux coupes de champagne et se dirige vers la jeune fille.

MARIO: Puis-je porter un toast à la violoniste ?

Elle, indécise, accepetit la coupe et suit Mario jusqu'à une colonne, comme si elle lévitait.

MARIO: Je t'ai attendue depuis toujours.

Ils se regardent désireux de se lire jusqu'au fond des yeux et de suite passer à leurs biographies complètes, tant le dialogue de leurs coeurs est fluide.

DON GERVASIO: Néanmoins, il faudra saluer le Personnage.

Les deux capos se mettent debout. Don Pascual croise le regard rusé et moqueur du petit homme.

DON PASCUAL: Nano, contrôle l'auditoire et que le whisky ne me le dissipe pas !

Les sexagénaires allongent le bras vers deux coupes placées sur une des tables.

DON GERVASIO: J'ai donné l'ordre à mes hommes qu'ils ne boivent que du lait écrémé.

A quelques pas de là, dans un recoin du salon, rendu invisible par une immense amphore de fleurs, ils localisent le Personnage.

LE PERSONNAGE: Délicieuse veillée.

Il est vêtu d'un complet bleu foncé, il porte des lunettes de verres fumés et reste assis dans un divan en fumant la pipe.

DON GERVASIO: Mais voyons très cher, rester là où vous êtes, c'est comme de ne rien voir.
LE PERSONNAGE: Je suis bien là et je radiographie, mes amis.
DON PASCUAL (off): Je suis très heureux de votre présence.
LE PERSONNAGE: Votre fille est une artiste accomplie.

Don Gervasio et Don Pascual s'asseyent aux côtés du Personnage.

DON PASCUAL: C'est l'art qui me l'a prise.

Derrière la colonne, l'envoûtement du couple est cassé par Mario.

MARIO: Mario.
EMELINA: Emelina.
MARIO: Emelina, Emelina.
EMELINA: Mario...
MARIO: Vicens.
EMELINA: Leó.

Ils restent muets, l'expression verbale se transforme en language des yeux. L'univers se comprime et se réduit à leurs seules présences: les musiciens, le jazz, les susurrements et les voixs'éclipsent, même le reste des invités du salon de thé se transforment en silhouettes oniriques dessinées par las fumée des cigarettes.

ADOLESCENTE (off): Emelina.

Une adolescente lui parle. Elle porte un ruban rose fuschia dans les cheveux. La jeune fille pousse Emeline et ajoute avec une voix tremblante.

ADOLESCENTE: Emelina, Lauro te cherche.

Le couple semble émerger d'un rêve. L'adolescente lance des regards irrités à l'intention de Mario et tire Emelina par la main.

MARIO (off): Emelina.

Lauro se dirige vers Emelina avec deux verres de jus d'orange en main. Avec un sourire, elle s'excuse diplomatiquement et trempe ses lèvres.

EMELINA: Pardonne-moi, je dois parler avec papa.

L'alcool laisse ses traces dans la fête: visages aux yeux rougis, voix et rires qui éclatent hors de propos. Don Pascual, sans lâcher son verre, vient au-devant de sa fille.

DON PASCUAL: Emelina, que fais-tu, on te cherche partout ?
EMELINA: Papa, dis-moi que je rêve.

Il fronce l'oeil, la prend par le bras et cherche où s'asseoir. Immédiatement, un couple "automnal"(elle, vêtue de long et lui, avec de grands favoris) se lève timidement pour leur céder leurs sièges.

EMELINA: Pourquoi se sont-ils levés comme ça ?
DON PASCUAL: Bah ! ça les a pris subitement.
EMELINA: Je crois que je suis attachée à un rêve.
DON PASCUAL: Mais tu n'es plus étudiante à Lisbonne. Tu devras t'adapetitr.
EMELINA: Pourquoi Lauro est-il monté sur l'estrade et qu'on l'a applaudi ?
DON PASCUAL: C'était ma surprise. Ta demande en mariage.
EMELINA: Ma demande en mariage ?
DON PASCUAL: Et nous nous unissons à une autre main, bien plus longue et alliée.
EMELINA: Qu'est-ce que tu dis ?
DON PASCUAL: Je voulais te surprendre, je te l'ai dit.
EMELINA: J'étais émue par mon récital.
DON PASCUAL: Le violon n'était pas le fond de la question.
EMELINA: Et quel était-il, on peut savoir ?
DON PASCUAL: Mais enfin, toi et Lauro, vous n'avez pas parlé...

Elle se rebelle et se lève juste au moment où Mario vient se placer près d'elle.

DON PASCUAL: Qui c'est celui-là ?
EMELINA: Mon autre fiancé portugais.
DON PASCUAL: Ton quoi ?!

Emelina, debout, prend deux coupes de champagne d'un plateau d'un des garçons et les boit d'un seul traits.

DON PASCUAL: Quel fiancé portugais ?

Don Pascual observe Mario avec un regard d'homicide. Emelina prend le jeune homme par la main.

EMELINA: Et je competit le présenter à tout le monde.
DON PASCUAL: Attends. Les pactes sont sacrés. Tu désires vraiment convertir ton récital en boucherie ?
EMELINA: Où m'as-tu emmenée ?

La musique de Someday my prince will come se fait entendre. Don Gervasio et le Personnage s'approchent. Le premier embrasse Emelina.

DON GERVASIO: Emelina, et Lauro ?

Elle ne répond pas, Don Pascual la présente au personnage. Don Gervasio désigne Mario d'un geste.

DON GERVASIO: Et lui qui est-ce ?
DON PASCUAL: Ce doit être un trafiquant. Ils l'appellent le portugais.

Don Pascual prend son associé par le bras et l'éloigne du groupe.

LE PERSONNAGE: Notre concertiste mérite un peu de repos.

Ils s'asseyent. Il charge sa pipe de tabac après avoir demandé la permission à Emelina.. Mario ne cesse de l'observer pendant qu'il fume.

MARIO: Je crois savoir qui vous êtes.
LE PERSONNAGE: Un encore un autre qui est venu applaudir Emelina.
MARIO: Un de plus, non.
LE PERSONNAGE: Tu me surestimes, très cher.
MARIO:Vous m'avez attiré l'attention...
LE PERSONNAGE: Ah oui ?
MARIO: Cette curieuse courbure de votre nez.
LE PERSONNAGE (pâle): Tu veux que j'enlève mes lunettes ?
MARIO: Vous avez même baillé quelquefois.
LE PERSONNAGE: (expression de surprise).
MARIO: Oui, ça m'a attiré l'attention...
LE PERSONNAGE: Surprenant.
MARIO: La première fois que je l'ai vu à la télevision.

La trompette de jazz apparaît en vibrant, ensuite la figure de don Pascual qui susurre à sa fille.

DON PASCUAL (off): Emelina, sois intelligente et accompagne ce jeune homme à l'ascenseur.

Elle accepetit. Le couple cherche la sortie en esquivant les invités: les uns ivres, d'autres somnolents, et des couples dansant sur les rythmes de jazz. A la sortie, ils tombent sur Celestino.

EMELINA: Celestino, échangeons-nous des fleurs.


Elle lui donne une rose blanche et le truand papillote de son oeil valide.

CELESTINO: Merci mademoiselle Emelina.

Le garde du corps fronce les sourcils en voyant Mario en compagnie de la fille du patron. Le peintre lance un clin d'oeil moqueur.

24. INTERIEUR. NUIT. ASCENSEUR.

La porte de l'ascenseur s'ouvre. Mario reste dedant et regarde bouche bée Emelina qui monte subitement à l'intérieur.

EMELINA: Mario.

Les portes se ferment. Emelina appuie sur un bouton.

MARIO: Mais...
EMELINA: Je vais te montrer quelque chose.

Dans leurs yeux, on peut distinguer une lueur d'amour éblouissante. Le couple se regarde longuement de façon passionnelle.

MARIO: Tu es comme une apparition.

Ils s'embrassent.

25. INTERIEUR. NUIT. SUITE NUPTIALE.


EMELINA: Papa a réservé tout l'étage.
MARIO: En entier ? Ton père est le roi Midas ?!
EMELINA: C'est le roi de la télé repas.
MARIO: Vraiment ?

Ils s'arrêtent devant une porte.

EMELINA: Quelle porte voudrais-tu ouvrir ?
MARIO: Je peux entrer dans n'importe laquelle ?
EMELINA: Sauf dans celle-là.

Elle montre une porte au bout du couloir. Mario, très curieux, se dépace pour aller l'observer.

MARIO: Et celle-ci, pourquoi pas ?
EMELINA: C'est un secret que me réserve papa.
MARIO: La demeure de Barbe Bleue.

Elle doute une seconde, se décide et finalement sort une carte et ouvre la porte. Mario y jette un oeil et siffle d'admiration.

MARIO: C'est une suite nuptiale.

26. INTERIEUR. NUIT. SUITE NUPTIALE.

Le vestibule s'éclaire: les yeux du couple s'agrandissent devant la splendeur de la suite nuptiale.

EMELINA: Papa !
MARIO: (siffle d'admiration).

La main habile et créative d'un designer a créé une atmosphère pour une nuit d'amour inoubliable.

EMELINA: Ça, c'est nous.

Elle montre un couple de mannequins dont la tenue est une fantaisie de passerelle (de mode) pour monter à l'autel.

MARIO: Le tailleur va m'entendre, il s'est trompé de taille.
EMELINA: Mon amour, tu as devant toi le gros lourdaud de Lauro.
MARIO: Et ceux-là ?

Ils découvrent dans un coin une autre paire de mannequins, lui en costume, et elle, avec un ensemble de sortie et une capeline.

EMELINA: Ce sont les parrains.

Comme dans une maison de poupées, Emelina s'arrête devant une grande armoire noire avec des portes de cristal. Les lunes multiplient son image et celle de Mario, qui explore les cadeaux de la noce.

EMELINA: Que de vêtements !
MARIO: (il essaie les chapeaux, les uns après les autres).

Elle lance subitement un cri de joie avec un violon en main.

EMELINA: On dirait un Stadivarius.

Elle commence à jouer la marche nuptiale de Mendelssohn.

MARIO: Mon amour, ferme les yeux.
EMELINA: (Elle obéit sans arrêter de jouer).
MARIO: Oui, oui, c'est l'église russe de Paris.
EMELINA: Aussi loin ?
MARIO: Oh, il manque seulement les témoins !
EMELINA: Les témoins ?

Mario place les deux mannequins masculins pour le rituel et leur ajuste un chapeau (il en porte un lui-même).

MARIO: Ça c'est passé comme ça: ici Cocteau...
EMELINA (en faisant la révérance): Enchantée monsieur Cocteau.
MARIO: Ici Apollinaire.
EMELINA: Enchantée monsieur Apollinaire.
MARIO: Et toi tu es...? Olga?
EMELINA: Olga, très chère.
MARIO (aux mannequins): Mes amis, voici Emelina.
EMELINA (elle rit): Tu es complètement fou.
MARIO: La cérémonie peut commencer.

La jeune fille éhange le violon contre le chapeau de fiancée du mannequin et se le met.

EMELINA: Et toi, Mario, promets-tu d'être l'astre de tous ses instants ?
MARIO (off): Le plus radieux des astres.
EMELINA: Je le crois.
MARIO: Et toi, Emelina, de lundi à dimanche, tu seras l'étoile de son destin ?
EMELINA (off): De son destin et de ses rêves.
MARIO: Le couple peut s'embrasser.

Ils s'embrassent. Il la prend dans ses bras et l'emmène en volant jusque l'alcôve.

27. INTERIEUR. NUIT. LIT NUPTIAL.


Le couple reste bouche bée devant la splendeur du lit lové dans l'intimité de ses rideaux à franges, galons et pompons.

EMELINA: Papa et sa boîte à surprises.
MARIO: Mais lui il avait pensé que le fiancé serait...
EMELINA: Toi.

Elle l'embrasse sur la bouche. Après, elle recule avec un brusque changement d'attitude. Elle est pensive, comme si elle atterrissait d'un vol d'amour utopique.

MARIO: Emelina.

Elle se jette sur le lit, se cache le visage sous l'oreiller dans une crise de pleurs.

28. FLASHBACK. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

DON PASCUAL: Le violon n'était pas le fond de la question.
EMELINA: Et quel était-il, si on peut savoir ?
DON PASCUAL: Je te l'ai dit, non ?
EMELINA: Tu ne m'as rien dit.
DON PASCUAL: Mais enfin, Lauro et toi, vous n'avez pas parlé...

29. INTERIEUR. NUIT. SUITE NUPTIALE.

EMELINA: Le fond de la question était une fête de demande en mariage sans consuler la fiancée.

C'est une mer de larmes. Mario, déconcerté, ne sait pas comment la consoler.

EMELINA: C'est bien son style, maman en a bavé pour ça.

Mario Vicens, assis au bord du lit, essaie de la calmer en lui caressant les cheveux.

EMELINA (off): Mon concert de piano, encore un autre stratagème de papa.
MARIO: Emelina.
EMELINA: Je n'étais qu'une monnaie d'échanges.

30. FLASHBACK. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Don Pascual saute du divan et regarde Mario comme s'il s'agissait d'une apparition. Emelina prend Mario par la main.

EMELINA: Et je vais le présenter à tout le monde.
DON GERVASIO: Attends. Les pactes sont sacrés. Tu veux vraiment que ton concert se transforme en boucherie ?

31. INTERIEUR. NUIT. SUITE NUPTIALE.

EMELINA: Papa a parlé d'une éventuelle boucherie au concert.
MARIO: C'est le roi de la télé repas.
EMELINA: Et alors ?
MARIO: La chair humaine, c'est un ingrédient de plus non ?
EMELINA: Mais... tu ne te rends pas competit ?
MARIO: Que je t'adore ?
EMELINA: Que je suis la fille d'un gangster.
MARIO: Ton âme est pure mon amour.
EMELINA: Et je viens seulement de m'en apercevoir.

Elle recommence à sangloter. Il joue avec ses cheveux avec tendresse.

EMELINA: Je me croyais la fille du roi de la télé bouffe.
MARIO: Ne pleure pas, Emelina, nous commencerons de zéro.

Ils s'embrassent, se serrent dans les bras et retombent sur le lit immense, sous une lumière ambrée, ils s'aiment dans un dialogue de passions, et l'acte amoureux atteind son point culminant par une image plastique et lyrique.

32. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Don Pascual résiste avec sang-froid à la quantité d'alcool ingurgitée, le tout, dans une atmosphère de jazz. Le petit homme lui amène par la main la dame en rouge, une vieille fille de 50 ans.

DAME EN ROUGE: Pascual, dis-lui qu'il me lâche la main.

Elle a un visage guilleret, est coiffée d'un chignon fantaisie avec des reflets bleutés et est vêtue de rouge.

DON PASCUAL: Mon petit gars, fais bien attention avec tous ces rufians (ces salopards).
LE PETIT HOMME: Ils confondent un acte social...
DON PASCUAL: Ouais, c'est ce que je pensais...
LE PETIT HOMME: Avec un exhibition de faubourgs
DON PASCUAL: Ne les perds pas de vue.

Don Pascual et la dame guillerette sortent du salon. L'oeil de cristal de Celestino reluit en voyant passer le couple à la sortie.

33. INTERIEUR. NUIT. ETAGE DE LA SUITE NUPTIALE.

DAME EN ROUGE: Et depuis la terrasse, on peut voir les poissons des astres ?
DON PASCUAL: Et beaucoup d'autres choses.

Il ouvre une des chambres, laisse passer sa compagne, et un pressentiment impulsif le pousse à vérifier la chambre nuptiale.

DAMME EN ROUGE (off): Et où vas-tu maintenant ?

Il approche son oreille de la porte et frémit en entendant le son d'un halètement qui le crispe.

DON PASCUAL (off): Ce n'est pas possible.

Il introduit une carte dans la serrure et sort en même temps un revolver avec silencieux.

DON PASCUAL (off): Lauro, espèce de ver de terre, si tu disparaîs la nuit de tes noces...

Des pas se font entendre au bout du couloir. Don Pascual cache l'arme en voyant que Don Gervasio et son fils Lauro s'approchent.

DON GERVASIO (ivre): Lauro a encore le bracelet en main (cadeau de demande en mariage)
DON PASCUAL: C'est impossible.
DON GERVASIO: Montre-lui, imbécile !

Lauro lui montre le bracelet serti de diamants. Pascual Lleó change de visage. Il observe Lauro, regarde la suite nuptiale du coin de l'oeil et pâlit.

DON GERVASIO: Associé, nous devons parler.
DON PASCUAL. Oui, bien sûr.
DON GERVASIO: Cette fête de noces manque de sérieux.

La dame en rouge sort d'un coin en s'efforçant de marcher en ligne droite. Elle s'agrippe à Don Pascual.

LA DAME EN ROUGE: Tu confonds les poissons des astres avec les publicités de (movistar) France telecom.
LAURO: Le mariage ne s'est même pas fait public.
DON GERVASIO: Le petit a raison.
LAURO: Et qu'est-ce qui se passe avec ce portugais ?

Sans répliquer, Don Pascual essaie de conduire le groupe vers le salon de thé.

DON PASCUAL: Entrons et parlons.
LA DAME EN ROUGE: Les poissons des astres, hein...?!

34. INTERIEUR. NUIT. ENTREE DU SALON DE THE:

Francisco, alias Fran, garde du corps de don Gervasio, lui dit à l'oreille.

FRAN (off): L'alcool est en train de causer la pagaille.

Don Pascual profite de ce moment pour aborder Celestino qui se trouve à la sortiie.

DON PASCUAL: Emeline a accompagné le jeune jusqu'à l'ascenseur ?

Celui-ci fait signe que non, et indique du pouce les étages supérieurs de l'hôtel.

35. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Don Gervasio et Lauro s'approchent d'une table où quatre individus jouent des sommes exorbitantes au pocker.

LAURO: Imbéciles, c'est une fête de fiançailles et vous vous lancez dans une partie de triche ?!

Il donne un bon coup de pied à la table et la renverse. Celle-ci entraîne dans sa chute plusieurs de ses hommes qui protestent.

36. INTERIEUR. NUIT. PORTE DE LA SUITE NUPTIALE:

Revolver en main, Don Pascual ouvre discrètement la porte. Sa gueule de bois disparaît en entendant la musique d'un violon.

DON PASCUAL (off): Le Stradivarius, le cadeau de mariage...

37. INTERIEUR. NUIT. LIT NUPTIAL.

Dans la semi-obscurité, Pascual Lleó contemple Emelina nue qui interprète une sonate de Chopin.
Pendant ce temps, Mario, nu, accoudé au couvre-lit, dessine la jeune fille avec un crayon à paupières.
Soudain, la griffe d'une main furieuse détruit le portrait.

DON PASCUAL: Canaille, tu vas payer de ta peau.

Il introduit le canon du revolver dans la bouche de Mario, Emelina pousse un cri de panique.

EMELINA: Ne tire pas !

38. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Don Gervasio dialogue avec son fils, ils sont épiés par le petit homme dissimulé sous une table.

DON GERVASIO: Mais garde donc ce bracelet une bonne fois pour toute.
LAURO (il obéit): Père, il y a anguille sous roche.
DON GERVASIO: Je pressens quelque chose.
LAURO: Et ce soi-disant portugais qui apparaît subitement.
DON GERVASIO: Faudra jetter un oeil.

39. INTERIEUR. NUIT. LIT NUPTIAL.


Pascual Lleó se promène dans la chambre, un cigare en bouche. Il ne lâche ni le revolver ni le dessin de Mario.


EMELINA: Papa, Mario et moi, nous ne formons plus qu'un à présent.
MARIO: Nous avions rendez-vous dans l'agenda du destin.
DON PASCUAL (voix sourde): Mwais, et dans le lit que...

Il sort le revolver et le pointe vers la tête de Mario.

EMELINA: Essaie au moins que la balle nous atteigne tous les deux.
DON PASCUAL: Qu'est-ce que tu dis ?
EMELINA: Nous ne sommes plus qu'un, les deux mêmes artistes.
DON PASCUAL: C'est pour cela qu'il te fait ton portrait toute nue ? Je vais lui éclater la tête.

Elle s'interpose entre les deux.

EMELINA: Papa, Mario est peintre.
MARIO: Avec votre accord, demain je me marie avec elle.
EMELINA: Tout est là, les costumes, la suite,...

Don Pascual se caresse la joue avec le canon de l'arme, il perd un peu les pieds. Il s'assied, se lève, marche, se rassied à l'autre bout du lit, et subitement, entonne un fragment de Il Trovatore avec beaucoup de dramatisme.

MARIO: (reste perplexe)
EMELINA: C'est sa façon à lui de passer un mauvais moment.
MARIO: Et bien pour chanter, il sait chanter.
EMELINA: Quand il était jeune, il a chanté de l'opéra avec maman.

40. INTERIEUR. NUIT. COULOIR DU GRAND HOTEL.

Le Personnage, don Gervasio et son fils fouillent les chambres et s'approchent de la suite nuptiale.

41. INTERIEUR. NUIT. LIT.

EMELINA: Ces gens en smoking et avec une fleur au veston , qui sont venus à mon concert, c'était une farce, non ?

Don Pascual revient près du couple et place le canon sur le coeur de Mario.

DON PASCUAL: Je le liquide ce dandy, hein ?
EMELINA: Il est peintre, toi tu ne comprends que les marchés de gangsters.

Il ôte la sécurité de l'arme.

DON PASCUAL: Je dois le faire moi-même, sinon, ils le feront eux.

En l'entendant, Emelina se lève et court comme une folle vers la terrasse, elle fait glisser la porte coulissante et va au fond, elle grimpe et reste debout immobile sur la ballustrade de protection. Le petit homme apparaît.

LE PETIT HOMME: Patron, trois requins en vue.
DON PASCUAL: Mon vieux, la fin de siècle me dépasse.
LE PETIT HOMME: C'est passager.
DON PASCUAL: Emelina menace de se lancer dans le vide pour un type qui fait des dessins pornos.
LE PETIT HOMME: C'est sérieux.

42. INTERIEUR. NUIT. COULOIR DE L'ETAGE DE LA SUITE.

Bruits de pas qui s'approchent de la suite.

43. INTERIEUR. NUIT. LIT NUPTIAL.

DON PASCUAL: Nano, dis à Emelina que...
LE PETIT HOMME: Oui ?
DON PASCUAL: Que mourir par amour aujourd'hui, c'est anticonstitutionnel.
LE PETIT HOMME: C'est des artistes.
DON PASCUAL: Ah? Mais tu savais...?

44. INTERIEUR. NUIT. COULOIR ET PORTE DE LA SUITE.

Des doigts frappent à la porte. Par la suite, ce sont des mains qui cognent.

45. INTERIEUR. NUIT. SUITE:

DON PASCUAL: Nano, je dégouline le whisky jusque dans mes chaussettes.
LE PETIT HOMME: (geste de compréhension)
DON PASCUAL: Penses toi pour moi.

46. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Le trio de jazz interprète Bye bye blackbird sur l'estrade. La petite dame complètement sâoule, marche à quatre pattes par terre.

LA DAME EN ROUGE (off): Poissons, petits poissons des astres...

47. INTERIEUR, NUIT. SUITE.

Le Personnage, don Gervasio et Lauro apparaissent dans l'antichambre. Ils entrent dans la chambre et découvrent le lit en désordre. Dans toute cette pagaille,, le matelas est placé debout sur le parquet.

DON GERVASIO: (off): Qu'est ce qui s'est passé ici ?

Ils inspectent en vitesse les lieux et se lancent en trombe vers l'intérieur de
la terrasse, pendant que Mario Vicens sort d'une armoire et quitte la suite.

48. INTERIEUR. NUIT. TERRASSE DE LA SUITE.


Le trio tombe sur Don Pascual, attaché et baillonné avec des lambeaux de draps.

LE PERSONNAGE (off): Ça ne me plaît pas du tout...

A côté de quelques pots de fleurs, on voit Emelina et le petit homme le dos bloqué par le matelas, avec les restes des habits des fiancés.

LAURO: Emelina !

Une fois détachés, le Personnage fronce les sourcils et continue à inspecter et fouiner dans l'alcôve.

49. INTERIEUR. NUIT. ALCÔVE.

La main du Personnage avec le dessin où Emelina, nue, joue du violon.

LE PERSONNAGE (off): Comme c'est intéressant.

Son oeil de finaud lit sans difficulté la dédicace.

LE PERSONNAGE (off): A Emelina, de son Mario Vicens.

50. INTERIEUR. NUIT. TERRASSE DE LA SUITE.

DON PASCUAL: Le type essayait de séquestrer Emelina.
DON GERVASIO: Et qui l'a invité ?
DON PASCUAL: Il s'est invité tout seul, c'est un dealer.
LAURO: Laisse ça pour moi, papa, je m'en occupe.
DON PASCUAL: Et un psychopathe qui poursuit Emelina depuis Lisbonne.
LAURO: C'est un homme mort.
DON GERVASIO: Grave erreur, associé.
DON PASCUAL: (geste de fatalité).
DON GERVASIO: Ce concert de violon avec le bar libre a été une erreur.

51. INTERIEUR. NUIT. SEUIL DE SALON DE THE.

Musique de jazz. Don Pascual s'approche de Célestino.

DON PASCUAL: Tu as vu ce dandy par ici ?
CELESTINO: (répond que non par un geste).

52. INTERIEUR. NUIT. SALON DE THE.

Le quatuor entre dans le salon qui offre une image désolatrice. Les uns jouent aux cartes, les autres sont vautrés par terre avec la tête appuyée aux pieds des chaises.

DON GERVASIO: C'est un miracle qu'ils puissent danser au rythme de la musique.

Le Personnage prend Don Pascual par le bras, l'emmène vers une grande lampe et lui montre le dessin d'Emelina nue.

LE PERSONNAGE: Vous et moi , on va devoir parler sérieusement.

53. INTERIEUR. JOUR. MAISON DU PERSONNAGE.

Pascual Lleó feuillète un volume sur les armes à feu, debout, à côté de la bibliothèque. Le Personnage l'observe avec la pipe en main, assis sur un petit écritoire Louis XV.

LE PERSONNAGE (off): Qu'est-ce que vous savez sur cet "indiscret"?
DON PASCUAL: C'est un séducteur. Et il peint.
LE PERSONNAGE: (il fronce les sourcils).
DON PASCUAL (off): Il est venu à la fête pour flirter avec Emelina.
LE PERSONNAGE: Envoyé par quelqu'un ?
DON PASCUAL: Je ne sais pas.
LE PERSONNAGE (off): A cette fête , il n'y a que ceux qui m'ont vu qui pouvaient me voir.
DON PASCUAL: Cela ne se reproduira plus.
LE PERSONNAGE: Sauf dans des cas de spontanés. Il faudra les isoler.
DON PASCUAL (off): Don Gervasio pense le découper en morceaux à l'abattoir.

L'amphytrion se lève. Les livres alignés dans la bibliothèque laquée donnent une sensation d'ordre.

LE PERSONNAGE (off): Don Gervasio est un matarife.
DON PASCUAL: il sent le sang.
LE PERSONNAGE: Une subtile toile d'araignée peut être plus efficace qu'un couteau effilé.
DON PASCUAL (off): J'admire quasiment plus votre subtilité...
LE PERSONNAGE: (il sourit avec orgueil)
DON PASCUAL: Ce que vous même représentez.
LE PERSONNAGE: Un travail bien fait exige du temps.
DON PASCUAL: Je suis d'accord.

Son interlocuteur décroche le téléphone.

LE PERSONNAGE (off): Il faut seulement y mettre quelques conditions objectives...
DON PASCUAL: (il le regarde avec admiration).
LE ^PERSONNAGE: Pour que la victime se transforme en son propre bourreau.

54. INTERIEUR. JOUR. BAZAR DES ARTS.

Mario et ses collègues s'occupent de clients.

55. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Mario et Horace passent en-dessous d'un grand Arc. On y voit sur la façace l'inscription suivante :
En hommage aux introducteurs de l'art civilisé de l'imprimerie à Valence.

MARIO: ...et c'est comme ça que j'ai connu Emelina.
HORACIO (ironique): Mais à qui donc me fais-tu penser ?
MARIO: Ça a été quelque chose de magique.
HORACIO: Une veste en velours et une Lavallière...
MARIO: Je te le rappelle ?
HORACIO: Picasso était Picasso.
MARIO: Je sais.
HORACIO: Tu me parlais d'une fille juste avant ?
MARIO: Tu ne m'entendais pas.
HORACIO: Tu crois que j'ai la tête comme un tambour, hein ?
MARIO: Ça fait plus d'une heure que je te parle d'elle.
HORACIO: Tu as mangé des oeufs aujourd'hui?

56. INTERIEUR. JOUR. CAFE LITTERAIRE.

Mario Vicens et Horacio boivent une bière et discutent à leur table habituelle.

MARIO: Je te parle, et toi, rien.
HORACIO: Et toi tu ne répond pas à mes questions.

Mario fait le geste de se lever, Horacio le freine avec une lumière de solitude dans les pupilles.

HORACIO: Je suis lucide. Mets-moi à l'épreuve.
MARIO: Non.
HORACIO: J'ai été ton maître.
MARIO: Ça va.
HORACIO: Allez.
MARIO (les yeux fermés): Je vois sa palette qui passe du bleu au rose...
HORACIO: Inspiré par sa muse Fernande Olivier.
MARIO: Même la Tour Eiffel est devenue rose pour Picasso.
HORACIO: Et maintenant tout est rose pour Mario Vicens.
MARIO: Grâce à la muse Emelina Lleó.

Son ex-maître lève la pinte de bière et porte un toast à Emelina.
Emelina joue au violon devant un lutrin avec une partition. Assis dans un grand fauteuil en osier, Don Pascual l'observe en contenant sa frustration.

DON PASCUAL: Tu es un génie du violon, mais...

Elle arrête de jouer.

EMELINE: Je ne pardonnerai jamais ta double vie...
DON PASCUAL (off): La vie ne laisse pas choisir.
EMELINA: Le piège au récital non plus.
DON PASCUAL: Tu n'as jamais rejeté Lauro.
EMELINA: Il envoyait des cartes à Lisbonne. C'était une relation par fax.
DON PASCUAL: Mais reconnais-le, tu étais sa fiancée.
EMELINA (off): Il commençait à l'être quand il est apparu, lui.
DON PASCUAL: "lui" il l'a dans l'os. Même le Personnage veut le désintégrer!
EMELINA: Alors tu peux commander un enterrement pour deux.
DON PASCUAL: Ne me menace pas.
EMELINA: Je serai à lui ou à personne.
DON PASCUAL: La chasse va très sérieusement, Emelina.

Elle frissonne et observe la rue les rideaux d'une grande fenêtre.

EMELINA (off): Il y a deux fouineurs dans une voiture qui surveillent mon appartement.

58. INTERIEUR. JOUR. CHAMBRE DE MARIO VICENS.

Mario ouvre les yeux dans son lit et murmure.

MARIO: Emelina, Emelina,...

Le radio-montre de la table de nuit s'agrandit.

MARIO: Merde, je n'ai pas mis l'alarme.

Il va dans la salle de bain. Subitement, il se retourne va vers le télephone et le décroche, il n'y a pas de tonalité.

59. INTERIEUR. JOUR. LAC NATUREL QUI SE JETTE DANS LA MER.

Don Pascual, Célestino et le petit homme sont à bord d'une barque à moteur. Le batelier a le teint jaune et porte un chapeau de paille enfoncé jusqu'aux oreilles.

DON PASCUAL: Ici au moins on peut parler.
LE PETIT HOMME (off): Don Pascual, si nous faisions notre autocritique.
DON PASCUAL: (lève les sourcils, il attend).
LE PT HO (off): S'ils éliminent le dandy, Emelina se jette dans le vide.
DON PASCUAL: Correct.
LE PT HO: Et comment savons-nous qu'elle se lancera vraiment ?

Célestino, en économisant ses mots, approuve à force de gestes la possibilité d'un suicide.

LE PT HO: On doit la mettre à l'épreuve.
DON PASCUAL: Sans aucun risque ?
LE PT HO: On a besoin d'un type, une photocopie du peintre.
DON PASCUAL: Qu'est-ce que tu manigances, Nano ?
LE PT HO: Bousiller un type qui ressemble au peintre.
DON PASCUAL: Comme conseiller, tu fais peur, Nano.

Célestino se solidarise avec son patron par un grognement.

LE PT HO: On le maquille...
DON PASCUAL: Le cadavre ?
LE PT HO: On l'habille avec les vêtements du peintre.
DON PASCUAL: (expression béate)
LE PT HO: Le peintre restera en vie, c'est sans risque.
CELESTINO: (ébauche une grimace de désaccord)
LE PT HO: Quand on lui montrera rapidement le mort...
DON PASCUAL: (il est pris d'un tic nerveux sous la paupière)
LE PT HO: On vérifiera si oui ou non c'est un amour capicieux...
DON PASCUAL: (l'idée le séduit)
LE PT HO: D'une violoniste plouc, et pardonnez-moi l'expression.

Le batelier, intrigué, observe comment le petit homme explique sa statégie, armé d'un bloc note et d'un stylo.

60. INTERIEUR. JOUR. ABATTOIR.

De grandes bêtes ouvertes pendent à la hauteur des têtes de Don Gervasio et Don Pascual.

DON GERVASIO: Le dandy nous a fichu en l'air la demande en mariage.
DON PASCUAL: (geste de résignation).
DON GERVASIO: Nom d'un chien, il nous a humilié. Je veux le voir pendu par les pieds.

Il montre les carcasses prêtes pour être chargées dans les camions-frigo.

DON GERVASIO: Et les changements d'humeur d'Emelina avec Lauro ?

A côté d'eux, des employés de l'abattoir défilent en transportant des bêtes désossées.

DON PASCUAL (off): Lauro la verra bien vite à ses côtés.
DON GERVASIO: (moue sceptique)
DON PASCUAL: vêtue de blanc et avec un bouquet de azahar.
DON GERVASIO: Je ne sais pas.
DON PASCUAL: A une condition.
DON GERVASIO: (fronce les sourcils).
DON PASCUAL (off): Le peintre doit rester vivant une semaine.
DON GERVASIO: Ça fait beaucoup.
DON PASCUAL: J'en ai besoin pour que ton Lauro récupère Emelina.
DON GERVASIO: Et après ?
DON PASCUAL: On en fera des saucisses.

61. INTERIEUR. JOUR. SALON DE LA MAISON DE GLORIA VIÑAS.

Emelina et Mario apparaissent dans le couloir lorsqu'on entend une voix de chanteur lyrique interprètant un air de Verdi.

EMELINA: Maman, Mario Vicens.

La chanteuse reste muette, se lève du piano et change de lunettes.

GLORIA: Celui qui t'a volé le coeur, n'est-ce pas ?

Elle lui tend la joue, Mario l'embrasse.

EMELINA: J'ai raconté à maman comment on s'est connus.
GLORIA: Comment ?
EMELINA: Mais sans s'en rendre competit.
GLORIA (nouveau changement de lunettes): Vous ne seriez pas la réincarnation de Valentino ?
MARIO: Au cas ou de Picasso.
GLORIA: Et moi de la Callas.
EMELINA
: Maman, on ne va pas commencer.
GLORIA: Jeune homme, nous sommes un couple de transfuges.
EMELINA: Je t'ai dit qu'il est peintre.
GLORIA: Dites-moi, vous avez déjà fait le portrait d'une soprano ?
EMELINA: Ils veulent s'en débarrasser.
GLORIA: Le roi de la Télécomida ? Il n'osera pas.
EMELINA: Et un petit bout avec une tête de diable et Don Gervasio ?
GLORIA: Et c'est pour faire penser à Valentino qu'ils veulent lui filer un passeport (pour l'au-delà) ?
EMELINA: Parce que je le préfère au fils de Don Gervasio.
GLORIA: Moi aussi ! Oh! Pardon !

Elle s'assied au piano et commence un air de Mozart.

EMELINA: Comment est-ce que tu peux chanter quand...
GLORIA: Allez chercher vos pinceaux, je poserai pour vous.
EMELINA: Sa vie est en danger et tu...
GLORIA: Jeune homme, ici, avec Verdi et Mozart, vous êtes à l'abri.

Le téléphone sonne, Gloria Viñas décroche.

GLORIA (au téléphone): Evidemment que je reconnais la voix. C'est celle d'un de mes maris.

Mario l'observe, déconcerté.

GLORIA: C'est pour toi Emelina, ton père.

Emelina vient près de Mario et lui susurre quelques phrases.

MARIO: J'y serai.
EMELINA (au téléphone): Oui?

62. EXTERIEUR. JOUR. PORT,

Sur une embarquation de pêche, Don Pascual tient son téléphone mobile en main. Il est accompagné de Célestino et du petit homme.

DON PASCUAL (au téléfone): Je suis de votre côté, crois-moi.


63. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA.

EMELINA (au tél): Tu dois me le prouver.


64. EXTERIEUR. JOUR. PORT.

DON PASCUAl (au téléphone): Je viens de parler avec Don Gervasio.

65. INTERIEUR. JOUR. MAISO DE GLORIA.

EMELINA (au téléphone): Et alors ?

66. EXTERIEUR. JOUR. PORT.

DON PASCUAL (au téléphone): J'ai fait un marché avec lui.

67. EXTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA.

EMELINA (au téléphone): Et ?

68. EXTERIEUR. JOUR. PORT:

DON PASCUAL (au téléphone): Il ne lui toucheront pas un cheveu pendant une semaine.

69. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA.

EMELINA (au téléphone): Et après ?

70. EXTERIEUR. JOUR. PORT.

DON PASCUAL (au téléphone): On gagne du temps pour trouver une solution au problème.

71. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA.

EMELINA: (visage émacié, elle ne respire presque plus).

72. EXTERIEUR. JOUR. PORT.

DON PASCUAl (au téléphone): Tu veux sauver sa peau ?

73. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA.

EMELINA (au téléphone): Quelle question !

74. EXTERIEUR. JOUR. PORT.

DON PASCUAL (au téléphone): Bon, alors éloigne-toi de lui pendant une semaine.

75. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA.

EMELINA: (sa respiration s'affaiblit et s'accélère).

76. INTERIEUR. JOUR. LONJA.

C'est un bâtiment avec des colonnes monumentales qui s'ouvrent en forme de palmiers dans la voûte. Il y a une exposition de numismatique. Emelina et Mario parlent tout bas parmi le public.

EMELINA (off): Nous ne sommes pas tous seuls, regarde...

Elle montre discrètement l'oeil de cristal de Célestino qui observe sans intérêt quelques monnaies sur une table.

EMELINA: Papa m'a demamdé de ne plus te voir.
MARIO: (expression d'"abruti").
EMELINA: Seulement pendant une semaine pour qu'on trouve une solution.
MARIO: Je ne supporterais pas une heure loin de toi.
EMELINA: Soyons adultes, notre bonheur est en jeu.
MARIO: Je ne pourrais pas.
EMELINA: Promets-le moi mon amour, il y a beaucoup en jeu.
MARIO: Non.
EMELINA: S'il te plaît.
MARIO: Sept jours et pas une minute de plus.
EMELINA: Mon lapin, je ne veux pas te faire peur, mais fais très attention à toi.

Ils s'embrassent.

77. EXTERIEUR. JOUR. IMMEUBLE.

Maison mal conçue du quartier antique où vit Mario Vicens. Deux hommes de main avec des pulls gris et des capuchons maraudent dans le patio. Grands et athlétiques: l'un est Francisco, alias Fran; l'autre Daniel, alias Dan.

78. INTERIEUR. JOUR. ESCALIERS DE L'IMMEUBLE.

Les deux hommes montent les escaliers dans la direction de la mansarde. Cecilia Duyos les suit.

CECILIA: Vous cherchez quelqu'un ?
FRAN: Mario Vicens ?

Elle fait oui,, les énergumènes l'écartent sans plus et continuent à monter.

DAN: Il est chez lui ?
CECILIA: Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
FRAN: Des ennuis avec de gros bonnets.
DAN: Vous savez s'il a une assurance vie ?

Les intrus entrent dans la mansarde, fouillent et détruisent tout ce qu'il trouvent sur leur passage: tableaux, litographies, une céramique, un buste en plâtre, un chevalet. Ils versent ensuite les pots de peinture sur le sol devant le regard d'épouvante de Cécilia.

CECILIA: Une assurance vie ?

Ils rient et disparaissent par les toits en donnant des grosses tapes au linge qui pend au soleil et en tirant les antennes de télévision au sort.

79. EXTERIEUR. JOUR. DANS LE VOISINAGE DU BAZAR DES ARTS.

Il est midi. Mario Vicens sort du travail. Gros plan sur ses pieds qui marchent sur le trottoir.

80. INTERIEUR. JOUR. RESTAURANT.

Un garçon de café (expression hiératique et immobile) attend que Mario choisisse le menu.

MARIO: Du menu du jour, salade de "tallarines" et merlan à la sauce de châtaigne. Ah, je prendrai aussi une bière sans alcool.
Une main griffonne sur un bloc.

GARÇON: Très bien, monsieur.

Le garçon arrive au comptoir entre des plats fumants et on le voit discuter avec le cuisinier. Celui-ci lance un regard rapide à la table de Mario et se dispute avec le garçon qui revient vers Mario.

GARÇON: Je regrette, votre menu a été retiré de la carte.
MARIO: Comment vous dites ? Bon, je demanderai autre chose.
GARÇON: Vous ne pouvez rien commander monsieur.

Le garçon s'éloigne et s'occupe d'une autre table. Les yeux incrédules de Mario croisent ceux du cuisinier. Mario, étourdi, se lève et sort du restaurant.

81. EXTERIEUR. JOUR. PLACE.

Une fontaine ornée de canards crache de l'eau. Mario s'achemine vers la fontaine en se caressant le lobe de l'oreille. Il aboutit sur une place où un individu affublé d'un bonnet phrygien donne à manger dans sa propre bouche à une volée d'oiseaux.

MARIO (off/stupéfait): Vous ne pouvez rien commander monsieur.

Le jeune homme distingue une taverne au fond de la place. Lorsqu'il croise l'homme aux oiseaux, celui-ci lui susurre.

HOMME AUX MOINEAUX: Crois-moi, sans ailes ça ne vaut pas la peine de voler.
MARIO: C'est à moi que vous parlez ?

Il ne reçoit pas de réponse, il hausse les épaules et rentre dans la taverne.

82. INTERIEUR. JOUR. TAVERNE.

Il occupe une table et enfonce les yeux dans la carte des menus face au silence d'un garçon debout devant lui.

MARIO: Salade de poireaux et...

Une espèce de Madone en tablier blanc surgit de la cuisine, toute sa personne n'est qu'un éclatement charnel. En silence, elle se place dans le dos de Mario.

CUISINIERE: Nous ne pouvons pas le servir.
MARIO: Si ce menu est terminé...
CUISINIERE: Avez-vous perdu la tête ?

Elle le prend par le bras et le conduit dans la cuisine.

83. INTERIEUR. JOUR. CELLIER DE LA CUISINE.

Dans un petit espace carré où pendent des morceaux de jambons, des tresses d'ail, des saucisses, des salaisons, et où sont alignées des caisses de boissons contre les murs. La femme commence à palper Mario.

CUISINIERE: Quel homme, c'est un vrai os !
MARIO: Je voulais seulement manger.
CUISINIERE: Si on te donne à manger, on risque qu'ils nous ferment la taverne.
MARIO: Ces jambons...
CUISINIERE: Mais je comprends, tu vas comme ça tellement famélique, on dirait un chien. Mon Dieu, qu'est-ce que je lui donne ?

Elle décide de lui montrer ses seins nus au travers du tablier de cuisine. Elle attrappe sa tête de ses grosses pattes et lui place ses seins de nymphe sur les lèvres.

CUISINIERE: Vite, calme ta faim, dévore-les, parce que la cuisine me réclame.

Sans l'entendre, Mario plante le regard dans un splendide jambon de Jabugo qui se dandine devant ses yeux, et, sans hésiter, il y plante les dents malgré les efforts de la cuisinière pour l'éviter.

CUISINIERE: Insensé, c'est là où tu ne dois pas mordre.

Excité, Mario s'enfourne un bond morceau de côtelette d'un coup de dent. La bonne femme le prend dans ses bras en même temps qu'elle le pousse. Emmêlés, ils roulent tous les deux sur le sol dans un tourbillon d'ails, d'oignons, de jambons et de saucisses.

CUISINIERE: Mais qu'est-ce que tu fais , tu manges ce morceau ?

Elle tente de lui enlever ses vêtements, bien qu'en réalité il reste peu d'espace matériel pour un rapport charnel.

MARIO: Appétissant, exquis,...

Il a la bouche pleine de viande et mâche nerveusement lorsqu'on entend un cri réclamant la cuisinière.

VOIX D'HOMME (off): Theresa, on ne va pas commencer, hein !

84. INTERIEUR. JOUR. CABINE TELEPHONIQUE.

MARIO (au téléphone):Emelina, je sais que je ne devais pas appeler, mais...

85. INTERIEUR. JOUR. STUDIO DE EMELINA:

GLORIA VIÑES (au téléphone): Emelina est sortie, mais je vous ai reconnu. Quand me ferez-vous le portrait ?

86. EXTERIEUR. JOUR. CABINE TELEPHONIQUE.

Déprimé, il coupe la communication.

87. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Un taxi s'arrête près de Mario. Cecilia Duyos sort du véhicule avec une valise en main.

CECILIA: Tiens, voilà tes objets personnels les plus nécessaires, la mansarde a déjà un autre locataire.

Elle dépose la valise à ses pieds et remonte dans le taxi qui circule à peine, comme si le conducteur désirait savourer l'engueulade qui allait suivre.

MARIO: Vous êtes seulement une propriétaire de mansarde.
CECILIA (off): Et ne m'appellle plus jamais Jacqueline, on n'est pas à la Côte d'Azur ici !
MARIO: Vous ne pouvez pas me laisser à la rue.
CECILIA: Et le quartier du Carmen, ce n'est pas Nôtre-Dame-de-Vie non plus.
MARIO: Pourquoi dites-vous ça ?
CECILIA: Cherche-toi un autre modèle pour tes inventions picturales.
MARIO: Qu'est-ce qui s'est passé ?
CECILIA: Deux gorilles sont venus saccager la mansarde. Tu devrais savoir pourquoi, toi.
MARIO: Les tableaux, et mes...
CECILIa (off): Envoie-moi ta nouvelle adresse et je te ferai parvenir le reste du naufrage.

88. EXTERIEUR. JOUR. RUE

Mario Vicens prend la valise juste au moment où un cycliste se jette sur lui comme un obus, les deux roulent par terre.

INCONNU: Vous ne regardez pas où vous marchez ou quoi ?

Mario commence à loucher lorsqu'il voit l'inconnu debout, sa taille frise l'incroyable. Le géant secoue ses vêtements cérémonieusement et tend une carte de visite à Mario.

INCONNU: Pino Benimodo, enchanté.
MARIO (off): Hé ! et quel sapin ! (pino=sapin, jeu de mot intraduisible, si ce n'est par Monsieur Dupin ?)
PINO: Quand ça s'est su qu'il y avait un nouveueau rejeté...
MARIO: Qu'est-ce que vous dites ?
PINO (off): Monsieur Casanellas m'a demandé de vous faire savoir qu'il est à votre entière disposition.

A présent, le jeune homme contrecarre l'inconnu.

MARIO: Personne ne m'a rejeté.
PINO: Ah non ?

Le nouveau sujet l'observe avec compassion. Il montre un trou effiloché dans la manche de la veste de Mario, et essaye de l'arranger dans un geste de solidarité mais il renonce à la fin.

PINO: Je vous ai abîmé votre costume, un peu usé, non ?
MARIO: (il le regarde avec froideur).
PINO: Ne vous en faites pas, vous allez en essayer un nouveau tout de suite. Monsieur Casanellas prendra en charge tous les frais.

89. EXTERIEUR. JOUR. PLACE AVEC UNE FONTAINE.

Pino Benimodo et Mario passent devant l'homme aux moineaux.

PINO: Monsieur Cuellar, vous nous gardez ces trucs un moment ?

Celui-ci aquiesce, prend la bicyclette et la valise de Mario et lui dit:

HOMME AUX MOINEAUX: Que deviendraient ces petits oiseaux sans leurs ailes ?

90. INTERIEUR. JOUR. GRANDS MAGASINS.

Par un plan supérieur, deux figures humaines qui contrastent violemment par leurs tailles montent par un escalier automatique.

MARIO (off): Je ne sais pas pourquoi je vous accompagne...

En passant par l'étage, on voit une foule de femmes rendues folles par les soldes qui encerclent un grand récipient contenant des sous-vêtements féminins.

91. INTERIEUR. JOUR. GRANDS MAGASINS. SECTION HOMMES.

Mario Vicens sort de la cabine d'essayage avec un costume de veste croisée par trois boutons. Pino Benimodo le regarde avec plaisir.

PINO: La modernité en personne !

Mario, son ancien costume en main, se dirige vers la caissière.

EMPLOYEE: En espèce(s) ou avec carte de crédit ?
PINO: Vous payez, je vous rédige un talon banquaire à l'instant.

Mario titube.

MARIO: Avec carte de crédit.

Il la sort et la donne à l'employée qui la vérifie.

EMPLOYEE: Je regrette, vous n'avez plus de crédit.

Elle lui la rend. Pino se frappe aussitôt une main de stupeur sur la joue.

PINO: Mon Dieu, quelle erreur.

Il sourit, sort quelques billets de son porte-feuilles et blague avec la caissière.

EMPLOYEE (elle rit): C'est possible ?

Mario apparaît derrière des mannequins vêtu de ses propres vêtements.

PINO: Vous vous êtes changé de...écoutez, he, attendez !

Le géant fait un geste pour l'arrêter, mais Mario fuit par l'escalier automatique qui descend, avec son poursuiveur dans les talons.

92. INTERIEUR. JOUR. GRANDS MAGASINS. SECTION FEMMES.

Mario ne sait plus où se cacher. En grandes enjambées, il s'introduit dans une cabine d'essayage.

93. INTERIEUR. JOUR. GRANDS MAGASINS. ESSAYAGE.

A l'intérieur de la cabine, il tombe nez à nez avec une espèce de jeune avec des lunettes pour myope qui essaye des sous-vêtements.

INCONNUE: Qu'est-ce que...,que...

Elle ouvre la bouche pour crier. Mario lui ferme la bouche de la main droite en même temps qu'il supplie par un geste qu'elle ne le dénonce pas.

MARIO: Non, s'il vous plaît, non,..

Il est tellement sans défense, qu'elle réajuste ses lunettes et l'inspecte avec curiosité. Par son expression, elle se trouve devant une beauté d'homme !

INCONNUE: Je...Je m'apelle Amanda, je suis enchantée...Vous n'êtes pas la surprise annoncée par les pubs des soldes par hasard ?

Il aquiesce de façon ambigüe.

AMANDA: Et c'est moi qui l'ai touché ?

MARIO: Excusez-moi, mais je ne l'ai pas touchée, moi.
AMANDA: Vous, non, non, pas vous, le hasard.
MARIO (nerveux): Le hasard vous a touchée ?
AMANDA: Non, je vous ai touché vous. Le hasard ne touche pas, il donne.
MARIO: Ah oui ?
AMANDA: Et ça m'a touché, à moi, pour que je vous touche...

Elle enlève ses lunettes et le soutien-gorge avec obscénité, il va protester lorsqu'on entend la voix de son poursuiveur.

PINO: Il y a quelqu'un par là ?

Mario se recroqueville comme un moineau. Un silence. Les pas s'éloignent.

AMANDA: J'ai gagné un homme, quel monde, le marketing, les soldes, ils ne savent plus quoi inventer.

La femme embrasse Mario, se donne à lui, tremblante. Le jeune essaye d'échapper au harcèlement, mais les pas et la voix enfantine du géant se font à nouveau entendre.

PINO: Il y a quelqu'un par là ?

Mario soupire, ouvre les bras, résigné, sans opposer de résistance au festin passionnel de l'inconnue.

AMANDA: Mhmm, qu'il est doux, adorable,...

Son allégresse sexuelle se développe sur fond de musique des Caraïbes. Plus tard, sur le point d'atteindre l'orgasme, elle commence à sangloter et à gémir.

MARIO: Non, non, calmez-vous, c'est dangereux, ne criez pas.

Les séquences se succèdent. Le couple commence à se remettre de leurs ébats, ils remettent leurs vêtements. Mario se palpe l'estomac.

AMANDA: Qu'est-ce qu'il vous arrive ?
MARIO: C'est que , je n'ai pas mangé et...
AMANDA: Vous n'avez pas mangé, ah, évidemment, comme c'est vous l'homme-cadeau.

L'inconnue plonge dans l'intérieur de son sac.

MARIO: Vite, si vous trouvez quelque chose, du chocolat, n'importe quoi, je ne sais pas.

Elle lui tend un paquet de biscuits. Mario s'assied sur un tabouret et, devant l'étonnement de sa compagne érotique inespérée, il dévore plus qu'il ne mange.

AMANDA: Ils vous pressent comme un citron et ne vous donnent pas à manger.

Mario Vicens ébauche un geste contrit.

AMANDA: Et pourquoi n'allez-vous pas au syndicat ? En fin de competit, bien que ce soit pour la vie d'un billet-cadeau, vous êtes un travailleur.

Il l'invite d'un geste à poursuivre ses recherches dans son sac, et elle, pendant qu'elle cherche dans les replis les plus profonds, elle s'exclame :

AMANDA: Les soldes sont devenues impossibles.
MARIO: (geste de victime).
AMANDA: Vous devez sortir d'ici au plus vite.
MARIO: Oui, bien sûr.

Elle entrouve la porte et on entend le tumulte aux alentours de l'offre massive de lingerie fine.

MARIO: Voyons voir si j'arrive jusqu'à la cafétéria.
AMANDA: Surtout pas, c'est dangereux.
MARIO: Je dois essayer.
AMANDA: Vous trouverez des désespérées pour un homme-cadeau et elles ne verront pas en vous la personne, mais bien le...
MARIO: Le billet-cadeau.

Il regarde aussi au dehors et comme il ne voit pas Pino, il s'anime à sortir.

AMANDA: Attendez !

Elle lui barre le passage, s'accroche à Mario toute câline, efface des traces de rouge à lèvres de sa joue avec un mouchoir.

AMANDA: Vous avez une effilochure à votre veste...

Pleine de compassion, elle s'apprète à le suivre.

94. INTERIEUR. JOUR. GRANDS MAGASINS.

Mario sort de la cabine d'essayage en foire un rien échevelé, et distingue son persécuteur à une extrêmité du magasin.

MARIO (off): C'est l'ombre de mon ombre.

Pour l'éviter, il court rapidement et se lance d'un saut dans le conteneur de lingerie fine, sous tous les cris de surprise et de luxure.

AMANDA: Laissez-le en paix.

Une quantité incroyable de mains féminines s'enfonce dans le grand récipient, tout en sélectionnant du linge et un peu plus.

AMANDA: Mais laissez-le, il n'a pas mangé.

Elle ne paraît pas disposée à le laisser à la merci de ces furies érotiques et elle s'accroche avec difficulté à un étalage.

AMANDA: Ces mains, ouste ! Allez, du vent ! Sortez-les de là !

Elle donne des coups avec toute une série de lingerie qu'elle saisit, sans arrêter de crier.

AMANDA: Puisque je vous dis qu'il ne tient plus debout !

Au milieu du tumulte, Pino Benimodo est incapable de faire le lien entre la folie dechaînée et le personnage qu'il recherche.

95. EXTERIEUR. JOUR. PLACE AVEC UNE FONTAINE.

Complètement étranger aux picotements des oiseaux dans la bouche même de l'homme qui les nourrit, Mario s'éloigne dans le fond de la place avec sa valise en main.

96. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA VIÑAS:

La main de Horacio qui dessine sur une feuille la mère d'Emelina assise au piano.

GLORIA: Et vous avez appris pour moi, par Mario...
HORACIO: Plus ou moins.
GLORIA: Je peux bouger ?
HORACIO: Certainement pas.
GLORIA: Pour moi, c'est un honneur que le maître de mon beau-fils fasse mon portrait.
HORACIO: Maintenant je comprends pourquoi il ne m'a à peine parlé de vous.
GLORIA: A peine ?
HORACIO: Il est comme ça, la muse, la mère de la muse, tout.
GLORIA: Vous ne seriez pas jaloux ?
HORACIO: Il n'y a que l'art qui me rende jaloux madame.

Il se lève de la chaise et lui remet son travail.

GLORIA: Avec le piano et tout !
HORACIO: Avec votre permission, je vais prendre congé de vous, c'est l'heure du quatre-heure.
GLORIA: Je comprends. Vous êtes tellement maigre.
HORACIO: Et que cela dure !
GLORIA: Attendez. Vous me permettez que je vous prépare quelque chose ?
HORACIO: Merci, voilà , vous avez tout ici.
GLORIA: Un oeuf ?
HORACIO: Faites-le cuire à l'eau. Soixante secondes, s'il vous plaît.
GLORIA: Avec du pain ?
HORACIO: J'en ai avec moi...des petits pains de farine intégrale.

Il en sort d'un sac en plastique transparent et lui montre. Les mains de Horacio mouillent le pain dans le jaune d'oeuf. Expression un tant soit peu absurde de Gloria jouant du piano et chantant un fragment d'opéra bouffe de Mozart.

97. INTERIEUR. NUIT. VESTIBULE D'UN PETIT HOTEL.

RECEPTIONNISTE: La clé.
MARIO: Merci.

Le réceptionniste, avec des yeux de hibou derrière des lunettes en forme de demi-lune, plante son regard sur sa carte d'identité.

RECEPTIONNISTE: Vous devrez me rendre la clé.

Il récupère la clé lui-même et la dépose dans son petit casier.

98. INTERIEUR.NUIT.CABINE TELEPHONIQUE.

Mario marque un chiffre, et cela sonne occupé avec insistance. Mario compose un autre numéro, boudeur.

MARIO (au téléphone): Est-ce que Emelina est là ? Je sais que je ne dois pas lui téléphoner mais...

99. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE GLORIA VIÑAS.

DAN (au tél): Si vous aimez Verdi, venez donc à la maison.

100. INTERIEUR. NUIT. CABINE TELEPHONIQUE.

MARIO (au téléphone): Qui est à l'appareil ?

101. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE GLORIA.

DAN (au téléphone): On s'amusera, on essayera un duo.

Mario racroche. Son visage reflète la désolation totale.

MARIO (off): Ils se sont introduits chez...

102. INTERIEUR. JOUR. BAZAR DES ARTS.

Mario s'occupe d'un client. Son teint pâlit en constatant que son compagnon bonasse a été remplacé par un petit jeune à lunettes et avec la tête d'un sâle cafard.

MARIO: Qu'est-ce qui est arrivé à Luis ?
COLLEGUE DE TRAVAIL: Il est à l'hôpital, un infarctus ou quelque chose du genre, nous ne sommes rien du tout, il a déjà un remplaçant !

103. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Mario marche sur le trottoir avec sa valise en main.

104. EXTERIEUR. JOUR. PLACE.

Mario est assis sur un banc de la place, préoccupé, la valise à côté de lui, et il entend quatre coups de cloches d'un édifice public.

MARIO: Un, deux, trois, quatre,...

Pino Benimodo surgit de derrière des pots de fleurs, il tient la bicyclette d'une main et un panier en osier de l'autre.

PINO: Encore heureux que je vous trouve.

Mario, surpris, ne réagit pas.

PINO: Et le superbe costume que je vous ai acheté ?
MARIO: Je préfère ce qui est passé de mode.
PINO (il soupire): Quatre heure. Vous avez mangé ?
MARIO: Quelle question !
PINO: Quoi, ils refusent toujours de vous donner à manger ?
MARIO: (il hausse les épaules).
PINO: Monstres ! Faire ça à un homme si jeune...

Le personnage large d'épaules s'assied à côté de Mario et sort de la nourriture du panier.

PINO: Salade de thon aux noix.
MARIO: Faites voir...
PINO:Et entrecôte ibérique avec des pommes de terre au four.

Mario lui vide le plat d'entrecôte d'un seul coup d'oeil, et commence à le dévorer.

PINO: Il est mort de faim ! Dégénérés !

Il passe la main dans le panier comme si c'était le chapeau d'un prestigiditateur.

PINO: Vous aimez les piments rouges au vinaigre ?
MARIO: (aquiesce avec la bouche pleine).
PINO: Mangez, mangez, ne vous retenez pas.

Le géant se frappe la joue.

PINO: J'ai oublié le dessert: kiwi avec des quartiers d'orange.

Il essaye de se justifier......

PINO: Avec cet empressement...

Mario Vicens le regarde sans le croire.

PINO: Une cannettte de bière...mais, manger, je vous en prie, tout est offert par monsieur Casanellas.

Quand il est bien repu, Mario lui montre sa valise du doigt.

PINO: Ils vous refusent aussi un toit ? Ils n'ont vraiment pas de pitiéavec un exclu.
MARIO: Qu'est-ce que vous me proposez ?
PINO: Ne restez pas seul. Si je vous poursuivais, hum!, suivais, c'était pour éviter ceci.

Deuxbancs plus loin, le petit homme des bas-fonds apparaît en lisant un journal. Mario le montre d'un geste du menton.

MARIO: Vous savez qui c'est ?
PINO: Il a la tête d'un professionnel...
MARIO: Il me rappelle Nicolasito Portusato.
PINO: Qui ?
MARIO: Le nain des Ménines.
PINO: Ah!
MARIO: Je suis dérouté.
PINO: Vous cesserez de l'être quand vous entrerez dans le mondes des rejettés et des exclus.
MARIO: Ils sont nombreux ?

Son interlocuteur, très expressif, se lève et fais bouger les doigts de ses deux mains.

PINO: Bon, allez, il n'y a pas meilleure gonze qu'une rejetée, elles sont de feu, dommage qu'elles soient tabou.

105. EXTERIEUR. JOUR. LA RUE.

Mario Vicens et le géant avec la valise en main marchent au milieu d'une avenue bordée de palmiers et avec deux étroitres voies pour le trafic.

PINO: Vous n'essayerez plus de vous échapper, hein ?
MARIO: Je dois chercher où dormir cette nuit.
PINO: J'ai ce qu'il vous faut.
MARIO: Merci, mais je préfère un hôtel.

106. INTERIEUR. JOUR. HOTEL.

Un réceptionniste avec une barbe grise observe Mario et son compagnon de l'autre côté de la réception. Il va à l'ordinateur, le consulte, et plante son regard sur le carnet d'identité du jeune, pessimiste, il fais non de la tête.

107. INTERIEUR,. JOUR. HOTEL.

Dans cet autre hôtel, c'est à présent une femme qui lui rend son carnet avec un geste d'irritation très expressif.

108. INTERIEUR. LE SOIR. BAZAR DES BEAUX-ARTS.

Mario vérifie à l'ordinateur le prix d'une céramique de Manises.

109. EXTERIEUR. LE SOIR. RUE.

A peine pose-t-il son pied sur l'asphalte, une énorme main lui enlève sa valise avec douceur.

MARIO: Encore vous ?!
PINO: J'ai un toit pour vous, mais avant, on va prendre un apéro.

110. INTERIEUR. SOIR. POISSONNERIE (marisquería).

Tout juste installés à la barre, un monsieur élégant qui se trouve de l'autre côté du comptoir à côté des serveurs, fonce sur Mario.

MAÎTRE: Je regrette, mais vous ne pouvez pas commander...
PINO (à Mario): Vous voyez ?
MAÎTRE: Mais , c'est monsieur Benimodo.

Il s'appuie au comptoir, plie la ceinture et embrasse Pino sur les joues. Une huître au moment d'être enfournée dans la grande bouche de goinfre.

111. INTERIEUR. NUIT.RUE.

La voiture de Pino circule avec les lumières de la ville derrière lui dans le lointain.

PINO: Vous êtes bien ?

Mario qui est à côté ne répond pas. Il a les yeux fermés, donnant l'impression de se laisser emporter par les circonstances...

PINO: S'il vous plaît, vous me passez le chapeau qui est derrière vous ?

Mario tourne la tête vers le siège arrière. Son compagnon affublé d'un chapeau brun.

PINO: Je l'ai acheté chez un antiquaire, il vous plaît ?

Mario fait la moue. L'autre retire de la boîte à gants un paquet emballé qu'il offre au jeune.

PINO: Chaussons fourrés aux épinards, il n'y a rien d'autre.

Mario fait la sourde oreille.

PINO: Je vous ai invité à manger des huîtres avec moi, et je n'ai pas pu les partager avec vous, c'est incroyable.

Mario change d'attitude et accepetit le présent.

PINO: Voyons maintenant si on trouve une place.

Il arrête la voiture, sort un ordinateur de poche, tapote et regarde l'écran.

PINO: Nous avons des résidences avec des rejetées, rejetés, ou mixtes, qu'est-ce que vous préférez ?

MARIO: (il rentre les épaules)

Le géant continue à taper.

PINO: A vingt minutes d'ici, il y a une grande maison à moitié inhabitée tout près de la plage.
MARIO: Quasi inhabitée ?
PINO: Il ya quatre dames. C'est une résidence pour exclues sur le point de réinsersion.
MARIO: Réinsersion ?
PINO: C'est l'expression, vous savez bien ! Des gens qui vont être réintégrés, vous comprennez ?, normalisés.

112. INTERIEUR. NUIT. GARAGE DE LA BÂTISSE.

Pino sort de la voiture et ouvre un chemin de lumière avec la lanterne dans l'obscurité du garage, et fait signe à Mario de le suivre en silence.

PINO: Cette lune est comme un morceau d'argent sur la mer.
MARIO: (il l'observe, médusé)
PINO: Vous entendez ?

La brise de la marée leur apporte une rumeur de voix.

PINO: Vous êtes sûr que vous les entendez ?
MARIO: Qu'est-ce que vous dites ?
PINO: Elles adorent se baigner toutes nues sous les étoiles.
MARIO: Qui ?

Pino soupire et prend Mario par le bras.

PINO: Elles sortent de l'eau, vous les voyez ? Allez. allez, on les verra mieux des dunes.

113-14. EXTERIEUR.NUIT.PLAGE.

Les deux hommes, blottis derrière un monticule de sable parsemé de plantes autochtones, voient s'approcher les silhouette des quatre baigneuses.

PINO: Je vous l'avais dit ! Elles n'ont même pas un tanga....nues comme des vers.

Mario paraît plus surpris pour la réaction de Pino que pour la nudité des femmes.

PINO (off): Quel spectacle, hein ! Vous n'êtes pas nerveux ?
MARIO: (le regarde sans répondre)
PINO (off): Et quels seins, quelles fesses, quelles courbes.
MARIO: (l'observe à nouveau).
PINO: Mais vraiment vous n'êtes pas nerveux ?

Il s'accroche au bras de Mario.

PINO: Allons à l'intérieur, là elles vont aller au sauna.
MARIO: Quoi ?
PINO: Hé, Hé, charmant petit spectacle nudiste.
MARIO: Ça ne m'intéresse pas.
PINO: Elles deviennent chaudes comme des lapines, et en plus avec vous...

115. INTERIEUR. NUIT. Maison en face de la mer.

Les voix féminines s'amplifient. Pino enlève des persiennes d'une fenêtre et observe avec des jumelles.

PINO: Elles sont impressionnantes.

Mario se glisse derrière le géant et essaie de s'échapper.

116. INTERIEUR. NUIT.GARAGE.

Mario s'introduit dans la voiture avec l'intention de la mettre en marche. Il ne voit pas la clé de contact.

MARIO (off): Merde.

117. INTERIEUR. NUIT. MAISON.

Les quatre femmes avec les cheveux attachés sur la nuque ou dénoués, en train de s'enrouler dans des serviettes de bain, surprennent Pino .

FEMME I: Pino, voyeur.

Il se retourne et range rapidement les jumelles.

PINO: J'ai une surprise pour vous.

118. INTERIEUR.NUIT.GARAGE DE LA MAISON.

Mario Vicens essaie d'ouvrir la porte du garage qui donne sur l'extérieur, mais la porte est protégée par une fermeture automatique.

119. INTERIEUR. NUIT.SAUNA DE LA BÂTISSE EN FACE DE LA MER.

Un nuage de vapeur inonde le sauna. On perçoit la nudité des 4 dames assises ensemble sur un banc de bois par de rapides jets de lumière. Titillées par le festin érotique qui les attend avec le nouveau locataire, elles inicient un jeu à base de phrases à double sens, sourires et caresses subtiles et fugaces. Pino Benimodo comme un gardien de leur chasteté, se poste entre les femmes, vêtu d'un costume de lin blanc avec un mouchoir pour essayer de sécher ses tempes moites.

PINO: je n'aime pas qu'elles se touchent comme ça les unes les autres.
FEMME IV: Mais s'il nous voit à peine...
PINO: Arretez de raconter des blagues excitantes.
FEMME III: Et à quoi ressemble-t-il ?
PINO: Vous n'avez aucune possibilité avec lui.
FEMME I: Mais il est comment ?
PINO: Et je ne comprends toujours pas...
FEMME I: Oui ?
PINO: C'est un type qui a tout pour lui.

Rires nerveux.

PINO: Mais pas question de le toucher, vu ?
FEMME V:Il est si bien que ça ce dévergondé ?
PINO: Monsieur Casanellas est très strict.
FEMME III: Ça, c'est d'autorité publique !
PINO: Elles recommencent à se caresser...
FEMME II: C'est la vapeur qui vous fait voir des phantasmes sexuels.
PINO: Ce sauna est pire qu'un four. Enfin, je l'aurai dit.

Le géant trempé de sueur se retourne et cherche la porte du sauna.

120. INTERIEUR.NUIT.GARAGE.

Mario essaie de s'évader en sautant le mur, à la moitié du saut, il glisse et retombe sur le sol. Pino l'aide à reprendre conscience.

PINO: Bon, on s'était mis d'accord pour qu'il n'y ait pas de fugues, pas vrai ?
MARIO: Je ne sais pas.
PINO: Il y a des règles du jeu.
MARIO: Quand est-ce-que je pourrai partir ?
PINO: Bous cherchiez un endroit pour dormir, non ?
MARIO: Demain ?
PINO: Vous devez être ponctuel dans le travail. Je viendrai vous chercher demain à huit heures.

Pino entre dans la voiture, allume le moteur et ouvre la porte du garage avec la commande à distance.

MARIO: Je vais rester ici tout seul avec elles ?
PINO: Montez sur la pointe des pieds au grenier et barriquadez la porte, je ne peux rien vous dire de plus.


121. INTERIEUR. NUIT. MAISON EN FACE DE LA MER.


On entend un fado de Amalia Rodriguez. Mario s'éclipse dans la pénombre très discrètement.

MARIO (off): tranquillement, sans faire de bruit...

Devant une porte, il fait tourner la poignée, mais elle ne s'ouvre pas. Il fait quelques pas et entrouvre une autre porte.

MARIO (off). C'est un sauna.

Des visages féminins l'observent à travers la vitre, avec des sourires de voluptuosité.

MARIO (off): Le grenier.

En vain, il essaie d'allumer la lumière. Il se promène à l'aveuglette dans la maison jusqu'à ce qu'il se cogne contre un escalier en colimaçon.

MARIO (off): Les interrupetiturs ?

Des ombres féminines se jettent sur lui.

MARIO: Laissez-moi !
LES OMBRES: pourquoi ?

Il ne sait que répondre, son impuissance face à elles se reflète sur son visage.

MARIO: Je, je n'ai pas encore dîné.

Nouvelle lutte dans la pénombre. Mario parvient à galoper dans les escaliers. Elles tiennent entre leurs mains la chemise rayée de bleue du jeune.

FEMME III: Quelle grande perche ! La canaille de Pino avait raison.
FEMME IV: Il est à croquer !!!

122. INTERIEUR. NUIT. GRENIER.

Il y a dans le grenier, entre autres effets : une bibliothèque, un sofa, une table avec un ordinateur, une chaise et des fardes-chemises avec des en-têtes.

MARIO (off): Et dire qu'elles sont à point d'obtenir leur réhabilitation médicale !!!

La main de Mario essayant de protéger la porte à l'aide d'un verrou minuscule. Il va jusqu'à la table et choisit un des folios au hasard. Le dossier, avec un anagramme de lune dans son quart croissant, s'agrandit considérablement comme pour se laisser lire.

MARIO: Un morceau de lune comme logotype ?

Crissements de pas dans l'escalier.

MARIO (off): Fédération des Associations pour le Recyclage des Exclus de Première Phase.

L'excitation et le souffle du quatuor des femmes filtrent par les fentes de la porte. Mario pousse l' étagère de pin et la place tout contre la porte.

MARIO (off): Elle ne pourront pas la renverser.

Il y a un magnétophone sur une petite table , à côté du chandelier. Son doigt s'enfonce sur la touche play.
(off): " L'objectif est de trouver de nouvelles formules. Est-il utile d'appuyer les exclus si dans la dernière phase d'intégration , quasiment guéris, les plus optimistes nous échappent des mains ?"

FEMME II (off): On sait que tu es là, ouvre, ou bien on enfonce la porte !
MARIO: Je vous l'ai déjà dit, je n'ai pas dîné.
FEMME III (off): et nous, nous sommes à jeun...
FEMME IV (off): On ne sait même plus ce que signifie "donner un coup de dent".

Rires malicieux.

MARIO: Vous avez Pino, ce doit être un éléphant qui copule.
FEMME I (off): Arrête tes idioties, Il lui manque une bonne trique à Pino !
MARIO: Je n'ai plus de force, je ne le supporterai pas.

Un énorme coup sur la porte en guise de toute réponse.Le bois tremble, et les gonds craquent.

MARIO: Filles de p....

Il recule au fond du greneir, ouvre un fenêtre en forme de guillotine et s'évade par le toit. Elles entrent en trombe dans la mansarde et s'approchent de la fenêtre guettant l'extérieur.

FEMME II: Il s'est évadé comme un chat sur les toits.

123. EXTERIEUR. NUIT: MAISON EN FACE DE LA MER.

Mario avec des pantalons des années 40, c'est son seul habit. Il reste plier sur lui-même entre les tuiles près de la cheminée.

MARIO (off): Je vais rester ici comme un petit oiseau.

La plage de sable s'étend devant lui. La lune lui donne un ton couleur-neige entre le roulement des vagues.

124. EXTERIEUR. NUIT. PLAGE.

Mario se trouve à présent dans une courbure des dunes pour se cacher. Une jeune fille aux yeux reluisants de désir le surprend au-dessus du monticule.

FEMME III: Je serai plus douce encore qu'un petit pot de miel.

Directement, elle entrouvre la serviette de bain et elle s'exhibe dans toute sa splendide nudité.

MARIO (off): Mais je n'en peux plus.

Il s'échappe, et court rapidement entre les dunes.

FEMME IV (off): Il est là, qu'il ne nous échappe pas surtout.

Le disque lunaire disparaît derrière un cercle de nuages. Les silhouettes féminines courent derrière Mario tout le long de la plage.

MARIO (off): Emeline...

Deux femmes sont nues, une autre se couvre avec la serviette de bain jusqu'à la ceinture et la quatrième retient sa serviette tout le long du corps.

PINO (au loin/off): Laissez-le, il est tabou pour vous...

Mario se retourne, une des femmes est à ses talons, une autre à quelques mètres, et le reste plus lointaines. Au fond de ce tableau, un épouvantail à chapeau lance des cris entrecoupés au milieu de la nuit.

PINO: Vous ne pouvez pas le toucher, c'est un exclus récent.
MARIO (off). elles sont complètement cinglées, si au moins je pouvais dessiner ce "vertige charnel"...
FEMME III: He! He! Arrête -toi !
PINO (à peine audible): Je ne peux plus respirer, je vais avoir une attaque...
FEMME IV(off): Tu ne peux pas resister de voir ce festin, hein ?!
PINO (off): Vous avez quasiment en poche votre certificat de guérison, et vous vous risquez à...
FEMME I : El alors ?
PINO: La "baise" c'est tout ce qui competit pour vous ?

Le géant s'éloigne des vagues et, épuisé, il s'accoude à une barque échouée sur la plage, tout en haletant.

PINO: Que va dire monsieur Casanellas ?

La pleine lune dessine un sentier de lumière sur la mer, pendant que Pino sort ses jumelles et observe la persécution.

PINO (off): Et dire que la chasse d'un mâle est encore d'actualité dans les cultures éloignées.

Avec un geste de douleur en se tenant la cheville, Mario trébuche et roule dans le sable.

FEMME III: Enfin !

Un nuage cache un fragment de lune et, en-bas, sur la plage, un essaim de pupilles dilatées s'enfoncent sur le malheureux.

FEMME II: C'est un cadeau d'une nuit sauvage et méditerranéenne.
MARIO (off): Encore l'homme cadeau, non, non, plus d'homme cadeau...
FEMME IV: Il faudra le tirer à la courte paille.

Elles le tirent à la courte paille avec des petits galets polis par les vagues.

FEMME I: Pas de triche, hein !

On entend un cri de jubilation, la chanceuse tire Mario par la main jusqu'à une petite dune aux limites de la plage.

125. EXTERIEUR. JOUR. PLAGE.

Un immense soleil en forme d'orange apparaît sur un horizon d'eau. Mario, somnolent, ouvre les yeux et croise le regard de Pino.

PINO: Regardez moi ça, quel lever de soleil.
MARIO: Qu'est-ce que vous dites ?
PINO: Je vous amène vos pinceaux ?
PINO: Vous voulez peut-êter faire une esquisse à l'huile, je ne sais pas moi.
MARIO: Je suis là pour ça !
PINO: Capetitr cette lumière unique de la Méditerranée.
MARIO(l'observe, incrédule)
PINO: Une marine de vous, oh, je l'encadrerais tout de suite !
MARIO: Un autre jour.
PINO: Vous vous êtes bien reposé ?

Accoudé sur le sable, Mario observe la partie supérieure de l'énorme pull-over qu'il porte.

PINO: C'est à moi, je devais le proteger de l'humidité nocturne.

Mario s'étire, la confusion de ses idées est manifeste.

PINO: Vous ne pouvez pas marcher, appuyez-vous sur moi.
MARIO: Oh !
PINO: Ces louves ont bien dû se rassasier !
MARIO: Se rassasier...
PINO (il soupire): Et moi je n'ai presque rien vu...
MARIO: Vous n'avez rien vu ?
PINO: Vous ne vous rappelez pas ?

Quelques fragments reviennent à Mario, des images , et même des éclairs orgasmiques de ses persécutrices.

PINO: Quelle forme elles ont ce matin, vous savez qu'elles ont déjà déjeûné ?
MARIO: Bon appétit !
PINO: Le soleil n'était même pas encore levé...
MARIO: Je dois marcher tout seul.
PINO (off): Elles ont pris des toasts avec du beurre et de la confiture, du café, des oeufs sur le plat et du bacon.
MARIO: (il lève la main à la bouche )
PINO (off): Maintenant elles étudient, c'est de la véritable matière grise.
MARIO: Oui, je vais marcher.
PINO (off): Une d'elles écrit sa thèse sur les insectes qui dévorent le mâle après se l'être bien envoyé !

Un Pino sentimental observe Mario, du haut de sa compassion.

PINO: Vous êtes sûr que vous pourrez marcher ?

Le géant avec le regard humide, porte Mario sur ses épaules et s'achemine vers la maison.

PINO (off): Vous savez ce que les plus rusées m'ont suggéré )
MARIO: Qui sait !
PINO: Pas un mot du festin charnel sur la plage à monsieur Castanellas.
MARIO (absent): Elles ont dit ça ?!
PINO (off): Et elles vous invitent à occuper le grenier jusqu'à ce qu'elles soient définitivement guéries.
MARIO: Quoi ? Qu'on les traîne devant les tribunaux !

126. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Une voiture freine près du trottoir, à hauteur du travail de Mario. Pino et Mario sortent du véhicule.

127. INTERIEUR, JOUR. BAZAR DES ARTS.

Sur le pas de la porte, on voit Mario avec sa valise suivi de son accompagnateur.

PINO: Vous auriez pu laisser la valise dans la maison.
MARIO: Bien le bonjour, monsieur Benimodo.

128. INTERIEUR. JOUR.MAISON DE GLORIS VIÑAS.

Les malfrats Fran et Dan en pull-over, auprès de la maîtresse de maison.

GLORIA VIÑAS: Vous demandez qui, l'artiste Mario Vicens ?

Dan va parler, mais elle anticipe.

GLORIA V.: Il va aussi vous faire un portrait ?
FRAN: Oui, on s'est mis d'accord sur le prix.
GLORIA V.: A moi il ne m'a pas parlé d'argent.
DAN: Ah non ?
GLORIA V.: C'est un portrait et une légende de l'art lyrique.

Les hommes de Don Gervasio se déplacent et observent la maison avec des yeux de rats.

GLORIA V.: Quelle est votre profession ? Vous faites aussi partie du monde artistique ? de l'opéra ?
FRAN ( moue ambigue)
GLORIA V.: Je parle à un ténor ou à un (...) ?
LES MALFRATS: (se raclent la gorge, sans s'identifier)
GLORIA V.: Du Mozart ?
LES MALFRATS: (idem)
GLORIA V:: Allons, alors, avec un scène de Cosi fan tutte.

129. EXTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA VIÑAS.

Emeline ouvre la porte de la maison, et entend les notes du piano avec un trio de voix.

130. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA VIÑAS.

Elle s'approche sur la pointe des pieds et voit sa mère jouant au piano dans le salon, qui chante et qui dirige de l'index les voix désaccordées des truands.

GLORIA V.: Quelle horreur, ils miaulent comme des chats.

Emeline recule et rejoint la porte qui donne sur la rue.


131. INTERIEUR. JOUR.MANSARDE DE MARIO.

Le nain et Célestino fouinent dans une armoire lorqu'ils sont pris en flagrant délit par la proprio.

CECILIA: Qu'est-ce que vous faites ?

Le petit homme s'approche de Cécilia qui prend peur.

CECILIA: Il n'est pas là, je lui ai dit de partir.

Célestino tient un costume gris plomb des années 20.

CECILIA: C'est pour vous, si, vraimemt, le costume vous pouvez l'avoir.


132. INTERIEUR. JOUR. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

Le modiste, de petite taille, élégant, les yeux vifs, observe avec une certaine méfiance le couple de clients qu' il a devant lui. Don pascual montre le costume gris au modiste.

MODISTE: Vous désirez de la qualité, une belle coupe ou des antiquités ?
DON PASCUAL: Ç'est pareil.
MODISTE: Et qui faut-il vêtir?
LE PT HÔ: Un mort !

Geste d'étonnement de son interlocuteur.

MODISTE: Vous dites ?

Le père d'Emeline montre le costume de mario.

DON PASCUAL: Vous avez son ceintre ici.
LE PT HÔ: Nous voulons quelque chose de criard.
MODISTE: Pour le mort ?
LE PT HÔ: C'est que...il respire encore.
MODISTE: Quoi !?
DON PASCUAL: Prenez donc les mesures.
MODISTE: Mais de qui ?
DON PASCUAL: Mais de qui croyez-vous ?
MODISTE: Vous vous croyez dans une agence funéraire ?
DON PASCUAL: Arrêtez de penser un défunt et mesurez le costume.
MODISTE: C'est celui du mort ?
DON PASCUAL: Oui, c'est cela.
MODISTE: Jamais !

Don Pascual sort une liasse de billets el le lance par-dessus la tête du tailleur.

MODISTE: Ah bon, s'il est seulement question de prendre les mesures...

Avec une main de professionnel et un mètre de toile, il prend une série de notes du pantalon et de la veste.

LE PT HÔ: Cela doit être un costume de couleur vive, qui ait de l'impact !
MODISTE: Mais, vous n'allez pas l'ent
DON PASCUAL: Ce sera après qu'il l'ait porté, celui-ci.
MODISTE: Le porter par-ci par-là, le mort ?
LE PT HÔ: De nos jours, un mort doit être très dynamique.
DON PASCUAL: Ils deviendront bientôt autosuffisants...
LE PT HÔ: Et ils iront d'eux mèmes en marchant au cimetière.
MODISTE: Ah oui, évidemment, qu'est-ce que ne fait pas la science médicale...
LE PT HÔ: Chef, Emeline voudra voir le peintre ainsi...
DON PASCUAL: Vous avez des mannequins ?

Le tailleur lève les yeux de son bloc de notes, offusqué.

LE PT HÔ: Eh bien allez les préparer.

Don Pascual remet un patron au tailleur.

DON PASCUAL: Je désire ce costume sans vos propres croquis ou patrons.

Les compères sortent, on voit une rigole de billets aux pieds du modiste.

133. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

DON PASCUAL: Et le mort pour mettre Emeline à l'épreuve ?
LE PT HÔ: Chef, à partir d'aujourd'hui, les types bien faits courent des risques.
DON PASCUAL: C'est dur de liquider qqun , seulement parce qu'il ressemble à...
LE PT HÔ: Cette nuit il y a un règlement de competits avec "El Roto".
DON PASCUAL: Oui, Il y aura pas mal de restes...

134. INTEREIUR. JOUR. SALLE DE CONCERTS.

La jeune fille termine son concert de violon. Emeline sert la main de quelques admirateurs. Devant elle, Mario affublé de lunettes obscures, d'une perruque et du chapeau de Pino.

MARIO: Emeline, je ne peux pas vivre sans toi.

Pâle et tremblante, elle essaie de dominer ses émotions.

MARIO (off): tu ne sais pas quelle vie je mêne.
EMELINE (dans un susurrement): Sors d'ici, tu es en danger.

Il disparaît. A la porte de la salee, Don pascual et le nain échangent des salutations avec les spectateurs traînards.

EMELINE: Papa.
DON PASCUAL: Il n'y avait que des voyous à ton concert.
LE PT HÔ: Ils voulaient faire de ton Mario de la chair à pâté.
EMELINE: Non !

Elle tombe dans les pommes dans les bras de son père.

DON PASCUAL: Nano, tu es une espèce de brute.
LE PT HÔ: Chef, Emeline en est encore aux contes de fées.
DON PASCUAL: Elle n'y est pas, c'est une fée.
LE PT HÔ: Il faudra la réveiller avec un de ces contes.
DON PASCUAL: C'est sa folle de mère qui lui racontera.

135. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

A l'intérieur d'une Mercedes blanche décapotable, on voit les visages de Don Pascual et du Nain. Emeline revient à elle sur le siège de derrière.

NAIN: Chef, la clé de la réussite, c'est le modiste.
DON PASCUAL: Avant d'être cuisinier, j'étais tailleur.

Il montre un papier avec le patron d'un costume d'homme.

136. INTERIEUR. MAISON DE GLORIA VIÑAS.

GLORIA V.: Tu viens pour me concéder le divorce ?
DON PASCUAL: Je dois divorcer de toi toutes les deux minutes ?
GLORIA V.: Qu'est-ce que tu insinues ?
DON PASCUAL: J'ai été le premier de tes trois maris ou non ?
GLORIA V.: Maintenant je suis une hirondelle libre.

Elle s'assied au piano et chante un fragment de romance.

DON PASCUAL: Et Emeline, elle a aussi l'esprit d'un oiseau ?
GLORIA V.: Qu'est-ce que tu dis ?
DON PASCUAL: Elle arrive de Lisbonne, elle a un fiancé et subitement elle tombe amoureuse d'un autre.
GLORIA V.: Lui, c'est un artiste, et toi tu l'avais confiée au fils d'un désosseur de bêtes (boucher).
DON PASCUAL: Il n'y a que le bonheur d'Emeline qui competit pour moi. J'ai une surprise.
GLORIA V.. Pour tes surprises, le valium est ma meilleure compagnie...
DON PASCUAL: Je vais acheter le costume de noces du peintre.
GLORIA V.: Qu'est-ce que tu vas acheter ?
DON PASCUAL: Je veux qu'Emeline soit présente.
GLORIA V.: Je l'accompagnerai, on ne peux pas se fier à toi.
DON PASCUAL: Va dans la voiture, réveille-la et raconte-lui...
GLORIA V.: Le conte que tu viens de me raconter ?

Il se retourne sur le pas de la porte.

DON PASCUAL: le Nana vous emmènera au défilé.


137. INTERIEUR. JOUR. CAFÉ.

Mario vient de la rue et pose une question au garçon qui se trouve derrière le comptoir. Celui-ci désigne de la main un endroit au fond du local.


138. INTERIEUR. JOUR.TOILETTES DU CAFÉ.

Mario enlève la perruque, les lunettes et le chapeau et enfouit le tout dans un sac à main.

139. INTERIEUR. JOUR.CAFÉ.

Le garçon de café cligne des yeux lorsqu'il voit sortir des toilettes un autre individu que celui qui était entré.

140. INTERIEUR. JOUR. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

En surveillant le défilé des modèles, Don Pascual, le nain et Célestino forment un tableau grotesque. En face d'eux, Emeline et sa mère qui porte un de ses chapeaux extravagants sont assises dans des fauteuils séparés.

EMELINE: Avec le goût de papa...
GLORIA V.: Sois tranquille ma fille...

Le défilé de mannequins commence, ils exhibent des costumes de lin et de soie dans une gamme de couleurs très variées.

GLORIA V.: Jusqu'à maintenant, il y a de la qualité !

L'attention se polarise sur un jeune qui ressemble singulièrement à Mario.

EMELINE: Quelle ressemblance !

Le mannequin porte un costumejaune paille, une cravate noire assortie au mouchoir de poche de la veste.

GLORIA V.: Où ai-je donc mis mes autres lunettes ?

Don Pascual se met debout et désigne le modèle, en se murmurant pour lui seul :

DON PASCUAL (off): On dirait un des nôtres.
EMELINE: C'est incroyable comme ils se ressemblent !
GLORIA V.: Quelle horreur d'affublement !
EMELINE: Mario est plus, plus,...
GLORIA V.: Où ai-je fourré mes lunettes de lecture ?
LE PT HÔ (murmure): Chef, il faut que Emeline le regarde , et plus d'une fois...

Gloria Viñas n'arrête pas de gesticuler et de susurrer à l'oreille d'Emeline, en essayant de relativiser la situation.

LE PT HÔ: Mademoiselle, regardez-le bien, quel phénomène, avec la veste allongée.
DON PASCUAL: Avec un seul bouton, et le revers du veston recoupé.
LE PT HÔ: Pantalon bordé.
EMELINE: Je ne sais pas ce qu'ils prétendent...
GLORIA V.: Emeline, n'y fais pas attention, pour le mariage, c'est moi qui te l'habillerai.

Subitement, le regard du mannequin se vitrifie , il chancelle, et ses collègues l'aident à quitter la passerelle.

EMELINE: Oh, Mon Dieu !
GLORIA V.: Avec ce costume, pfff, comment n'allait-il pas avoir une attaque !


141. INTERIEUR. JOUR. RÉSERVE DU MAGASIN.

Le mannequin apparaît en peignoir, il est assis sur une chaise-longue, entouré du tailleur et de ses autres compagnons qui essaient de le réanimer devant l'expression de glace de Fran et Dan.

MANNEQUIN I: Ce n'est rien, il s'en remettra.
MANNEQUIN II: C'est un infarctus, il est mort.

Incrédule, le mannequin se penche sur lui, lui prend le pouls, place son oreille sur son coeur, sans arrêter de faire non de la tête.

MODISTE: Nacho, s'il te plaît, reprends tes esprits, voyons...

Don Pascual et le nain arrivent dans la réserve et voient le spectacle de désolation.

MODISTE: Monsieur, c'était Nacho Roca, une future étoile de la passerelle de mode.

Don Pascual enlève son chapeau.

DON PASCUAL: Veuillez accepetitr mes condoléances les plus sincères.

Le tailleur offusqué, se retourne et s'incline à nouveau sur le cadavre. Moment dont profite le nain pour parler à voix basse à son patron.

LE PT HÔ: Chef, ça y est, on l'a.
DON PASCUAL: Qui ?
LE PT HÔ: Le mort.
DON PASCUAL: Quel mort ?
LE PT HÔ: Madame Gloria a raison, il a été fulminé d'un coup par le costume que vous avez dessiné.

Don Pascual baisse une paupière, médite, relève la paupière et ses yeux luisent. D'une voix énergique il s'adresse au tailleur consterné, qui est comme absent.

DON PASCUAL: Vite, les urgences , vite.
LE PT HÔ: Il est encore temps de le sauver.
DON PASCUAL: La voiture est juste dehors, aidez-nous à le transporter.


142. EXTERIEUR. JOUR.VOITURE.

Célestino est au volant de la Mercedes. Le mort est entouré de Don Pascual et du nain sur le siège arrière.

LE PT HÔ: Il faut lui enlever ses vêtements et lui mettre le nouveau costume.
DON PASCUAL: Je l'ai oublié.

Il descend de la voiture. La tête du mort vascille vers l'avant et se cogne contre l'épaule de Célestino qui n'ose plus bouger.

CELESTINO: Tu as entendu ?
LE PT HÔ: (fait non de la tête).
CELESTINO: Le type émet un ronronnement, il est en train de ronfler !

Don Pascual reveint dans la voiture avec le costume.

DON PASCUAL: Oeil de verre, écrase l'accélerateur !

143. EXTERIEUR. NUIT. RUE.

Les trois hommes discutent et tournent autour de la voiture garée sur une place déserte, où dans le temps se trouvait une hémérothèque.

CELESTINO: Ah non, moi je ne le déshabille pas !
DON PASCUAL: Allez, voyons !
CELESTINO: Non et non.
DON PASCUAL: Non , quoi ?
CELESTINO (super exité): Et encore moins le rhabiller avec ce costume...
LE PT HÔ: Céles, c'est un costume super cool.
DON PASCUAL: Qu'est-ce que tu as contre ce costume, mhm ?
LE PT HÔ: Ce n'est pas le costume mais un infarctus qui...
CELESTINO: Chef, vous voulez un autre mort ? dix ? ben voilà.
DON PASCUAL: Ne me mets pas à bout.
LE PT HÔ: Céles, la première chose, c'est que tu ne fasses pas de bêtises.
CELESTINO: Et pourquoi vous ne le déshabillez pas vous-mêmes, hein ?
LE PT HÔ: Parce que le patron n'a jamais déshabillé d'homme mort.
CELESTINO: Et toi ?
LE PT HÔ: Moi, je suis allergique.

Célestino rentre dans la voiture à contre-coeur.

DON PASCUAL: Nanoi, et maintenant, quoi ?
LE PT HÔ: Les photos du dandy.
DON PASCUAL: Les photos ?
LE PT HÔ: Au théâtre de l'Opéra.

Don Pascual observe le nain avec admiration. Il sort le mobil et marque un numéro.

DON PASCUAL (au tél,): Vous l'avez eu ?

Le nain demande le téléphone d'un geste.

LE PT HÔ:
CELESTINO(off): Et les nouvelles chaussures ?
DON PASCUAL: Oui, bien sûr.

Il va les chercher dans la voiture.

LE PT HÔ(au té.): Nous avons besoin de photos urgentes du peintre.
CELESTINO(off): Chef, ne me faites pas changer ses chaussettes.
LE PT HÔ(au téléphone): Mettez-le dans une cabine de photos.

144. INTERIEUR. JOUR. MUSEE DE PEINTURE.

Mario et Horacio discutent pendant qu'ils observent divers tableaux à l'intérieur d'un musée construit sur un antique séminaire de missionaires.

HORACIO: On ne te voit plus dis donc.
MARIO: Si tu pouvais comprendre ce qui m'arrive,.
HORACIO: Tu as mangé des oeufs ?
MARIO: Oh, ne viens pas m'enquiquiner maintenant avec tes oeufs.
HORACIO: Tout est pollué.
MARIO: Pour les oeufs ?
HORACIO: Exactement.
MARIO: C'est pour ça que tu ne communique qu'avec les poules.


145. EXTERIEUR. JOUR. PARC DE LA VILLE.

Ils se promènent dans un parc rectangulaire décoé de fontaines et de sculptures de style roccoco.

HORACIO: Tu portes la même coiffure que le jeune Picasso, avec deux raies.
MARIO: Je ne sais pas.
HORACIO: Tu ne sais pas ? Dis moi , qu'est-ce que tu peins dernièrement ?
MARIO: Je veux faire les Ménines (las meninas)de lui sur la toile.
HORACIO: Oublie ça.
MARIO: ET aussi les nains Maribarbola et Nicolasito.
HORACIO: Quelle monomanie !
MARIO: Il est en moi, un jour il sortira.
HORACIO: Par ton nombril.
MARIO: Je me retrouverai seul face à la toile nue.
HORACIO: Tu devras marcher avec des béquilles sur la toile.
MARIO: Si je ne suis pas capable de faire un pas par moi-même...
HORACIO: Quoi ?
MARIO: J'enterrai la palette.

Mario baille et se met la main sur la bouche.

MARIO: Tu n'as rien de comestible avec toi ?

Les yeux de son ex-maître s'illuminent, il introduit la main dans la poche de sa veste et en sort un oeuf.

HORACIO: Prends-le, frais pondu !. Voilà le sel.

Mario accepetit l'oeuf et cherche un banc où s'asseoir.

HORACIO: Il est bon ? Et sans toxines vénéneuses.
MARIO: Délicieux. Dis, tu sais que je suis à la rue ?
HORACIO: Ce n'est pas possible.
MARIO: Je ne sais pas où dormir.
HORACIO: Mange, tu dormiras chez moi.

146. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Mario et Horacio traversent un boulevard lorsque deux gorilles de Don pascual interrompe leur discussion.

GORILLE I (off): Pardon monsieur.
GORILLE II (off): Mais nous devons prendre le jeune en photo.
HORACIO: La presse, hein ?

Mario croit qu'ils vont lui envoyer un coup de feu, et s'accroche à Horacio, tout ému en lui disant au revoir.

HORACIO: Ne le gâtez pas.
GORILLE I (off): Ah non ?

Ils se remettent en marche tous les trois. Horacio titube et de quelques enjambées il se réintègre au groupe. A présent ils sont quatre.

HORACIO: Pour le moment, ce n'est qu'un "copieur" de Picasso.
MARIO (off): Adieu, maître, prends bien soin de toi.
HORACIO: Ecoutez, et pourquoi vous ne prenez pas une photo de nous deux ?
GORILLE I: Vous dites ?
HORACIO: C'est vrai, j'ai été son maître moi.
GORILLE II (off): Vous voulez que l'on vous photographie ? Parfait.
MARIO: Il n'a rien avoir dans tout ça !
HORACIO: Ah oui ? et qui t'a enseign´ñe le clair-obscur ?
GORILLE I (off): C'est vous qui lui avez enseigné ?
HORACIO: Et sourtout à utiliser les beiges ocre et brun...

147. EXTERIEUR. JOUR. GALERIE (PASSAGE)

Le passage avec des magasins et une cabine de photos.

MARIO: (fataliste) C'est ainsi ?
GORILLE I (off): Oui, en effet.
MARIO: Ce sera rapide, non ?
GORILLE II (off): Un simple flash et hop là.
MRIO: S'il vous plaît, ne le pho-to-gra-phiez pas lui !
HORACIO: Vous entendez ? Ces copieurs de génie sont des fats !
MARIO: Il ne sait pas ce qu'il dit, laissez-le.
HORACIO: Non mais vous entendez ça ? (il l'imite) Laissez-le et photographiez-moi .
GORILLE I (off): Vous allez arrêter de faire de la brasse avec vos bras oui !
GORILLE II (off):Bon ok: on le photographie lui et après vous, d'accord ?
HORACIO: Et pourquoi lui le premeir ? J'ai un tableau à la peinture à l'huile exposée au Musée des Beaux Arts, moi !

Le gorille I avec des yeux exaspérés brandit le révolver.

GORILLE I (off). On le photographie lui le premier, vu ?
GORILLE II (off): Entre, dandy.

Avant d'entrer dans la cabine, Mario se retourne tendrement vers Horacio.

MARIO: Tête, pourquoi les deux, hein ? pourquoi ?

148. INTERIEUR. JOUR. CABINE DE PHOTOS.

Mario reste devant le tabouret, le gorille II derrière lui.

MARIO: Ce sera comment ? Assis ou debout ?

L'autre au lieu de répondre, lui assène un coup qui l'assied sur le tabouret. Il introduit quelques pièces de monnaie et les flashs se succèdent, entre des pauses dont profite la crapule pour placer la tête de Mario dans des poses différentes.

HORACIO: Et qui croit-il qui lui a enseigné la technique de l'eau-forte ?

149. EXTERIEUR. JOUR. GALERIE.

Le gorille sort de la cabine quand le téléphone retentit. Son acolyte sort le mobil du sac et se colle le récepetitur à l'oreille.

GORILLE I (au téléphone): Allo ?

150. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE DON PASCUAL.

DON PASCUAL (au tél): et ces photos ?

151. EXTERIEUR.NUIT. GALERIE.

GORILLE I (off): On les a chef !

152. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE DON PASCUAL.

DON PASCUAL (au téléphone): Je les veux ces photos maintenant !

153. EXTERIEUR. NUIT.GALERIE.

Le truand garde le téléphone, fait un signe à son compère et se mettent à courir jusqu'où ils avaient garé la voiture, poursuivis par Horacio qui les interpelle en criant.

HORACIO (off): Vous publierez seulement la sienne, Paparazzis de merde !

Mario le rettrappe et lui prend le bras.

MARIO: Réellement, ils voulaient juste me photographier.
HORACIO: Je suis sûr qu'ils ne mangent pas d'oeufs écologiques. Ils ne feront pas de vieux os !
MARIO (baille): J'ai les yeux qui se ferment.


154. EXTERIEUR.NUIT.TERRASSE DE L'IMMEUBLE D'HORACIO.

Terrasse avec une forêt d'antennes de télévision. Un coq entre deux poule immobiles posés sur une corde à sêcher le linge.

155. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE HORACIO.

Dans un chaos de plumes et de crottes, horacio et Mario sont assis sur un grand grabat. Des tebleaux et des gravures du locataire pendent au-dessus de leurs têtes.

HORACIO (off): Tu n'as pas l'air à l'aise.
MARIO (off): On est au-dessus d'un tas de caisses de fruits ?

156. EXTERIEUR.NUIT. TERRASSE DE L'IMMEUBLE.

Vue panoramique de la ville criblée de lumières, les immeubles élevés et les clochers d'église sortent de la masse.

MARIO (off): Quand est-ce qu'on éteind la lumière ?
HORACIO (off): Quand les poules pissent.
MARIO (off): Arrête tes bêtises.
HORACIO (off): Ton problème, vois-tu, c'est que tu as peur de voler.
MARIO (off): Moi, peur, hein ?
HORACIO (off): Et Picasso est ton alibi.
MARIO (off): mwoui.
HORACIO (off): Tu ne copies pas sa peinture, mais son personnage.
MARIO (off): Aïe ! il m'a becqueté ce sale oiseau !

157. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Mario marche sur le trottoir, la valise en main. Horacio le suit en le harcelant.

HORACIO: Picasso cassait lui, il rompait !
MARIO: Bon dieu quelle nuit avec ces poules de merde !
HORACIO: Toi, tu copies, co-pi-es.

Mario lui répond sans se retourner.

MARIO: Il est indiqué que dans le livre des imitiateurs et faussaires du musée des Beaux Arts que j'ai copié.
HORACIO: A 14 ans.
MARIO: J'ai eté un copiste.
HORACIO (off): Qui a changé ses cours de la Faculté des Beaux Arts pour le Musée des Beaux Arts (dans ce cas, on parle du Prado).
MARIO: J'imitais.
HORACIO: Oui, Velázquez, Goya, Le Greco, et tu sais pourquoi ?
MARIO: (il est très tendu)
HORACIO (off): Pour te lancer, pour voler et lui ressembler.
MARIO: (toujours tendu).
HORACIO: C'était une exception, un cas.
MARIO: (tendu).
HORACIO: Et tu as peur de prendre ton envol.
MARIO: idem.
HORACIO: Picasso a pu être Dieu.
MARIO: (il fronce les sourcils).
HORACIO: Mais il a oublié de semer ses toiles de poules cubistes.

158. EXTERIEUR. NUIT. RUE.

Mario sort du café littéraire. Pino lui enlève délicatement la valise des mains.

PINO: Vous permettez, monsieur Vicens.
MARIO: Encore vous ?!
PINO: Je n'ai pas fermé l'oeil de toute la nuit à cause de vous hier.
MARIO: (se caresse le menton)
HORACIO: Je vous imaginais en train de dormir sur le sol...
MARIO: (s´arrête).
PINO: Ou sur des cartons et des vieux journaux ...
MARIO: Qu'est-ce que vous voulez ?
HORACIO: Attendez un moment s'il vous plaît.

Il tape sur son ordinateur de poche.

PINO: Ah, voilà, j'ai pour vous un gîte idéal.
MARIO: Rendez-moi ma valise.
PINO: Monsoieur Casanellas sera ravi. La valise ?
MARIO: Ecoutez, je suis majeur et vacciné pour me débrouiller tout seul.
PINO.: Je vous en prie, jettez un coup d'oeil à ce petit bijou (de maison).

159. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR.

Un petiot palais à moitié restauré. Il y a un vestibule avec un escalier ouvert, entre-sol, trois étages avec d' élégants balcons et des miradors de bois dans les parties latérales.

PINO: Vous distinguez le blason familial sur la façade ?

Mario Vicens et son compagnon entrent dans l'ascenseur et montent jusqu'au dernier étage.

PINO: Tout l'étage est pour vous.

Le guide s'arrête devant une porte, l'ouvre et pousse Mario à l'intérieur. C'est un studio de peintre improvisé avec de très hauts toits mansardés en verre.

PINO: Qu'est-ce que vous en pensez ?

Mario regarde le chevalet, les masques d'Afrique, les petites statues de bronze dans la vitrine, les céramiques et les aalbâtres.

PINO: Vous pouvez considérer cet endroit comme votre atelier.

Instinctivement, Mario examine les pinceaux.

PINO: Vous pourez même perfectionner votre point faible.
MARIO: Qu'est-ce que vous avez dit ?
PINO: Le clair-obscur, évidemment.
MARIO: Comment savez-vous que...
PINO: Ah !

Le géant ouvre les bras dans un geste d'autosuffisance.

MARIO: Oui, comment connaissez-vous mes points faibles en peinture ?

Pino Benimodo lui montre une pièce écclectique, avec un toit de bois de noyer, elle sert à la fois de de chambre à coucher et de salon de séjour.

PINO (off): Qu'est-ce que vous pensez du piano ?

Son amphitrion s' assied devant le piano et ses doigts glissent le long du clavier.

PINO (off): Bienvenu à la maison.

Poussé par la curiosité, Mario sort à l'extérieur par le balcon et observe la pâle lumière d'une étoile.

PINO: Vous ne dites rien ?

Mario perçoit une silouhette féminine dans l'ombre, immobile sur la corniche.

PINO (off): Vous passez de terrasse à un...

Mario, alerté rentre dans la pièce.

MARIO: Il y a une femme sur la corniche.
PINO: Qu'est-ce que vous dites monsieur Vicens ?
MARIO: Je l'ai vue.
PINO: C'est une illusion d'optique. C'est impossible.
MARIO: Elle est là dehors en train de regarder le vide.
PINO: Vous permettez.

Il sort l'ordinateur de poche et tapote le clavier.

PINO: Vous voyez ? c'est l'ordinateur qui le dit.
MARIO: Il faut faire quelque chose.
PINO: Voyons voir dans les archives des transfuges...
MARIO: Mais c'est possible ?!
PINO: Hier, je l'avais indiqué à une exclue sociale....

Le jeune homme sort sur le balcon.

MARIO: Trève de formalités, aidez-moi plutôt.
PINO: Délogez ces sans- abris !
MARIO: (off): Mais je ne les déloge pas.
PINO: Cette pauvre exclue.

Pino Benimodo passe sur le balcon en deux enjambées et avance vers Mario, allongeant sa grosse main.

PINO: Amanda, je sais que c'est vous, n'y pensez pas !
AMANDA (off): Ne vous approchez pas !
PINO: Votre nouveau statut...
AMANDA (off): Pas un pas de plus, sinon...
PINO: C'est difficile de l'assumer.
AMANDA (off): Restez où vous êtes.
PINO: Mais on le surmonte.
AMANDA: Je vais sauter.
PINO (off): Monsieur Vicens, dites lui, vous.
AMANDA: Je vais le faire.
PINO (off): Expliquez lui comment vous l'avez surmonté.
MARIO: Bon... au début, ça coûte.
AMANDA: Cette voix ? Qui êtes-vous ?
PINO (off): Continuez à parler.
MARIO: C'est difficile de croire que quelqu'un n'est plus celui qu'il était.
AMANDA: Cette voix...
PINO (off): Allez, allez.
MARIO (off): Après, on se fait à l'idée.

Elle avance sur la corniche vers le balcon, se tenant en équilibre avec les bras ouverts.

AMANDA: C'est vous, j'ai reconnu votre voix.
PINO: Lui ?
AMANDA: Vous avez été à moi.
MARIO: Moi ?
AMANDA: Pour quelques instants, aux soldes.
MARIO: Non, non, non.
AMANDA: Vous mouriez de faim, je vous ai donné des chocolats.
PINO: Des chocolats, hein !
AMANDA: Vous vous souvenez, l'homme-cadeau.
PINO: Vous avez été un homme cadeau ?

Amanda grimpe sur la balustrade devant la perplexité des deux hommes.

AMANDA: Si je n'avais pas entendu votre voix.

Elle avance vers Mario qui recule à l'intérieur à côté de Pino.

AMANDA: Maintenant je ne serais plus en vie.
PINO (a Mario): Je vous l'avais dit, je vous l'avais dit que vous deviez lui parler.
MARIO: Je ne comprends pas...qu'est-ce qu' elle fait...ici.
PINO: Me compromettre. Elle avait reçu un ordre de transfert.
AMANDA: J'étais angoissée.
PINO: Si monsieur Casanellas apprend ça...
AMANDA: Les jambes ne m'obéissaient plus.
PINO: Vous ne deviez pas être ici avec lui.

PINO, tout tremblant et en suant à grosses gouttes, consulte son ordinateur de poche.

PINO: Où apparaît-il que vous deviez être avec lui ?
MARIO: Calmez-vous Pino, elle ne voulait pas...
PINO: Mais à quoi cela sert-il que chaque pas à faire soit informatisé bon sang !
AMANDA: (elle s'approche de Mario, pour se sentir protégée).
PINO: Vous avez transgressé les ordres.

Le géant lui assène des coups.

PINO: Vous êtes restée parce quelqu'un vous a dit qu'il venait.
AMANDA: (sanglotant) Ne vous approchez pas, je ne le savais pas.
PINO: Ne recommencez pas ce petit numéro...
AMANDA: Je ne le ferai plus.
PINO: Le numéro de la mouette écrasée sur l'as`phalte...
AMANDA: Ne vous approchez pas.
PINO: Vous vouliez être avec lui, et bien allez-y, allez-y.

Pino est furieux contre lui-même. Elle l'observe avec terreur.

PINO: Bon, ben vous l'avez non, prenez-le dans vos bras.
AMANDA: Oui,oui, mais ne me faites rien.
PINO: Ne cachez pas vos passions retorces ! Continuez à le serrer dans vos bras !
AMANDA: Mais c'est ce que je fais...
PINO: Serrez-le très fort.
AMANDA: Oui, oui.
PINO: Agrippez-vous bien par les fesses.
AMANDA: Oui, là je l'ai bien attaché à moi.
PINO: C'est ce que vous vouliez, non ? Avouez-le !
AMANDA: C'est ce que je désirais le plus, oui.
PINO: Embrassez-le, il est à vous.
AMANDA: Je l'embrasse, je l'embrasse.
PINO: Enserrez-le entre vos jambes, et faites glisser vos hanches.
AMANDA: Oui, oui, je me glisse.
PINO: Vous êtes une petite chatte bien chaude, brûlante, excitez-le !
AMANDA: Je suis sa petite chatte et il est à moi.
MARIO: Bon, ça suffit comme ça !
PINO: Comment ça suffit ?!

Les yeux de pino s'injectent de sang et il jette l'oreiller sur le couple, en grognant et en soufflant.

PINO: Comment ça que ça suffit ?!

D'un coup de ses grosses pattes, il arrache le dessus de lit, les couvertures, les draps et les utilise tous comme projectiles.

PINO: Hein ! Comment ça....!

Soudain, il pousse un cri et saute sur les jeunes. Ils tombent tous les trois sur le tapis dans une envolée de draps.

PINO: (à elle) Aidez-moi, et vous allez en jouir.
AMANDA: Je vous aide, c'est cela, en jouir...

Le géant retient les bras du jeune homme et les tend, il les immobilise en les retenant par les poignets. Amanda, décoifféegémissant de plaisir, saute sur Mario.

PINO: Allez. allez, montez-le, trottez un peu.
AMANDA: Oh ! Il a un corps incroyable.
PINO: avertissez-moi quand je dois le lâcher.
AMANDA: Oui ! oui ! Il est à moi, tout entier... à moi.

Dans la pénombre, les yeux de Pino émettent une étincelle de félin en rut.

AMANDA: Ah ! ah ! ah ! Il est à moi !!!

Pino se lève, va jusqu'au balcon, fume une cigarette, il entend le halètement du couple derrière lui.

160. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA.

Devant le miroir de la loge, Juanma joue avec une pince à épiler tout en observant des photos de Mario Vicens.

JUANMA (off): C'est un type qui a du charme, sans aucun doute.

Le miroir longitudinal projette l'expression rusée du petit homme.

JUANMA: Allons au fait, nous sommes à l'entracte de Rigoletto.
LE PETIT HOMME: Il n'y a que toi qui peux faire un miracle.
JUANMA: Et dans quel but ?
JUANMA: (grimace ambigue).
JUANMA: Toi et tes labyrinthes...
LE NAIN: Les deux doivent être deux gouttes d'eau.
JUANMA: Je suis occupé, mais je voudrais voir la tête qu'il a.

Le petit homme va vers la porte et l'ouvre.

LE NAIN: Mon cousin voudrait voir sa gueule.

Don Pascual et Celestino passent avec la chaise roulante où se trouve le "défunt" avec le costume jaune paille et un chapeau style canotier.

LE NAIN: Le voilà.

Le maquilleur regarde les visiteurs sur le miroir.

JUANMA: Il est impotent ?
LE NAIN: Impotent, tout-à-fait !
JUANMA: Il n'est pas drogué, non ? Qu'il se lève !
LE NAIN: Sur quel pied ?
DON PASCUAL: Il est présent par le corps.

Juanma s'approche du défunt, soulève le rebord du chapeau, l'observe, et, s'effondre sur son siège, il a la couleur de la cendre.

JUANMA: Un travail de caractère, hein !
LE NAIN: Tu le fais tous les jours.
JUANMA: Avec des personnes, des chanteurs, des types vivants !
LE NAIN: Cousin, ne perds pas les pédales, ç'est bien payé.
JUANMA: Retirez-le de la loge où j'appelle la sécurité.

Don Pascual et Celestino obéissent. Ils arrêtent la chaise roulante à côté d'immenses panniers en osier et reviennent dans la loge.

LE NAIN: Il y a une histoire d'amour en jeu.
JUANMA: Ce n'est pas plutôt une relation de complètement grillés, non ?

Un régisseur et son aidant surgissent devant le groupe et en voyant la chaise, ils s'arrêtent.

REGISSEUR: Et celui-là, qu'est-ce qu'il fabrique ici ?
AIDANT: Ce sera pour le troisième acte, enfin je suppose.
REGISSEUR: Ah ces scénographies nouvelle vague !
AIDANT: Dans les nuages, il faut expérimenter.
REGISSEUR: Garde-le fin prêt entre les caisses.

L'aidant emporte la chaise roulante pendant qu'on entend un fragment de Rigoletto.


JUANMA: C'est de la folie.

Dans la loge, les yeux de Juanma vont du chèque signé par Don Pascual aux photos de Mario Vicens.

JUANMA: Je ne sais pas, faites-le passer.

Don Pascual, d'un clin d'oeil, ordonne à Celestino de faire entrer le cadavre.

CELESTINO: Pourquoi moi ?

Il sort et revient en gesticulant les bras. Don Pascual, à ce moment, abandonne la loge avec précipitation et revient avec le visage ahuri.

DON PASCUAL: Le mort a disparu.

161. INTERIEUR. NUIT. RUE.

Sur le trottoir opposé à l'entrée du théâtre, Fran tient le volant d'une voiture en stationnement et fume tandis que Dan parle par téléphone.

FRAN (au téléphone): ...Et ils ont fait entrer le peintre sur une chaise roulante.

162. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE DON GERVASIO:

Le Capo est à côté de son fils Lauro.

DON GERVASIO (au téléphone): Que Dan entre dans le théâtre.

163. INTERIEUR. NUIT MAISON DE GLORIA VIÑAS.

GLORIA: Et vous dites que vous vivez dans la ville ?
HORACIO: Une maison avec une terrasse haute comme une pyramide.
GLORIA: Une pyramide pour vous tout seul.
HORACIO: La nuit, j'ai la ville à mes pieds.
GLORIA: Parce que vous vivez seul.
HORACIO: Avec mes poules.

164. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR.

Mario et Amanda sont assis à une table ronde préparée pour le dîner. Ils mordillent quelques biscuits salés qu'ils puisent dans le panier d' osier.

MARIO: Tu es déjà depuis longtemps dans cette condition de...
AMANDA: Depuis que je t'ai eu comme cadeau aux soldes.
MARIO: Avant, il ne t'était rien arrivé de spécial ?
AMANDA: Comme toujours, tout était normal.
MARIO: Donc, le simple fait de me connaître, et...
AMANDA: Et ma vie est devenue une grande roue.
MARIO: (regard d'intense réflexion)
AMANDA: Il doit être en train d'épier derrière la porte.
MARIO: Ce type.
AMANDA: Il me fait peur, il est tellement démesuré, avec ses espèces de grandes pattes.
MARIO: Mais.
AMANDA: Il m'a rendue folle et...
MARIO Je sais.
AMANDA: Cette façon de faire l'amour si primitive...
MARIO: (en diminue l'importance d'un coup d'oeil).
AMANDA: Cela n'arrivera plus.
MARIO: Bien sûr.
AMANDA: A quoi penses-tu ?
MARIO: A Emelina.

165. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA.

Le maquilleur livide écoute les paroles de son cousin.

LE NAIN: Du calme, on est en pleine représentation.
JUANMA: Et les portes de l'extérieur fermées.
LE NAIN: On va se disperser et on passe le théâtre au peigne fin, vu ?
JUANMA: Je joue ma place ici.
LE NAIN: Bah !
JUANMA: Si le mort est égaré quelque part dans le théâtre, je joue ma place.

166. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR.

Pino entre avec le plateau du dìner.

PINO: J'ai seulement pu vous préparer une soupe froide de tomates avec des morceaux de perdriz.
MARIO: C'est très aimable à vous.

Il arrange la nappe.

AMANDA: Non, je n'ai pas faim.
PINO: Les couteaux avec le côté tranchant vers l'intérieur.
AMANDA (sourit en s'excusant): Avec tellement d'émotions...
PINO: L'ordre des verres est correct.
MARIO: Moi par contre, je meurs de faim.
PINO: La serviette à gauche de l'assiette.
AMANDA: Dis donc ! Quelle allure !

Pino place un chandelier sur la table avec des bougies allumées.

PINO: Au nom de monsieur Casanellas, je vous souhaite un excellent dîner.

167. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA.


On entend des airs de Verdi. La chaise roulante apparaît, abandonnée, à côté du machiniste qui se charge de l'ouvertrure des rideaux. Un autre machiniste tombe sur la chaise et se gratte le menton, perplexe et songeur.

MACHINISTE: Excusez-moi, ce n'est pas l'endroit...
(Il s'incline, en attendant la réponse)

MACHINISTE: Vous avex un lieu réservé sur le plateau.

Avec résolution, le machiniste conduit la chaise roulante. On voit seulement la tête de Celestino derrière les tentures, l'ombre du petit homme fouinant dans les balcons, Don Pascual derrière la dernière coulisse, la chaise roulante à côté d'une loge du couloir latéral, et la spectatrice de la loge s'adressant au mort.

SPECTATRICE: Faites-moi le plaisir d'ôter votre chapeau.

168. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR.

Après le dîner, Mario et Amanda fument une cigarette quand Pino surgit et s'avance vers le piano.

PINO: Comme dessert, qu'est-ce que vous voudriez entendre ?
AMANDA: Quelque chose de Duke Ellington ?

En silence, Pino s'assied au piano et interprète un morceau connu d'Ellington.

PINO: Est-ce que ça vous a plu ?

Le couple, ahuri, réduit le volume de leur conversation.

AMANDA: Ce salopard joue du piano maintenant !
MARIO: Et alors ?
AMANDA: En fait , on est ici comme dans un cinq étoiles.
MARIO: Et où devrais-tu être?
AMANDA: Ils me destinent à une grange de poulets.
MARIO: De poulets ?
AMANDA: Et si je sais assumer ma nouvelle situation,...
MARIO: Assumer la situation ? Ah, oui.
AMANDA: J'irai bientôt dans une grande maison près de la plage.
MARIO: Où il y a déjà quatre femmes qui attendent leur réhabilitation.
AMANDA: Comment le sais-tu ?
MARIO (montre ses bras): Tu vois ces griffes ?

169. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA:

Dans le couloir des loges, le régisseur vise la cheise roulante à l'aide d'une lampe de poche géante.

SPECTATRICE: Que ce passe-t-il ?
REGISSEUR: Il ne doit pas être ici, mais sur scène.
SPECTATRICE: Et qui a bien pu le mettre à côté de moi ?
REGISSEUR: Allez savoir. L'avant-garde peut-être !

Entre les caisses, Don Pascual, Celestino, le nain et le maquilleur. En scène, la chaise roulante au milieu des personnages.

JUANMA: Mon Dieu ! Un mort à l'opéra !
DON PASCUAL: Il faut le récupérer coûte que coûte !

Au moment où un ténor va entrer en scène, il est immobilisé par Celestino qui lui couvre la bouche avec un moudhoir imprégné de narcotique.

JUANMA: Vous êtes devenus fous ? Le publis l'attend !

Don Pascual s'apprète à jouer le rôle du ténor avec son costume.

JUANMA: Vous n'allez tout de même pas le remplacer non ?
LE NAIN: Laissez faire les artistes.

Don Pascual gonfle le thorax, un éclair d'expériences vécues et enfouies dans le passé lui donne un air de ténor sorti de prison.

DON PASCUAL: Je vais réaliser un vieux rêve de jeunesse.
JUANMA: Je maquillerai le mort, n'importe quoi, mais n'entrer pas en scène.

Àu l'instant musical précis, Don Pascual entre en scène, chantonnant un aria.

JUANMA: Comment ? Comment a-t-il pu ?
LE NAIN: C'est un artiste.

A l'autre bout de la salle, un type à l'air louche sort son téléphone portable...

FRAN (au téléphone): Chef, vous n'allez jamais le croire.

170. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE DON GERVASIO:

DON GERVASIO (au téléphone): Quoi, qu'est-ce que je ne vais pas croire ?

171. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA.

FRAN (au téléphone): Le dandy de la chaise roulante est en train de jouer sur scène.

172. INTERIEUR. NUIT. NUIT DE DON GERVASIO.

DON GERVASIO (au téléphone): Là, il y a anguille sous roche !

173. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DEV L'OPERA.

FRAN (au téléphone): Et Don Pascual chante sous les feux de la rampe !

174. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE DON GERVASIO.

DON GERVASIO (au téléphone): Ouh ! Ce n'est plus une anguille ça, c'est une baleine !

175. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA.

Eblouissant par la magie des projecteurs, Don Pascual sort de scène emmenant avec lui la chaise roulante.

CELESTINO: Encore une fois avec le mort sur les bras !

Le maquilleur, qui entre temps avait eu une attaque, est soutenu et conduit jusqu'aux loges par Celestino et le nain, tous suivis de Don Pascual.

176. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE DON GERVASIO.

DON GERVASIO (au téléphone): ...d'accord, on ne le pert pas de vue...

177. INTERIEUR. NUIT, TEATRE DE L'OPERA.

Juanma s'applique à travailler la physionomie du "défunt", avec l'allure d'un maître es caractérisation. Les autres, assis et bouches bées, l'observent avec un silence respectueux.

JUANMA: Le mort et le gars de la photo en seront pas des frères jumeaux, hein...

178. INTERIEUR. MAISON DE DON GERVASIO.

DON GERVASIO (au téléphone): Qu'est-ce qu'ils fabriquent ?

179. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA.

FRAN (au téléphone): Je ne sais pas, on dirait une chambre mortuaire...

180. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR.

PINO: Il y a un problème.
MARIO: Sans blague ?!
PINO: Je dispose seulement d'un seul lit pour cette nuit.
AMANDA: Et quel est donc le problème ?
PINO: Que vous êtes deux !
MARIO: Je peux dormir sur le divan ou dans la baignoire.
PINO: Impossible.
MARIO: Impossible ?
PINO: J'ai une très grande nouvelle pour vous.
MARIO: (geste de stupéfaction).
PINO: Vous avez été promu.
MARIO: Promu ?
PINO: Vous étiez un exclus des bas fonds, non ?
MARIO: Euuuh...
PINO: De quatrième classe. Vous êtes maintenant en troisième, vous permettez...

Il lui demande de se mettre debout et lui embrasse les deux joues.

PINO: Le dîner n'est qu'un très humble prologue.
MARIO: (fronce les sourcils).
PINO: Du grand hommage qui vous attend.

Le géant invite Mario à s'asseoir de nouveau et regarde ensuite la jeune femme très sévèrement.

PINO: Plus question d'aventures avec des rejetées de quatrième !

181. INTERIEUR. NUIT. THEATRE DE L'OPERA.

JUANMA: Fermez les yeux.

Ils obéissent à contre coeur. Le maquilleur fait brusquement tourner la chaise roulante et présente le mort à la vue de tous.

JUANMA: Ça y est, vous pouvez ouvrir les yeux.

Don Pascual, Celestino et le nain regardent le mort, hypnotisés.

JUANMA: Une oeuvre d'art, non ?
CELESTINO: On dirait le portrait du peintre.
DON PASCUAL: Quelqu'un à ajouter nano ?
LE NAIN: Pour mon projet...Va bene.
DON PASCUAL: Et Emelina ?
LE NAIN: Ce sera une question de secondes.
DON PASCUAL: Et bien ne perdons pas de temps, allons lui montrer.

Don Pascual fait un geste à celestino pour qu'il se charge de la chaise roulante. Ils sortent de la loge. Le maquilleur susurre à son cousin:

JUANMA: Et que ce soit la dernière fois que tu amènes un mort à l'opéra, pigé !

182. EXTERIEUR. NUIT. RUE:

Les voyous Dan et Fran installés à l'intérieur de la voiture.

DAN (au téléphone): Chef, ils sortent de l'opéra à l'instant.

183. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE DON PASCUAL.

DON GERVASIO (au téléphone): Suivez-les comme leur ombre !

184. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR.

Faible lumière. Pino est au milieu du couple dans le lit, en pyjama et un bonnet de nuit sur la tête. Il est appuyé sur une taie d'oreiller et travaille à l'ordinateur dans le lit.

PINO: Et pas de jeux de mains sous les draps, compris.
MARIO: (Il se retourne avec nonchalance).
PINO: Je garderai un oeil ouvert toute la nuit.

185. EXTERIEUR. NUIT. RUE.

Celestino conduit la Mercedes, le mort porte un chapeau et se trouve placé entre Don Pascual et le petit homme.

LE NAIN: Emelina passera le test demain.
DON PASCUAL: La taupe de Gloria confondra le mort avec le peintre.
CELESTINO: Le défunt a la tête d'un mort.
DON PASCUAL: Si ton plan ne marche pas...
LE NAIN: Quand vous ai-je déjà déçu ?
CELESTINO: Chef, ce type souffle dans ma nuque...
DON PASCUAL: Mais c'est Nano, imbécile, il est asthmatique.
LE NAIN: C'est important que Emelina soit dans son studio à ce moment-là.

Don Pascual aquiesce de la tête et prend son téléphone portable.

186. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR:

Pino Benimodo ronfle et dort la colonne vertébrale appuyée sur l'édredon. On entend un bruit.

AMANDA (off): Qui va là ?

Une jeune femme sort de la pénombre, une cigarette au bec et un jeans pour seul vêtement. Elle s'adresse à Amanda en susurrant:

INCONNUE: Tu entends comme il ronfle ce méchant ?
AMANDA: Qui es-tu ?
INCONNUE: Des exclus, hein !
AMANDA: Et toi ?
INCONNUE: Une parmi d'autres. Je m'appelle Mireia.
AMANDA: Il peut se réveiller.
MIREIA: Bah ! C'est un paresseux !
AMANDA: Ils te destinent aussi à...
MIREIA: Une usine de porcelaine, c'est là que je vais.
AMANDA: Moi, je vais dans une grange de poulets.
MIREIA: Son réseau est étendu.
AMANDA: Qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle indique Mario, assoupi de l'autre côté du lit.

MIREIA: Je l'ai vu qui entrait, il est mignon à croquer !
AMANDA: C'est pour ça qu'il ne tient plus debout.
MIREIA: Et si on faisait un trio ?
AMANDA: Avec cet éléphant dans le lit ?
MIREIA: S'il s'éveillait, il ferait semblant de rien , je le connais !
AMANDA: J'ai tellement peur de lui.
MIREIA: Mais nous en sommes qu'une feuille portée par le vent pour ces gens-là.
AMANDA: (elle soupire).
MIREIA: Nous sommes entre ses mains.
AMANDA: Ils vont bientôt me réhabiliter.
MIREIA: Et tu le crois, toi ? Bon, alors, on le fait ce trio ?
AMANDA: Je ne suis pas folle.

Déçue, Mireiase glisse vers la porte dans la pénombre et tombe sur plusieurs silhouettes de femmes qui marchent aussi à tâtons.

MIREIA: Qu'est-ce que vous faites ici ?
LOLA: La même chose que toi.
MIREIA: Tu en as l'eau à la bouche, hein !
LOLA: Il en faut pas laisser passer cette chance-là !
MIREIA: Celle qui est avec lui est complètement coincée.
LOLA: A plusieurs, ça peut marcher !

Passage de silhouettes qui surgissent de l'ombre et qui vont entourer le lit.

187. INTERIEUR. NUIT. MAISON DE GLORIA-VIÑAS.

Gloria se place d'un côté de la porte. Elle sursaute en voyant la chaise roulante que conduisent Celestino et le petit homme.

GLORIA VIÑAS: Qu'est-ce qui s'est passé ?
LE NAIN: On lui a seulement fait essayer le costume de fiancé et il s'est évanoui.
GLORIA: Comme le mannequin du défilé.
LE NAIN: Oui, la même chose. Il doit se reposer.
GLORIA: Laissez-le dans le salon de musique.
LE NAIN: Aux urgences, ils ont insisté qu'il ne fallait surtout pas le déplacer.
GLORIA: Cette horreur de costume, c'est pour donner un infarctus !
LE NAIN: Et ne le dérangez pas jusqu'à ce qu'il se réveille surtout !

Le petit homme fait un geste à Celestino et la chaise roulante síarrête juste à hauteur du piano.

188. INTERIEUR. NUIT. MAISON-MANOIR.

Mario, Amanda et Pino dorment. Quelques ombres blotties dans l'ombre, s'apprètent à sauter sur le lit du côté de Mario lorsque le géant ouvre les yeux et donne un coup de coude au jeune homme.

MIREIA (off): Merde !
PINO: Vous êtes réveillé ?
MARIO (off/il baille): Forcément !
PINO: Vous n'avez pas entendu des corps qui se glissaient ?
MARIO: Des corps ?
PINO (il hume l'air): Ça sent. Un parfum de...
MARIO: Je sens le sommeil.
PINO: Comme il y a un ordre d'abstinence de monsieur Casanellas...
MARIO: Toujours monsieur Casanellas.
PINO: L'offre du plaisir est nombreuse. Vous écoutez ?
MARIO: (il ouvre les paupières).
PINO: Voulez-vous voir la présence des instincts mélangés et sauvages ?
MARIO: Laissez-moi dormir !
PINO: Parfois, le désir de ces personnes est tellement grand, qu'ils laissent libre cours à ...
MARIO: A leur sommeil, voilà !
PINO: La fète des tous les plaisirs libérés, ça vous plaît comme titre !
MARIO: Ouah ! génial !
PINO: Moi, moi je vous envie monsieur Vicens.,
MARIO: Parce que je ne dors pas...
PINO: Vous, vous êtes un créateur, et la peinture me fascine.
MARIO: Bon, je devrai retourner avec les poules.
PINO: Dans vos tableaux, les yeux sentent en plus de voir, n'est-ce pas ?
MARIO: Oui, et il faut juste attendre pour qu'ils pleurent !
PINO: Si vous me permettez de vous donner un conseil quant à votre peinture...
MARIO: Dormez !
PINO: Vous pourriez contrôler le quatrième sens des instincts libérés...
MARIO: (il baille).
PINO: Dites-moi que vous accepetitr !
MARIO: (il enfouit sa tête sous l'oreiller).
PINO: Monsieur Vicens !

189. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Don Pascual parle au téléphone mobile pendant que Celestino conduit la voiture.

DON PASCUAL (au téléphone): ...Emelina, il est arrivé quelque chose de très grave...

190. INTERIEUR. JOUR. STUDIO D'EMELINA.

EMELINA (au téléphone): Que s'est-il passé ?

191. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

La Mercedes circule.

DON PASCUAL (au téléphone): Ne bouge pas d'où tu es, je passe te chercher.

192. INTERIEUR. JOUR. STUDIO D' EMELINA.

Elle racroche en tremblant, elle est debout, renfrognée, hyper inquiète.

EMELINA (off): Il est arrivé quelque chose de très grave...

Un coup donné sur le verre de la vitre la fait sortir de sa profonde réflexion.

EMELINA: Qu'est-ce que c' était que ça ?

Elle s'approche de la fenêtre. De l'autre côté de la grille, un inconnu donne à manger à un merle dans le creux de sa main. Il s'adresse à elle.

193. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

L'HOMME AUX MOINEAUX: Je suis envoyé.
EMELINA: Je ne comprend pas.
HO. AUX MOI: Si tu vois Emelina, dis-lui que je l'aime.
EMELINA: Mario !
HO. AUX MOI: Bien, maintenant, je vais donner à manger à d'autres amis...
EMELINA: Il va bien, vous l'avez vu ?
HO. AUX MOI: Depuis qu'il t'a connue, il en peint même plus ...
EMELINA: Quand l'avez-vous vu ?
HO. AUX MOI: Il y a trois minutes.
EMELINA: Je vous remercie pour le message, monsieur ...
HO. AUX MOI: Monsieur des oiseaux.
EMELINA: Merci beaucoup monsieur des oiseaux.
HO. AUX MOI: On fait ce qu'on peut !
EMELINA: J'espère que vous serez très heureux avec vos amis les volatiles !
HO. AUX MOI: Voilà la Mercedes qui arrive, en vous y fiez pas...

194. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

La voiture décapotable en déplacement. Emelina est à côté de Celestino, Don Pascual et le petit homme se calent dans les sièges arrière.

EMELINA: Qu'est-ce qui se passe ?
DON PASCUAL (off): Tu dois être très forte.
LE NAIN: C'était un gaillard sain le peintre.
EMELINA (faisant semblant): Mario ?
DON PASCUAL: Calme-toi, Emelina.
EMELINA: Vous l'avez tué ?
DON PASCUAL: Pas nous, non.
LE NAIN (off): Cela fait deux heures... la racaille de Don Gervasio.
EMELINA: Qu'est-ce qu'on lui a fait il y a deux heures ?
DON PASCUAL: Reprends-toi, il est dans une chaise roulante.
EMELINA: Paralytique ?
DON PASCUAL: Non, non.
EMELINA: Alors?

195. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA VIÑAS.

Don Pascual tient fermement Emelina par le bras, le groupe entre dans le couloir au son des notes d'un piano et de la voix de la soprano en train d'interprèter une berceuse.

EMELINA: Et ma mère au piano !
DON PASCUAL: Bon, tu connais son caractère...
EMELINA: Où est mon Mario ?
DON PASCUAL: D'accord, d'accord, donne-moi une minute.

Il laisse Emelina avec ses hommes. Elle joue leur jeu et les regarde bien en face.

EMELINA (off): Qu'est-ce que vous lui avez fait canailles !

Don Pascual entre dans le salon de musique, et en le voyant, Gloria s'arrête de chanter.

GLORIA: J'ai pensé qu'une chanson de berceuse pourrait le réveiller.
DON PASCUAL: Emelina est ici, elle veut le voir.
GLORIA: C'est son fiancé, non ?
DON PASCUAL: Oui, mais le garçon est un peu zombi et...
GLORIA: Elle lui donne un baiser, et je suis persuadée qu'il se remet tout de suite.
DON PASCUAL (sec): Comme la Belle au bois dormant ?
GLORIA: Oui, mais à l'envers, ah ! l'amour...
DON PASCUAL: Ses rêves en rose dans une chaise roulante ?
GLORIA: On le lève de la chaise...
DON PASCUAL: Mes hommes le feront, toi, vas essayer de la calmer.

Emelina s'effondre dans les bras de sa mère.

EMELINA: Maman !

A quelques mètres de là, les trois hommes enlèvent le chapeau du défunt, l'installent dans un divan et le changent de position jusqu'à ce qu'ils trouvent celle qui les satisfasse.

LE NAIN: Bon, et maintenant, un éclairage adéquat...

Ils baissent la persienne, allument quelques lampes, en éteignent d'autres et créent une atmosphère idéale pour le plan du petit homme.

LE NAIN (off): J'insiste, Emelina doit à la fois le voir et ne pas le voir.
DON PASCUAL: Il en faut pas tout risquer, seulement un rapide coup d'oeil.
LE NAIN: Amenez-la chef !

Don Pascual sort chercher sa fille.

CELESTINO: Emelina en voit pas de visions.
LE NAIN: Ferme-la !

Emelina et son père entrent dans le salon. Don Pascual ne se détache pas d'une semelle.

DON PASCUAL: Emelina, tu dois être forte.

Emelina avance jusqu'au divan, on se croirait dans un cimetière. Le nain gesticule brusquement et mâchonne entre ses dents:

LE NAIN: Oui, c'est lui, Mario Vicens, et...il est mort.

Emelina réagit comme si sa vue se brouillait de nuages, lève la main à la joue en poussant un cri et s'enfouit du salon. Tous la suivent à l'exception de Celestino. Le cri, capable de réveiller un mort, provoque un mouvement de paupières du défunt, qui entrouve les yeux. Celestino s'évanouit.

NACHO ROCA: Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que je fais ici ?

Ahurissement de Celestino, dont l'oeil de verre est embué. Il recule jusqu'à la porte tout en murmurant des phrases inintelligibles.


CELESTINO (off): Non, non, ... le cadavre,... il lévite... non, il marche !

Emelina s'enferme dans une chambre. De nombreuses mains frappent à la porte. Gloria lui parle à travers le chat de la serrure.

GLORIA: Emelina, ma petite fille, maman t'en trouvera un autre, le même.

Celestino s'approche du petit homme et lui glisse quelques mots à l'oreille... Celui-ci le regarde, stupéfait.

LE NAIN: Quoi, le cadavre parle ?
CELESTINO: (L'affirme d'un tremblement de lèvres).
DON PASCUAL: Avant ça, le mort lui souflait dans le cou, maintenant il lui fait la conversation !
CELESTINO: Le cadavre m'a jeté le mauvais sort, chef !

196. INTERIEUR. JOUR. SALON DE MUSIQUE:

Le jeune assis dans le divan donne l'impression d'être prisonnier de son propre étonnement. Il réagit en voyant entrer les trois hommes.

NACHO ROCA: Qui êtes-vous ?
DON PASCUAL: Le soufle dans la nuque, c'était vrai ...

Gloria entre, apparemment décomposée.

GLORIA: Emelina est sortie dans la rue totalement folle.

Elle regarde le jeune homme avec violence.

GLORIA: Tu t'es quand même réveillé !
NACHO ROCA: Moi ? Oh !
GLORIA: Et ton Emelina chérie va se tuer pour toi !
NACHO ROCA: Pour moi ?

Le petit homme tend un miroir au jeune homme.

LE NAIN: Regarde-toi !
NACHO ROCA: Qu'est-ce que vous avez fait à mon visage ?
GLORIA (changeant de lunettes): Ça doit être son frère jumeau.

Don Pascual s'agrippe au bras du garçon.

DON PASCUAL: Malédiction, Emelina croit que tu es son fiancé !
LE NAIN: Et que tu es exsangue !
DON PASCUAL: Et elle court se suicider !
GLORIA: Par amour !

Ils se mettent tous à courir dans la rue pour rattraper Emelina.

197. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Mario va travailler, chargé de sa valise, Horacio à ses côtés.

HORACIO: Des quatre-dix auto-portraits de Picasso.
MARIO: Un de plus ou un de moins.
HORACIO: Avec lequel d'entre eux es-tu sorti en rue?
MARIO: Regarde-moi, à quelle époque te fais-je penser ?
HORACIO: Avec cette grosse mèche de cheveux sur le front...

Mario s'avance vers un kiosque à journaux et en demande un. Après l'avoir dévisagé, le vendeur reprend le journal.

VENDEUR: Je regrette, non...
MARIO: Ah, oui, évidemment.

Mario ouvre un porte-monnaie è tirette et refait le calcul de la petite monnaie. Horacio le rejoint.

MARIO: Demande le journal toi !

Il obéit et le journal aterrit dans ses mains.

MARIO: Je n'ai pas assez de monnaie, paie-le !
HORACIO: Je n'ai pas de carte de crédit sur moi.

Mais il sort un oeuf de sa poche et l'offre au vendeur de journaux qui fait une tête de merlan frit.

198. EXTERIEUR. JOUR. PLACE

Fontaine du Triton. Le bruit de l'eau et le virevoltement des colombes paraissent totalement étrangers à Mario accompagné d'Horacio qui feuillète le journal. L'homme aux moineaux tourne le dos à la cathédrale.

HO. AUX MOI (off): Ne va pas au Bazar des arts.
MARIO: Qu'est-ce que vous dites ?
HO. AUX MOI: Deux tueurs à gages t'attendent là-bas.
HORACIO: Qu'est-ce qu'ils attendent ?

L'autre imite un revolver avec les doigts de la main, ortienté vers sa tempe et il bouge l'index comme le détonateur.

HORACIO: C'est un drôle d'oiseaux !
MARIO: Si Horacio, ils sont tous après moi !

Horacio s'éloigne sur la place, les bras grand ouverts, en ruant dans le vide comme un baudet et en faisant la toupie.

HORACIO: Lui, lui, lui, il me doit tout, jusqu'à la technique de la gravure !
HO. AUX MOI: Qu'est-ce qu'il a ?
HORACIO: Et pour son maître, même pas une balle pour l'immortaliser !

199. INTERIEUR. BAZAR DES ARTS.

Les tueurs Fran et Dan terminent de fouiner à l'intérieur du magasin.

200. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

On voit l'homme aux moineaux gesticuler pouir empêcher Mario de continuer son chemin vers le bazar.

MARIO: Ne vous inquiétez pas, il ne m'arrivera rien.

Horacio s'arrète en-dessous d'un acacia et avale une bonne lampée de cognac.

HOMME AUX MOINEAUX: Moi, à votre place, j'y penserais à deux fois !

Horacio suit les traces de son disciple, à distance, en essayant de en pas être vu.

HOMME AUX MOINEAUX: Fran et Dan ont un orgasme quand ils appuyent sur la gachette.

Horacio accélère le pas, et d'un bond atteint les deux hommes.

MARIO: N'insistez pas, c'est mon heure de travail.
HOMME AUX MOINEAUX: Et peut-être la dernière.

Horacio avale une autre gorgée près d'un feu rouge, il serre les dents et traverse la chaussée, en allant directement au Bazar des Arts.

FRAN: Où ai-je déjà vu cette tête-là moi ?
HORACIO: Vous me reconnaissez hein !
DAN: Du vent, mec, ne dérange pas.
HORACIO: C'est lui que vous attendez, c'est une erreur, il n'est rien ni personne.
FRAN: Dégagez !
HORACIO: Il n'est rien je vous dis, il n'est personne sans moi, un coup ?

Il offre la bouteille de cognac. Les ueux des truands lancent un regard homicide, mais Horacio est incapable de se rendre competit de la situation dans laquelle il s'est fourré.

HORACIO: J'en boirai, moi. Santé, messieurs.
FRAN: Vous avez exactement cinq secondes pour vous tailler d'ici.
HORACIO: Oubliez ça !
DAN: Un.
HORACIO (off): Je lui ai fait découvrir le monde et la plastique.
FRAN: Deux.
HORACIO (off): Il ignorait toutes les techniques.
DAN(off): L'eau-forte.
FRAN: Quatre.
HORACIO (off): Des estampes au sucre !
DAN: Cinq.
HORACIO: C'est moi que vous cherchez.

Fran sort le pistolet et assène un coup de crosse sur la tête d'Horacio qui s'écroule sur le sol. Plusieurs piétons viennent porter secours à la victime pendant que les deux gorilles s'enfuient.

201. EXTERIEUR. JOUR. MARCHE.

Jour de marché au alentours d'un grand Marché d'une architecture moderne.

GLORIA: Emelina, ma petite fille, maman va....

Emelina essaie de se faire un passage, elle est très nerveuse et tendue. Elle "slalome"entre les vendeurs et le public. Ses parents, Celestino, Nacho Roca et le petit homme sont tous derrière elle.

NACHO ROCA: Elle m'a rendu à la vie grâce à son cri !
GLORIA: Ma petit fille, elle a un coeur gros comme...
NACHO ROCA: Elle m'a vu, et ...
GLORIA: Quoi ?
NACHO ROCA: En pensant que je ne respirais plus...
DON PASCUAL: Qu'est-ce que tu essaies d'insinuer ?
NACHO ROCA: Elle a désiré mourir.
GLORIA: (visage perplexe).
NACHO ROCA: Personne n'a jamais quelque chose de semblable pour moi !
DON PASCUAL(off): Qu'est-ce qu'il ramage ce resuscité ?
LE NAIN: Il délire.
CELESTINO: Ça lui arrive parce qu'il revient de l'autre vie.
GLORIA (elle crie): Là, là-bas, c'est Emelina.

202. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Lorsque Mario et l'homme aux moineaux aperçoivent les stores du Bazar des Arts, une ambulance part à toute vitesse, la sitrène "hurle".

HO. AUX MOI: Cette ambulance était pour toi.

Il y a des traces de sang aux pieds de Mario. Le jeune homme se penche sur le sol etramasse la bouteille de cignc d'Horacio.

MARIO: Horacio !
HO. AUX MOI: C'était ton bouclier humain.
MARIO: Ce en sera rien de grave, il a plus de vies qu'un chat.
HO. AUX MOI: Il a perdu très peu de sang...
MARIO: Je suis sûr qu'il est en vie, il doit l' être.
HO. AUX MOI: Le type semble sorti d'un étrange linceul ...

Mario dépose la valise sur le sol et s'assied dessus, il est complètement abattu, la bouteille de cognac entre les mains. Un moineau piaille. Le compagnon de Mario place une mie de pain entre ses lèvres et aperçoit l'oiseau posé sur le store du Bazar.

HO. AUX MOI: (il siffle en appelant l'oiseau).

L'oiseau déplie les ailes, vole en demi-cercle, se pose sur la bouche de l'homme et picore la miette.

HO. AUX MOI: Qu'est-ce que tu fais égaré par ici, toi ?

203. INTERIEUR. JOUR. HOPITAL.

Mario Vicens visiblement affecté, s'avance dans un couloir de la polyclinique de traumatologie.

204. INTERIEUR. JOUR. CHAMBRE D' HOPITAL.

Mario s'approche du lit d'Horacio. Un grand bandage couvre la tête du vieux peintre.

MARIO: Oui, je le savais, tu es en vie !
HORACIO: Don Pablo.
MARIO: Horacio, c'est moi.
HORACIO: Quelle surprise ! Quel honneur !
MARIO: Tu me vois ? Tu m'entends ?
HORACIO: Abandonnez votre maison "La Californie".
MARIO: Regarde-moi, tu me vois ?
HORACIO: Délaisser Olga Koklova.
MARIO: Mais qu'est-ce que tu dis ?
HORACIO: Partir de Cannes pour venir me voir, oh, maître !

Une infirmière emmène délicatement Mario à l'extérieur de la pièce. Horacio regarde alors les autres patients alités avec autosuffisance.

HORACIO: C'est la tête la mieux conçue de l'Art.

L'infirmière entre, le récrimine d'un geste et l'aide à se recoucher sur le lit.

HORACIO: Lui, il dit: Imagine un linceul avec une cage contenant des milliers de colombes...
INFIRMIÊRE: Reposez-vous, ça vous fera du bien.
HORACIO: Et pourquoi pas une cage de poules ?

205. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Nacho Roca arrache brusquement des deux mains, des vêtements féminins d'un étalage, et on aperçoit le visage d'Emelina.

NACHO ROCA: Tu sais, tu m'as rendu la vie !
EMELINA: Oh !
NACHO ROCA: Tu en dois plus fuir ce monde.
EMELINA: Tu ressembles à qqun d'autre.
GLORIA: C'en est un autre.
EMELINA: Non, non.
DON PASCUAL: Personne n'est mort.
GLORIA: C'est un montage du roi du repas-express.
NACHO ROCA: Je suis ressuscité grâce à toi !
CELESTIONO: Les morts sont bien vivants.
LE NAIN: Il faut fêter ce montage par un petit tour en bateau !

206. EXTERIEUR. JOUR. PETITE PLACE RONDE.

La valise en main, Mario s'arrête devant les étalages du marché permanent, symbole de la Place ronde.

MARIO: Et cette cruche de céramique ?
COMMERÇANT: (il fait non de la tête).
MARIO: C'est un cadeau pour Emelina.
COMMERÇANT: idem.

Mario lève les mains au ciel, et repose la céramique à sa place.

207. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Ils sont tous serrés comme des sardines dans la Mercedes. Celestino est au volant, il s'éloigne du centre urbain en direction de la mer.

DON PASCUAL (off): C'était le plan de Nana.
LE NAIN (off): Mademoiselle devait paser un test d'amour.
GLORIA (off): Bande de crétins, vous me la tuez quasi !
EMELINA: D'où est-ce que je viens ?
NACHO ROCA: Mais, j'étais endetté, moi ?
DON PASCUAL (off): Emelina, c'est toi avant toute chose.
EMELINA: Où vais-je ?
GLORIA (off): Emelina, ma chérie, on fera ce que tu diras.
DON PASCUAL (off): Don Gervasio, hum, les pactes ...
EMELINA: Je sens les fleurs de riz.
DON PASCUAL: Lauro, hum, les mafieux, hum,...
GLORIA (off): Emelina aura un mariage d'amour !
DON PASCUAL: Chaque chose en son temps, y compris avec Rolls Royce.

208. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Euphorique, Pino Benimodo s'approche de Mario et prétend lui porter sa valise, et mario s'y oppose.

PINO: Encore heureux que je vous trouve.
MARIO: La valise, c'est moi qui la porte.
PINO: J'ai des nouvelles importantes.
MARIO: (rictus sur les lèvres, air de dédain).
PINO: Et toutes positives pour vous .
MARIO: Vous n'auriez pas un sandwich avec vous ?
PINO: Vous n'avez pas mangé ?
MARIO: J'aurais dû essayer dans des snacks, avec des plats à emporter.
PINO: Surtout pas.
MARIO: Et je dois chercher dans les poubelles ?
PINO (il se palpe): Non, non, je n'ai rien sur moi. Attendez, vous voulez une sucette ?

Il lui offre, Mario l'accepetit.

209. EXTERIEUR. JOUR. LAC NATUREL PRES DE LA MER.

Le propriétaire de l'embarcation la fait glisser, à l'aide d'une perche, vers un canal très étroit du lac.

EMELINA: Oui, tu ressembles à quelqu'qun d'autre.
GLORIA: Emelina, mais puisque c'est un autre !
EMELINA (off): Quel costume agessif !
NACH ROCA: Qui a eu l'idée de m'habiller en jaune ?
EMELINA: Tu as un look spécial, sexy.
GLORIA: Sexy ?
EMELINA: Tu sembles si ...différent ?
DON PASCUAL: (expression inquiète).
GLORIA (off): Emelina, ma fille, tu en peux pas comparer.
NACHO ROCA: Ne compare pas, choisis !
GLORIA: Il ne peint pas !
EMELINA: Ah non, plus du tout ?
CELESTINO: Il n'a jamais rien peint.
LE NAIN (rusé): Et, peut-être peint-il ...
GLORIA (off). Qu'il le dise lui-même.
NACHO ROCA: Ce qui m'intéresse ce sont les défilés de mode.
EMELINA (off): Nouveau look, nouvelle activité.
GLORIA: Emelina, réveille-toi une fois pour toutes, ce n'est pas lui.
EMELINA: Il m'interesse.

Il lui caresse le nez du sien. Le petit homme se lève vers Don Pascual à l'avant de la poupe et dit tout bas :

LE NAIN: Chef, on s'en sort à bon competit.
DON PASCUAL:(off): Je ne sais pas, je ne sais pas.
LE NAIN (off): Elle semble éorise de ce dandy.
DON PASCUAL: Et alors ?
LE NAIN (off): Le peintre on peut déjà le considérer comme enterré.
DON PASCUAL.: Emelina ne paraît pas en démordre.
EMELINA (au jeune): Il ya beaucoup de bruit ici, on s'en va ?
NACHO ROCA: Où ?
EMELINA: On va voir les hirondelles du port.

210. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Fran parle au téléphone, il est au comptoir d'un bar, en face du port. Dan est à côté de lui et savoure une bière.

FRAN (au tél): Le dandy et la fille se promènent dans le port.

211. EXTERIEUR. JOUR. TERRASSE D' UN RESTAURANT.

Don Gervasio et Lauro prennent un vermouth sur une des terrasses de la digue du port.

DON GERVASIO (au tél): Ce n'était pas compris dans le pacte !

212. EXTERIEUR. JOUR. PORT.

Dans une zone verte (de jardins) avec une immense ancre pour toute décoration. Emelina se promène avec Nacho Roca,

NACHO ROCA: je suis tellement fasciné par toi, qu'ils ne savent même pas que je suis revenu à la vie grâce à toi.
EMELINA: Tu tombes comme fulminé, et après on pousse un cri et...
NACHO ROCA: Ce n'est pas toujours comme ça.
EMELINA: Ce n'est pas une fiancée dont tu as besoin, mais plutôt d'un veilleur de nuit pour te competitr les heures qui passent.
NACHO ROCA: Cela faisait des années que je ... La dernière fois...

213. EXTERIEUR. JOUR. PLACE DE LA CATHEDRALE:

L'homme aux moineau est assis sur le bord de la fontaine et donne à manger à plusieurs moineaux dans sa bouche.

HOMME AUX MOINEAUX: C'est quand l'enterrenent ?
MARIO: Je te l'ai déjà dit: Harcio est un dur à cuire.
HO. AUX MOI: Tout frétillant et plus vivant que jamais.
MARIO: Oui, il sortira bientôt de l'hôpital.
HO. AUX MOI: Il va bien ?
MARIO: Oui, enfin, il crooit que je suis Picasso, mais ...
HO. AUX MOI: Et bien vous êtes deux maintenant.

Pino surgit derrière la fontaine avec un sachet qui contient des aliments.

PINO: Voyons voir si ça vous tente.
MARIO: Vous vous connaissez ?
HO. AUX MOI: Je l'ignore.
PINO: Monsieur Cuellar, moi, je n'ai rien avoir avec ...
HO. AUX MOI: Ne m'adressez pas la parole.
MARIO: C'est évident que vous vous connaissez !
PINO: Prenez-en, là, dans le plat.
MARIO: Vous goûtez ?
HO. AUX MOI: Bon appétit.
MARIO: Qu'est-ce qu'il y a au menu aujourd'hui ?
PINO: Du turbot en papillotes et des légumes.
MARIO: Et un petit vin blanc ...
PINO: N'exagérez pas, vous boirez l'eau de cette fontaine.

214. INTERIEUR. NUIT. CASINO DE"MONTE PICAYO".

Don Gervasio et Don Pascual, en smokings, conversent et se promènent entre les tables de jeu, au fond la voix des croupiers.

DON GERVASIO (off): Aucun pacte n'a été respecté !
DON PASCUAL: Du calme, laisse-moi te dire...
DON GERVASIO: Le peintre ne devait pas voir Emelina.
DON PASCUAL (off): Le sujet est assez épineux ...
DON GERVASIO: Le temps accordé était d'une semaine.
DON PASCUAL: Vois-tu ...
DON GERVASIO (off): Le dandy circule dans toute la ville avec Emelina.
DON PASCUAL (off): Et si je te disais qu'il y a deux dandys ?
DON GERVASIO: Lauro dort le doigt sur la gachette.
DON PASCUAL: C'était le plan de Nano.
DON GERTVASIO (off): Moi, je peuux encore me contrôler, Lauro non.

215. INTERIEUR. NUIT. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

NACHO ROCA: ...et c'est ainsi que la belle Emelina m'a réveillé.
COUTURIER: Et quand je pense à la peur que nous avons eue.
NACHO ROCA: Imagine-toi, à l'heure qu'il est, je pourrais toujours être endormi !
COUTURIER: On croyait qu'ils avaient dérobé ton cadavre.
NACHO ROCA: Je l'aime, et elle doute, il y en a un autre.

216. INTERIEUR. NUIT. CASINO MONTE PICAYO.

Don Pascual et Don Gervasio, un verre à la main, au comptoir du bar.

DON PASCUAL: Il faut faire confiance au petit, il l'est seulement de taille, tu sais !
DON GERVASIO: Moi, le nain je t'en fais une bouillie...
DON PASCUAL (off): Tu te fais des idées, il est très subtil tu sais, il sait lui.
DON GERVASIO: Il sait quoi ?
DON PASCUAL (off): Il sait comment conduire Emelina jusqu'à l'autel.
DON GERVASIO: Et avec qui ?
DON PASCUAL (off): Le doute est une injure à ...
DON GERVASIO:Je suis poussé par la raison.
DON PASCUAL: Après le mariage, il y aura le lobby.
DON GERVASIO: Je veux un lobby de taille avec de gros poissons.
DON PASCUAL: C'est comme si c'était fait.
DON GERVASIO (off): Et le dandy peintre ?
DON PASCUAL: On l'envoie aux oubliettes.

Deux mains se serrent fortement.

217. EXTERIEUR. NUIT. PLACE.

Les fleuristes ont fermé. On voit Mario assis sur un banc de très très haut. La valise est à ses pieds, et il siffle un air pour masquer sa faiblesse, il est sans défenses.

PINO (off): Je me réjouis de vous voir siffler comme un pinson.

Il s'approche du banc avec le panier en osier dans la main droite. Le carillon de la grande tour de la place sonne les heures.

PINO: Pendant que vous décidez où dormir, je vous apporte le dîner.
MARIO: Vous et vos détails.
PINO: Voyons ça, dorade au four et tomates grillées.

Mario reste de marbre devant ce menu alléchant.

PINO: Vopus en avez l'eau à la bouche, hein, ne faites pas semblant, mangez !

Il accepetit le plat brusquement et se met à manger comme un goinfre.

MARIO: Excellent, d'où apportez-vous ces plats, qui les prépare ?
PINO (il baisse la tête): C'est un serviteur qui vous les prépare.
MARIO: Vous !
PINO: Mais ne vous arrêtez pas, ça fait plaisir de vous voir manger.
MARIO: C'est le dîner complet ?
PINO: Voilà le reste, du sorbet au citron, je n'ai pas eu assez de temps pour préparer davantage.

L'homme aux moineaux, trois oiseaux endormis sur son bras gauche, apparaît et parle à Mario en lui tournant le dos et quasiment sans s'arrêter.

HO. AUX MOI: Faites semblant de ne pas me voir ...
MARIO: Ils ne sont quand même pas hypnotisés, non ?

218. EXTERIEUR. UNE HAUTE TERRASSE DE L'ATENEO.

Dan observe comment Fran essaie de faire sauter la tête de Mario à distance avec un fusil à mire télescopique.

219. EXTERIEUR. NUIT. PLACE:

HO. AUX MOI (off): Ils sont prêts à te faire sauter la cervelle de la terrasse de l'Ateneo.
PINO: Mon Dieu ! Bougez-vous, sauvez-vous.

Le géant fait voler le menu par terre, laisse le panier sur le banc, et se met à coourir suivi de Mario.

PINO (off): Allez, vite, courez !

On distingue la gare en face d'eux.

220. EXTERIEUR. NUIT. GARE DES TRAINS.

Façade de la gare d'un style moderniste. Les silouhettes de Mario et Pino s'infiltrent à l'intérieur. Les silhouettes de Fran et Dan sont derrière, à côté de la grille.

221. INTERIEUR. NUIT. GARE DES TRAINS.

Une voix annonce à l'haut-parleur l'arrivée et le départ de trains "longues distance". Une espèce de patte tremblante paie les billets de train à l'employé qui se trouve derrière le guichet.

PINO: Dépêchez-vous, ils sont à nos trousses.
MARIO: Mais ce n'est pas vous qu'ils cherchent...
PINO: Monsieur Casanellas ne me pardonnerait pa si jamais il arrivait quelque chose.

222. INTERIEUR. NUIT. QUAIS.

PINO: Mais dépêchez-vous, le train Express, vite !

Ils montent dans un wagon au moment précis où le train se met en marche. Leurs poursuivants réussissent aussi à grimper dans un fourgon au dernier moment.

223. INTERIEUR,. NUIT. TRAIN.

PINO: Allez, ne vous arrêtez pas, suivez-moi.

Mario et le géant passent par les wagons-lits. Le couloir est bloqué par un groupe de jeunes filles qui regardent les quais par les fenêtres.

PINO: Laissez-nous passer, s'il vous plaît.
JEUNE FILLE I (elle observe Mario): Tu es libre ou tu es déjà pris ?

Rires.

PINO: Ne l'ennuyez pas, il n'a pas envie de batifoler.
JEUNE FILLE II: Et vous, qui êtes -vous, sa nounou ?
PINO: N'obstruez pas le passage voyons...

Les deux parviennent à se sauver du tumulte et passent d'un wagon à l'autre. Les deux truands s'ouvrent le passage entre les jeunes filles.

224. EXTERIEUR. NUIT. TRAIN.

Vue panoramique de la locomotive et les wagons traversant un pasagge à niveau.

225. INTERIEUR. NUIT. TRAIN.

Pino et Mario, mêlés aux autres voyageurs, occupent des sièges qui tourne le dos à la locomotive.

PINO: Tenez, des lunettes noires pour dormir.

Il lui lance un clin d'oeil de complicité. Les visages des truands qui ouvrent la porte du wagon.

PINO: Vite, aux toilettes.

Pino et Mario s'introduisent à l'intérieur des lavabos. Ils sortent tous les deux quand les gorilles de Don Gervasio passent devant la porte.

PINO: On sera plus en sécurité dans le wagon-lit.

226. EXTERIEUR. NUIT. TRAIN.

Le train qui glisse sur les rails.

227. INTERIEUR. NUIT. TRAIN.

Vive allégresse des jeunes filles dans le wagon-lit loroqu'elles les vient voient.

PINO: On va un petit peu rester ici.
J. FILLE III: Et lui, qui est-ce ?
PINO (geste grandiloquent): Ah, c'est un peintre.
J. FILLE IV: Il aura besoin de modèles alors.

Rires.

PINO: Et vous ?
J. FILLIV: Tourisme culturel.
J. FILLE I: Ouvert à une nuit romantique en train.

Rires.

J. FILLE IV: Vous devez nous faire quelque chose ...
PINO: Quelque chose ?

Rires.

J. FILLE IX: Un portrait, une caricature, n'importe quoi.
MARIO: Ah, oui, bien sûr.
PINO: Vous permettez que je m'entretienne avec lui ?

Le géants'éloigne du groupe avec Mario et lui commente à voix basse.

PINO: Plus elles feront du tapage, mieux nous serons protégés...
MARIO: Et qu'est-ce que vous suggérez ?
PINO: Vous êtes peintre, vous avez du papier et des crayons sur vous ?
MARIO: Oui.

Ils se réincorporent au groupe de jeunes filles.

J, FILLE VI (en pose): Je suis un modèle classique ou postmoderne ?

Rires.
Mario tire un bloc de feuilles et un fusain de sa poche et trace par de rapides traits le visage de la jeune fille.

PINO: Faites voir.

Il fronce les sourcils et emmène Mario vers une autre fenêtre du couloir.

PINO: Il ne vous manquait plus que de la peindre en uniforme.

Le géant trouve un vieux morceau de journal tout chiffonné avec un dessin de femme nue.

PINO: Regardez-moi ça quelle merveille, en quatre traits, et quelles cuisses, quelles courbes, quelle poitrine. Evidemment, c'est un Matisse.
MARIO: Je déteste Matisse.
PINO: Matisse ?
MARIO: Il se moquait de Picasso à son insu...
PINO: De Picasso ?
MARIO: Quand il lui a montré la toile des "Demoiselles d'Avignon".
PINO: Et qu'est-ce que cela a à voir avec ...
MARIO: Vous insinuez que je dois les dessiner nues ?
PINO: Vous n'avez pas beuacoup d'imagination, un train nocturne ...
MARIO: N'allez pas plus loin.
PINO: Une tradition livresque d'aventures sentimentales sur les rails.
MARIO: ils veulent lme liquider et ...
PINO: Vous, vous les dessineriez avec un ceinturon de chasteté.
J. FILLE IX (observant le dessin): Mais oui ! C'est moi !
PINO: Et bien les autres, des dessins intimes.
J. FILLE III: Il ne faudra pas se déshabiller ?
MARIO: Non, non.

Les deux bandits apparaissent soudain à l'autre bout du wagon.

PINO: Dans les litières !
J. FILLE V: Que se passe-t-il ?
PINO: Ils veulent le séquestrer, et ses tableaux aussi .

Mario et Pino s'enfoncent dans un compartiment.

J. FILLE I: C'est comme dans les films.

Peu de temps après, les truands interrogent les jeunes filles qui donnent quelques signes de nervosité.

FRAN: On recherche un ami, belle gueule, il s'habille à l'ancienne mode.
J. FILLE IV: Ici ? Non...
DAN: Ce type ne passe pas inaperçu des filles.
J. FILLE I: (apeurée, elle désigne la porte des lavabos).

Les hommes de main se déplacent de quelques mètres et frappent à la porte en sortant le revolver.

J. FILLE VII (off): On dirait que ça va en sérieux.

Un petit vieux qui referme sa braguette sort des toilettes en grognant. Les truands, frustrés, poursuivent leurs recherches dans un autre wagon.

228. INTERIEUR. NUIT. COMPARTIMENT DE WAGON-LIT.

PINO: Sa vie est en danger, vous devez le protéger.
J. FILLE II: Qu'il se cache dans mon lit.
J. FILLE VIII: Et pourquoi ne monte-t-il pas dans le mien ?
PINO: Il faut planifier un service de sécurité.
LES JEUNES FILLES: (le dévisagent avec des yeux démesurés).
PINO (off): Le groupe doit sortir de des compartiments et venir se concentrer dans celui-ci.
LES JEUNES FILLES: ( elles se regardent, dubitatives).
PINO (off): Une de vous à l'extrémité du wagon, une autre, à l'autre bout.
J. FILLE V: Ils étaient armés, il faut faire ce qu'il dit.
PINO: Dehors, en face de la porte, deux de plus pour nous prévenir.
J. FILLE I: Et les autres ?
PINO (off): Ici, regroupées, même dans les lits au cas où ces tueurs pointent le nez.
J. FILLE V: Il faut agir vite. Toi (à Mario) au dessus de ce lit.
J. FILLE II: Et qui va le cacher ?
J. FILLE V: Vous deux.

Mario grimpe dans le lit, suivi des deux filles enchantées.

J.FILLE V (a Pino): Vous, mettez-vous ici en-dessous, on ne sait jamais.

Pino se blottit avec difficulté dans un lit (à cause de sa grande taille). La jeune fille V continue à donner des ordres et développe le service de protection. on entend un sifflement, bientôt un autre plus faible.

J. FILLE I: Ils sont à nouveau ici.
J. FILLE V: Laissez seulement une lumière et cachez bien vos corps.

Ils obéissent, éteignent les lumières et plusieurs jeunes filles tentent de grimper dans le lit de Mario quand celle qui donne les ordres sort dans le couloir pour fermer la porte du compartiment.

J. FILLE IX: (susurrant) Ne t'inquiète pas on est avec toi.

Mario a la sensation d'eêtre à la merci d'un étrange poulpe de désir, dont les tentacules représentent des corps féminins: un vertige de mains, de jambes, de cuisses, de seins, de fesses au rythme des balancements de l'express sur la voie ferrée.

229. INTERIEUR. NUIT. COULOIR DU WAGON-LIT.

Les truands se trouvent en face des jeunes filles qui surveillent le couloir.

DAN (off): Un type superbe...
FRAN (off): Et vous, vous ne l'auriez même pas remarqué ?
DAN (off): Qui pourrait croire ça ?
J. FILLE V: Vous perdez votre temps.
FRAN (off): Il faut que l'on voie ce compartiment.

230. INTERIEUR. NUIT. COMPARTIMENT DU WAGON-LIT.

Les jeunes filles peureuses, se tiennent éveillées par l'érotisme ambiant.

J. FILLE I: Ils vont entrer voir.
J. FILLE IX: Ils faut se déshabiller et se mettre en robe de nuit.
J. FILLE II: Ça fera plus crédible...
PINO (off): Mais sans exagérer hein, il ne faut pas que cela devienne les "mille et une nuits" !

En un instant, une "mare magnum" de silhouettes féminines se libère dans le wagon, descendant et montant des lits, tout en se déshabillant et en se pavanant en robe de nuit. Dans le lit de Mario, la plus audace passe à l'action, secondée par sa compagne. Mario essaie de les repuosser juste au moment où un autre corps de femme lui tombe dessus.

PINO. (murmure/off): Qu'est-ce qui se passe là-haut ?

Les jeunes filles étouffent un halètement de désir et de frustration devant l'étroitesse du lieu dans lequel elles competitnt savourer leurs plaisirs éphémères de train nocturnes.

PINO (off): Vous n'êtes pas en train de le caresser ? hein ?

Les voix des assassins arrivent jusqu'aux lits. La porte s'ouvre avec violence et les yeux de Fran et Dan rencontrent trois jeunes filles enn robe de nuit qui poussent des cris hystériques. La porte se referme.

231. INTERIEUR. NUIT. GARE DES TRAINS.

Plusieurs jeunes filles accoudées à la fenêtre du train Express font au revoir de la main â Mario Vicens et à Pino qui porte la valise du jeune homme.

MARIO: Je ne me tiens plus debout.
PINO: Souriez, vos assassins sont restés dans le train Express.
MARIO: Sourire ?
PINO: Pensez à quelque chose d'agréable.
MARIO: Ah, oui ?
PINO: Par exemple, à la pagaille qu'on mise les jeunes filles dans le wagon-lit !

232. INTERIEUR. NUIT. TRAIN.

Dans un autre train de retour à la ville, Mario s'endort sur son siège, la tête appuyée sur l'épaule du géant, qui, bien qu'endormi, surveille la valise de Mario avec des yeux comme des toupies.

233. EXTERIEUR. JOUR. FAÇADE DU STUDIO D'EMELINA.

Celestino bichonné, une rose blanche dans la main, passe la grille du studio d'Emelina. Un doigt appuie sur la sonnette de la porte. Emelina apparaît sur le seuil de la porte.

EMELINA: Oui ?

Celestino ôte son chapeau et offre la rose à Emelina. Emelina accepetit le présent et approche les pétales de son visage.

EMELINA: Qu'elle sent bon !
CELESTINO: Fraîchement coupée pour vous.
EMELINA: Tu voulais quelque chose ?
CELESTINO: Mademoiselle, des types qui ne sont pas de ce monde vous courtisent...
EMELINA: Moi ?
CELESTINO: Où qui sont sur le point de le quitter.
EMELINA: Tu ne crois pas que tu exagères ?
CELESTINO: Non.
EMELINA: Toi aussi tu sens délicieusement bon.
CELESTINO: C'est le parfum du gars qui se caresse les lèvres à la télé.
EMELINA: Tu l'as acheté pour cette occasion ?
CELESTINI (couleur écrevisse): Si un jour vous connaissez la solitude des veuves...
EMELINA: Des veuves ?
CELESTINO: Pensez que vous n'êtes pas seule.

Le garde du corps, nerveux, remet son chapeau, fait volte-face et laisse Emelina avec la rose dans la main.

234. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Pino Benimodo et Mario marchent sur le trottoir lorsque soudain le géant ouvre le coffre d'une voiture stationnée à côté du trottoir. Il y jette la valise de Mario.

MARIO: Et cette autre voiture ?
PINO: Vous seriez étonné de savoir ceux que nous possédons garés, à la proie du vent et de la pluie.

235. INTERIEUR. JOUR. TOUR DU CLOCHER:

Un Pino haletant monte, marche après marche, un escalier en colimaçon hyper raide, suivi de Mario.

PINO: Je n'en peux plus.
MARIO: Et pourquoi doit-on monter ces 207 marches ?
PINO: Non, ce n'est pas vrai, il y en a atnt que ça ?
MARIO: Cette tour est la plus haute de tous les clochers.
PINO: Bon Dieu !
MARIO: Pensez-y !
PINO: Ce que je dois dire est top-secret.
MARIO: Encore heureux que le rendez-vous n'était pas fixé au sommet de l'Everest !
PINO: Les murs ont des oreilles.
MARIO: C'est votre problème.
PINO: Je souffre de crises d'asthme, monsieur vicens.
MARIO: ET vous n'avez pas imaginé un autre endroit pour parler ?
PINO: Ordre de monsieur Casanellas.
MARIO: Il ne doit pas grimper à la tour lui !
PINO: Oh, aïe, je crois que je vais rendre l'âme ici...

Il s'assied sur une marche, le corps recroquevillé, comme un petit vieux racorni, il 'évente avec un livre.

PINO: Vous permettez que je respire ?
MARIO: Respirez !
PINO: Mpnsieur Vicens, je n'oublierai jamais ce détail de votre part.
MARIO: Ecoutez, il reste au moins 100 marches...
PINO: Autant ? Elles me tueront.
MARIO: Et bien, dites ce que vous deviez dire, et maintenant !
PINO: J'ai mal partout, j'ai les tempes qui bourdonnent...
MARIO: Faut pas demander quand les dix cloches sonneront ensemble...
PINO: Qu'est-ce que vous dites ? Dix ? C'est impossible, ma tête explosera !
MARIO: Elle sera située exactement où vous voulez qu'elle éclate !
PINO: Vous ne m'entendrez pas !
MARIO: Ce sera un dialogue de sourd.
PINO: Non, non, vous ne connaissez pas monsieur Casanellas.
MARIO: Bon, alors, on monte ?
PINO: Si, si, mon Dieu quel enfer !
MARIO: Je ne vous le fais pas dire !
PINO: Aller se donner rendez-vous dans un labyrinthe de clochers !

236. INTERIEUR. JOUR. HÔPITAL.

Gloria Viñes s'approche du lit d'Horacio et lui offre des fleurs devant l'infirmière.

GLORIA: Mon Dieu ! Comme ils vous ont arrangé la tête !
HORACIO: Comment avez-vous su que...
GLORIA: Vous savez des choses...et moi aussi.
HORACIO: Et vous m'apportez des fleurs de mort ?
GLORIA: Des chrysanthèmes. Oh, quelle distraite je fais ! Vous savez qui je suis ?
HORACIO: La mère d'Emelina.
GLORIA: Bingo !
INFIRMIERE: Il est guéri, vous sortez de l'hôpital aujourd'hui même.

237. EXTERIEUR. JOUR. OBSERVATOIRE DU CLOCHER.

Pino est assis sur le sol, il s'évente avec le livre et souffle très bruyamment. Mario, debout derrière lui, contemple une vue panoramique de la ville, acoudé à la rampe.

PINO: Dans une situation limite, monsieur Casanellas enverrait un hélicoptère pour venir me chercher.
MARIO (off): Vous lui faites confiance.
PINO: Ah ! Vous savez ce qu'il m'a dit dès qu'il m'a vu ?
MARIO: Ça ne m'intéresse pas.
PINO: Il m'a dit : Je vous invite à fermer les yeux et à me suivre.
MARIO (off): Ah oui ?
PINO: Et me voici.
MARIO: Sur le point de crever.
PINO: Non, non, j'ai un pouls normal...

Il se lève avec lenteur, en tout asthmatique qu'il est.

MARIO: Regardez ce panorama, ça vous fera du bien.
PINO: Je ne suis pas monté pour voir des panoramas.
MARIO: Ah, non ?
PINO: Je suis monté pour vous remettre le livre.

Il lui remet, Mario titube.

PINO: Prenez-le.
MARIO: Ça parle de quoi ?
PINO: C'est un classique.
MARIO: Il n'y a pas d'autres endroits pour lire des classsiques ?
PINO: C'est le manuel de l'Exclus parfait".

Mario accepetit le livre avec aversion.

PINO: Vous comprennez maintenant pourquo nous sommes dans le ciel ?
MARIO: Non.
PINO: Je vous remets quelque chose de sublime dans un endroit qui l'est tout autant.
MARIO: Je suppose que je dois le lire ?
PINO: Page après page, paragraphe après paragraphe, jusqu'à la dernière syllabe.
MARIO: Oui, bien sûr, je comprends.
PINO: Et pas un mot à personne de ceci.
MARIO: Je ne comprends pas pourquoi vous en faites un tel secret !
PINO: Vous n'avez pas la moindre idée du destin qui vous attend !

Mario, un énorme rictus d'angoisse sur le visage.

PINO: Je vous l'avais annoncé, Vous étiez un exclus total, n'est-ce pas ?
MARIO: Je pense, oui.
PINO: On vous a augmenté de catégorie, vous le savez. Et ce n'est que le début.
MARIO: Le début ?
PINO: Demain, vous obtiendrez une augmentation officielle. Ce sera un grand hommage.
MARIO: Dans une fête sociale, hein ?
C'est le début d'un trajet stellaire !
MARIO: Et le manuel ?
PINO: Apprenez-le par coeur !
MARIO: Ah !
PINO: Vous devez être à la hauteur de votre rang.
MARIO: Non, si de hauteur, il ne nous manque rien !
PINO: Vous serez ponctuel ?
MARIO: Où ?
PINO: Dans le salon des Actes du palais.

Mario a la même tête qu'un merlan frit.

PINO: Je vous présenterai peut-être monsieur Casanellas.

En douce, le géant consulte sa montre.

PINO: Qu'il se fait tard.
MARIO: Pour moi...
PINO: D'ici une heure, il y a un wagon chargé de... qui part...
MARIO: Chargé de quoi ?
PINO (énigmatique): Je ne peux pas vous en dire plus.

Il essaie de se mettre debout, il le réussit presque, mais il est à deux doigts de s'évanouir.

PINO: Vous rappelez votre évanouissement sur la plage ?
MARIO: Je l'ai déjà oublié.
PINO: Je vous ai traîné sur mon dos jusqu'à la maison ...
MARIO: Ce fût épique !
PINO: Maintenant, c'est à votre tour de me descendre du clocher.
MARIO: Vous ! Vous rigolez ?
PINO: Vous préférez que ce soit monsieur Casanellas qui vous l'ordonne ?
MARIO: Mais...
PINO: Portez-moi.
MARIO: Mais, c'est la descente.
PINO: Obéissez.
MARIO: 207 marches.
PINO: Et alors ?
MARIO: C'est un défit.

En silence, en s'y reprenant à deux fois, Mario réussit à charger le géant sur son dos. Pino s'accroche aux épaules de Mario, tandis que ses pieds balaient le sol de l'escalier de la cathédrale.

238. INTERIEUR. JOUR. CAFE-BAR.

Don Pascual et ses deux hommes de confiance sont assis à une table, devant une bouteille de vin et des amuse-gueule.

LE NAIN: Le peintre n'était qu'un pur caprice d'Emelina.
DON PASCUAL: Qu'est-ce qu'il a changé le dandy.
CELESTINO: Il est vivant grâce aux circonstances.

Les deux observent Celestino. Ils doivent bien admettre que cette phrase est sortie de ses lèvres.

LE NAIN: Celes, qu'est-ce que tu as ?
CELESTINO: Celui qui lui plaÎt, la séduit. Celui-là est encore plus mort que les autres.
LE NAIN: Alors pourquoi est-il en train de faire la cour par-ci par-là ?
CELESTINO: Ils ont dû lui donner la liberté provisoire là-bas !
LE NAIN: C'est ce qui a été conclus avec Don GERVASIO ?
DON PASCUAL: Oui.
LE NAIN: Emelina sera au paradis.
CELESTINO: Et si c'est celui qui fait le vivant qui l'emmène ?
LE NAIN: On lui brisera le cou d'un seul coup de pierre.
CELESTINO: Ce n'est pas moi qui lui passerai la corde au cou.

La réplique de Celestino exaspère Don Pascual qui sort un revolver.

DON PASCUAL: Tu veux avoir deux yeux de verre au lieu d'un ?
LE NAIN: Tout marche comme sur des roulettes. Le peintre a ses heures comptées.
DON PASCUAL: Ou bien ils l'auront déjà liquidé.

239. INTERIEUR. JOUR. MAISON-MANOIR.

Mario, dans ses appartements, pieds-nus, en smoking et chemise s'observe dans le miroir de l'armoire.

PINO: Tenez, des boutons de manchette en or, vous me les rendrez après.
MARIO: C'est nécessaire ?
PINO: Le noeud papillon.

Mario s'apprète à le nouer à contre-coeur, l'autre lui attache.
PINO: Je vous l'attacherai, vous devez être impeccable.
MARIO: Qui va assister ?

Mario est à côté d'un tabouret, le géant s'approche avec des chaussures et des chaussettes à la main.

PINO: Asseyez-vous.
MARIO: Très bien.
PINO: Les chaussettes.
MARIO: Donnez-les moi.
PINO: Vous demandiez ?
MARIO: Qui va venir ?
PINO: Ils viennent de partout.

Pino, accroupi, lui montre d'abord les chaussures et l'aide à les chausser.

PINO (off): En peau de cocrodile, une fortune.
MARIO: Alors comme ça, ils viennent de partout ?
PINOUne liste sélective, oui.
MARIO: ET je ne peux pas être substitué ?
PINO: Vous parlez sérieusement ? C'est vous le clou de la soirée.
MARIO: Moi ?

Il se met debout et son interlocuteur lui passe le veston.

PINO: Ne l'oubliez pas : vous êtes celui à qui on rend hommage. Voyons voir, tournez-vous.

Mario obéit, Pino l'observe avec des yeux de professionnel.

PINO: Elles deviendront folles. 24
MARIO: Il y a des femmes qui vont venir ?
PINO: Celles qui sont indispensables.

Il le ´récrimine d'un geste de l'index.

PINO: Vous et vos aventures féminines.
MARIO: C'est vraiment nécessaire daller sur son 31 ?
PINO: Vous avez gravi une marche, mon cher !

L'écho d'un énorme fracas suivi de cris de femmes arrive jusqu'à eux. Un individu à l'air abattu apparaît, il porte un monocle et une canne.

PINO: Il est arrivé quelque chose, docteur Graus ?
DR.GRAUS: Dépêchez-vous monsieur Benimodo, la jeune mariée est devenue hystérique !
PINO: Allons-y, monsieur Vicens, cette femme est capable de n'importe quoi.

A l'exception de Mario qui marche d'un pas lent, tous les autres accélèrent vers le rez-de-chaussée. De temps en temps, le géant se retourne vers Mario en faisant des signes des bras pour qu'il se dépêche.

240. INTERIEUR. JOUR. SALON DES ACTES DE LA MAISON-MANOIR.

Il y a deux hommes en train de discuter à voix basse dans l'anti-chambre.

PINO: Messieurs, c'est si grave que cela ?

Au fond de la chambre à coucher, une femme vêtue tout en transparence et dentelles se déplace d'un côté à l'autre dans un état de suprême excitation.

FEMME (off): Comment pouvais-je soupçonner...quelle relation, quelle farce...

Un homme est assis sur le rebord du lit, il a le teint pâle, est chétif et porte une fleur blanche à la boutonnière de son veston.

PINO: Messieurs, un problème ?

Les personnes interpelées, boudeurs, ouvrent les bras dans un geste d'impuissance.

PINO: Margarita, vous êtes bien ?
MARGARITA: Entrez, entrez,...
PINO (off): Monsieur Vicens, cela ne me plaît pas du tout.

Le géant entre dans la chambre à coucher, Mario le suit en gardant ses distances.

MARGARITA: A quoi ressemble ce mariage ?
PINO: Vous n'êtes pas heureuse ?
MARGARITA: Avec ça !

Elle désigne l'homme du veston.

PINO: C'est votre mari tout flambant, non ?
MARGARITA: Vous m'aviez promis que la première nuit de noces...
PINO: (tripote dans son nez).
MARGARITA: Serait consommée par monsieur Casanellas.
PINO: Je ne me suis peut-être pas très bien exprimé.
MARGARITA: Vous vous étiez très bien exprimé.
PINO: Alors...
MARGARITA: Vous m'aviez assuré que monsieur Casanellas est noble et qu'il a hérité parmi d'autres hommes de...
PINO: Ne continuez pas...
MARGARITA: Le droit de cuissage.
DR. GRAU: Avec le second millénaire en plus ?
MARGARITA: Et que l'on célàbrerait le mariage dans le château de Liria !
PINO: Le sujet est délicat et on ne peut pas en parler en criant !
MARGARITA: Où se trouve monsieur Casanellas ? Le château ? Et les choeurs ?
PINO: Docteur Grau, vous savez quelque chose des choeurs ?
DR. GRAU: Vous faites références aux choeurs slovaques ?
MARGARITA: Et moi, comme une idiote, je pensais qu'en échange de cette nuit d'offrande...
PINO: Ne continuez pas...
MARGARITA: J'aurais obtenu une place plus élevée dans la hiérarchie..., je ne sais pas.
PINO: Tout peut être négociable...
MARGARITA: Et vous, Pino Benimodo, vous me liez à un type insignifiant, stupide.
PINO: Vous ne devriez pas mépriser votre conjoint devant tant de personnes.
MARGARITA: Un type qui pour présumer, présume même du devoir conjugal.
PINO: Votre mari est très viril.
MARGARITA (à son conjoint): Confesse-le, dis lui ce que tu m'as demandé de faire pendant toute nôtre nuit de noces, dans le lit !
PINO: La vie intime des jeunes mariés sont du domaine privé.
HOMME DU VESTON: Je lui ai demandé de jouer aux échecs.
PINO: Mais, au nom du ciel...!
HOMME DU VESTON: Et elle s'est presque jetée par la fenêtre.
MARGARITA: La tentative de suicide n'était pas pour les échecs.
HOMME DU VESTON: Ah, non ?
MARGARITA: Monsieur Benimodo, je suis très déçue par ce mariage.
PINO: De quoi vous plaignez-vous ? Un personnage important vous a mariés, même les témoins étaient des gens hors du commun.

Pino avance de quelques pas dans la chambre à coucher et fais signe aux hommes d'entrer.

PINO: Les voici, qu'est-ce que vous avez contre eux ?
MARGARITA: Celui qui nous a mariés n'est pas le juge qu'il dit être.
PINO: Ah, non ?

Elle s'adresse à un homme ventru, à petit cou et qui n'arrête pas de se sêcher la sueur des tempes à l'aide d'un mouchoir.

MARGARITA: Vous croyez que je suis sourde ? Soyez un homme et répétez ce que vous avez dit en voyant ce prétendu juge.
PINO: Parlez monsieur Carpio.
MR.CARPIO: Hum ! Je l'ai pris pour un aide-auxiliaire de tribunaux.
PINO: Vous l'avez confondu. Admettez-le, ça a été un mariage de haut niveau.
MARGARITA: Comme les témoins, un docteur en sciences humaines de Louvain, qui selon lui, se situe en plein coeur de l'Italie !
DR.GRAU: Vous avez l'oreille fine d'une cancan !
PINO: Le docteur a eu un petit lapsus géographique, c'est tout.
MARGARITA: Et l'autre témoin, astrophysicien,qui prétend qu'un trou noir se forme dans sa baignoire.
MR.CARPIO: Qu'est-ce que vous savez des lointaines explosions stellaires ?
PINO: Monsieur Carpio est important, mais il a ses monomanies.
MARGARITA: Et moi tellement bêtasse et candide.

Pino dévisage Mario, appuyé sur le gond de la porte.

PINO: Entrez, ne restez pas là, collaborez un peu !
MARGARITA: Qui est-ce ?
PINO: Une autre personnalité, mais comme vous vous méfiez de tout le monde...

En voyant Mario, elle a une espèce d'illumination érotique et s'avance vers lui.

MARGARITA: Je sais qui vous êtes.
PINO: Vous savez tout, vous êtes au courant de tout.
MARGARITA: Vous avez des tableaux au musée Thyssen, à Moma...
MARIO: C'est ce que je voudrais bien, oui,...
MARGARITA: Vous entendez ? C'est l'autre visage de cette racaille, il n'est pas prétencieux lui !
PINO: J'exige un peu de respect pour les personnes qui vous ont mariées.
MARGARITA: Mariée, avec ce freluquet !
PINO: Votre époux pourrait vous traîner devant les tribunaux pour ce que...
MARGARITA: Qu'il m'y emmène à l'instant ! Juge Carbonell.

Le supposé juge fait un pas en direction de la femme.

JUGE CARBONELL: Madame ?
MARGARITA: Je divorce.
PINO: Vous délirez ? Les noces n'ont même pas été consommées et...
JUGE CARBONELL: Un divorce sur base de quoi ?
MARGARITA: Manque d'appétit charnel d'un des conjoint.
JUGE CARBONELL: Vous avez des preuves ?

Transformée en ouragan, elle se lance sur l'homme du veston, assis sur le lit.

MARGAITA: Montrez-lui.
PINO: Madame Margarita !
JUGE CARBONELL: Madame, il y a des limites.
MARGARITA: Allez !
HOMME DU VESTON: Non et non.

Furibonde, elle l'attrape et tous les deux roulent sur le lit. Elle le tripote, monte à califourchon et lui mord une oreille.

DOCTEUR GRAU: Elle est complètement timbrée.
MR. CARPIO: C'est pire que du harcèlement sexuel !
JUGE CARBONELL: J'en prends note dans le procès-verbal !
MARGARITA: Imposteur, sortez-le !
PINO: Madame Margarita, ne m'obligez pas à utiliser la force.

D'un coup, elle retire la main de l'intérieur du veston et montre un ordinateur-échiquier de la marque Kasparov.

MARGARITA: Vous êtes témoins, il ne voulait pas montrer l'échiquier.
HOMME DU VESTON: Je suis un joueur d'échecs, et alors ?
MARGARITA: Lui, moi, et l'échiquier. C'est le trio dont il rêvait pour sa lune de miel !
JUGE CARBONELL: Dans ce cas, avec les preuves en main...

D'un mouvement brusque l'homme du veston récupère l'échiquier, sort les pions et commence à jouer assis au pied du lit.

PINO: J'insiste sur le fait qu'il ne faut pas prêter attention à ce qu'elle dit.
JUGE CARBONELL: Le lien...
MARGARITA: Il s'annule, je suis libre, et je me remarie.
PINO: Quand ?
MARGARITA: Maintenant. Le juge, les témoins et lit nuptial sont là.
PINO: Et avec qui ?
MARGARITA: Avec lui !

Elle désigne Mario en même temps qu'elle le prend par la main.

JUGE CARBONELL: Pour créer un lien conjugal il est nécessaire de...
MARGARITA: N'importe quoi.
JUGE CARBONELL: Que le couple conserve un lien, même par internet interposé.
PINO: C'est le moins imporatnt, non ?
MARGARITA: Je sais tout de lui.
MARIO: Ah, oui ?
MARGARITA: C'est bien plus qu'un mythe érotique ...dans les dunes.
PINO: Margarita, ce que vous demandez est impossible.
MARGARITA: C'est vous qui m'avez embarquée dans le mariage.
PINO: Non.
MARGARITA: C'était mon premier mariage.
PINO: Non.
MARGARITA: Je n'en ai jamais eu d'autre, je me sens tellement désillusionnée.
PINO: Non.

Elle pâlit, s'avance vers la fenêtre, l'ouvre et se lance à l'extérieur. Son corps reste presque horizontal sur la rambarde, se balançant dangereusement.

DR. GRAU: Elle est folle, elle a essayé de sauter.
PINO: Vite, aidez-moi.

Les hommes l'attrapent par les jambes, les bras, et Pino l'attrape par les cheveux.

PINO (off): Margarita, reprennez vos esprits !
MARGARITA: C'est lui ou le vide !
PINO (off): Un suicide à l'heure qu'il est serait désastreux.

Mario se déplace en silence vers le joueur d'échecs.

MARIO: Votre femme est sur le point de se lancer dans le vide, et vous jouez aux échecs.
HOMME DU VESTON: Elle ne m'interésse pas.
MARIO: Pourquoi vous êtes-vous marié avec elle ?
HOMME DU VESTON: Elle a raison, il n'y a que les échecs qui me passionnent.
MARIO: Et les femmes ?
HOMME DU VESTON: Il n'y en a pas une seule qui ait les neurones bien placés !
Pendant ce temps, Pino semble avoir persuadé Margarita. Ils parlent tous les deux dans un angle de la chambre, de façon confidentielle.

MARIO: Et ce mariage...
HOMME DU VESTON: Vous n'en devinez pas la cause ?
MARIO: Les maudites dettes.
HOMME DU VESTON: Et oui !
MARIO: Il n'existe donc pas d'autre obsession pour les exclus ?!
HOMME DU VESTON: Ça vous paraît si dérisoire l'obsession pour la liberté?

Assise dans un divan, elle se pomponne, armée d'un rouge à lèvres et d'un miroir de poche.

MARGAITA: (elle chantonne).
PINO: Ah, les femmes !

Le géant entre en conciliabule avec le faux juge et les témoins.

HOMME DU VESTON: Vous savez comment éviter cet échec et mat ?
MARIO: Pas la moindre idée.

Pino, très sûr de lui, s'approche de Mario avec les autres.

PINO: Mario.
MARIO (comme s'il n'avait pas entendu): En sacrifiant le fou, peut-être ?
MARGARITA: (continue à fredonner et à se maquiller).
PINO: Je vous appelle, Mario Vicens.
MARIO: Et si on met le roi blanc échec et mat ?
HOMME DU VESTON (intimidé): Je crois qu'on vous appelle.

Mario se retourne et se lève du lit.

PINO: Aujourd'hui, c'est un jour spécial pour vous.
MARIO: Vous l'avez déjà dit.
PINO: Et cela mérite un cadeau tout aussi spécial.
MARIO: Quel cadeau ?
PINO: Elle.
MARIO: Non, merci.

Il s'apprête à se rasseoir devant l'échiquier, mais Pino l'agrippe par le bras.

MARIO (menaçant). Parfois, je souhaiterais que vous soyez un peu plus proportionné par rapport à nos dimensions.

Rires.

PINO: Les invités attendent dans le salon des actes pour vous rendre hommage...
MARIO: (geste d'indifférence).
PINO: Et cette cinglée menace de tout bousiller.
MARIO: C'est son problème.
PINO: Elle a accepté que nous ne la marierions pas avec vous.
MARIO: Se marier c'est un question entre deux personnes, non ?
PINO: Oui, mais en échange, il a fallu faire une concession.
JUGE CARBONELL: Ce qui est le propre de toute négociation.
PINO: Soyesz raisonnable.

Pino fait un signe à l'homme du veston pour qu'il sorte de la chambre. Celui-ci ramasse les pions et l'échiquier et avant de diparaître, il s'exclame:

HOMME DU VESTON: Que cela soit bref !

Le géant commence à éteindre les lampes pour crreér un climat d'érotisme.

MARIO: Qu'est-ce que vous faites ?
PINO: Prennez plaisir d'eslle, c'est tout ce qu'elle demande.
MARIO: (il refuse la proposition de la tête).

Le trois hommes sont devant Mario. Pino balance un bon coup dans le dos de Mario et le pousse vers la femme. Le trio des hommes appuient cette initiative en faisant quelques pas ne avant.

PINO: Ne résistez pas, les invités ne peuvent pas attendre plus longtemps.

Mario adopetit une attitude de soumission. Le géant sourit et son sourire déteint sur les autres personnages.

PINO: Brave garçon, n'est-ce pas ?

Soudain, Mario se lance vers la porte, le dr. Grau lui fait un croc-Ne-jambe, et, malgré toute sa fougue pour échapper à son sort, il est immobilisé.

MARGARITA: Une légende érotique dans les bras de l'ennui ?

Tandis qu'elle avance, le groupe serré recule jusqu'au mur. C'est à ce moment que Margarita prend Mario dans ses bras et l'embrasse compulsivement, et lui arrache son noeud-papillon d'un coup de dents.

PINO: Où souhaitez-vous cette partie de jambes en l'air, sur la moquette ou...
MARGARITA: Lui et moi, nous voudrions seulement un peu de solitude.

241. INTERIEUR. JOUR. MARCHE CENTRAL.

Devant un étalage d'herbes médicinales. Emelina s'adresse à une vieelle herboriste aux yeux énigmatiques.

EMELINA: Je ne sais rien de lui, et comme vous avez des pouvoirs occultes...

242.INTERIEUR. JOUR. ABATTOIR.

Don Gervasio en face d'un type de petite tailleet assez corpulent, ses façons sont vulgaires et son costume est trop grand pour lui. C'est Don Lucio, un associé.

DON LUCIO: Cette nuit, une autre boucherie entre les carcasses de bêtes ?
DON GERVASIO: Ce sont les restes de la bande de "La puce".
DON LUCIO: Et on ne peut pas faire cette corrida privée hors de mon abattoir ?
DON GERVASIO: Nôtre abattoir !

Son interlocuteur mal luné sort et Lauro apparaît.

DON GERVASIO: Prépare-toi pour la noce avec Emelina.
LAURO: Et le peintre ?
DON PASCUAL: C'est un petit lapin pour la meilleure des gachettes.

Le jeune homme pose sa main sur sa poitrine où il cache son arme.

LAURO: Je ne le manquerai pas !

243. INTERIEUR. JOUR. MAISON-MANOIR.

En manches de chemise et les cheveux ébouriffés, Mario regarde le smoking que lui présente Pino.

PINO: Elle a tout mis en lambeaux cette furie. Vous ne savez pas ce que m'a coûté ce smoking !

244. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA VIÑES.

La maîtresse de maison est assise au piano, fredonnant du Verdi. Emelina, Nacho Roca, Don Pascual et ses hommes de confiance l'entourent.

EMELINA: (elle soupire) Je suis tellement heureuse avec lui !
GLORIA: Lui ?
NACHO ROCA: Nous sommes en train de faire des projets d'avenir.
EMELINA: Nous voulons un mariage aquatique, dans le lac naturel.
GLORIA: Avec les poissons ?
EMELINA: En naviguant dans une barque avec une perche.
GLORIA: Encore heureux !
EMELINA: Et avec un timon qui aspire à la haute mer !
GLORIA: Et qui est le fiancé ?
NACHO ROCA: C'est une question évidente !
EMELINA: Même l'eau douce sentira les fleurs de azahar !
GLORIA: Emelina, dans un mariage, il n'y a qu'un seul fiancé !
EMELINA: Une fiancée avec des ailes d'oiseau migrateur...
CELESTINO: Le ressuscité l'a rendue complètement folle.
LE NAIN: C'est passager.
DON PASCUAL: Très passager, sinon le type devra à nouveau ressusciter.
EMELINA: Maman, tu nous fais quelque chose de Donizetti ?
GLORIA: Quoi par exemple, ma chérie ?
EMELINA: L'elisir d'amore.
GLORIA: Il manque un ténor.
EMELINA: Papa s'il te plaît.
DON PASCUAL: Arrêtons toutes ces idioties.
LE NAIN: Allez, chef, il faut amadouer Emelina.

A contre coeur, Don Pascual forme un duo avec son ex-femme au son du piano. Les deux chantent un air de Donizetti.

245. INTERIEUR. JOUR. SALON DES ACTES DE LA MAISON-MANOIR.

Des individus en vêtements de soirée et d'autres vêtus comme des clochards, réunis à un cocktail. Le tout dans une ambiance de chuchotements, regards de côté, et de jalousies féroces.

PINO: Voilà, du nerf !

Pino fait pression sur Mario pour qu'il sorte sur l'estrade et se montre devant tous les invités. Ils sont derrière des rideaux.

PINO (off): Qu'est-ce que vous attendez ? Ils sont impatients de vous entendre !
MARIO: Il n'y a pas d'introduction, vous ne me présentez pas ?
PINO (off): Ces gens ne valorisent pas le protocole.
MARIO (off): Mais sortir comme ça, sans crier gare...
PINO: Peur de la scène ? Vous n'êtes pas un acteur.
MARIO: Pourquoi est-ce que vous n'y allez pas vous pour expliquer...
PINO: Je vais devoir vous tirer par les cheveux ?
MARIO: Et monsieur Casanellas ?
PINO: Ah, luui, c'est toujours la grande inconnue !
MARIO: J'entre en scène, et qu'est-ce que je dis ?
PINO (off): Comment qu'est-ce que vous dites ? Allez, allez !
MARIO: (il va entrer).
PINO: Attendez, le manuel, tout est là.

Il lui remet le livre. Mario sort de derrière les rideaux et se laisse voir devant tous les invités qui ne se retournent mème pas, ils l'ignorent royalement.

MARIO: Bonsoir, mesdames, messieurs.
PINO: Au vif du sujet !
MARIO Comme le dit fort bien le manuel de l'exclu parfait...

Rien qu'à l'entendre prononcer le titre du livre, toutes les têtes au regard absent se tournent vers Mario.

INVITE I: Vous pouvez nous dire la date d'edition ?

Rires.

MARIO (confus): Et bien, si vous me le permettez...

Il observe le livre, cherche la date sur la page préliminaire.

INVITE V: Je ne crois pas qu'il ait l'original en main.
INVITE III: Avouez qu'il s'agit d'un douteux fac-similé !
INVITE I: Il n'est pas apocryphe au moins ?
MARIO: Vous dites ?

Rires.

INVITE V: Est-ce que par hasard vous tenez là le prototype de la première édition ?

Rires.

PINO (à voix basse, et off): Ne vous laissez pàs intimider par ces insolents.
MARIO: Moi, je pars.
PINO (off): N'y pensez pas !
INVITE IV: En plus, qui êtes-vous ?
MARIO (perplexe): Moi ?
INVITE I: Vous pourriez au moins avoir la décence de vous identifier !
MARIO: Je croyais que vous étiez informés.

Rires.

INVITE II: Et en plus, prétencieux avec ça.
INVITE I: Qu'est-ce que vous voulez ? Nous vendre une moto ? Et bien faites-le donc !

Rires.

MARIO: Je ne suis pas venu pour vous vendre quelque chose.
PINO (off): Très bien, très bien.
INVITE IV: Ah, non ?
MARIO: Non.
INVITE V: Et pourquoi êtes-vous venu alors ?
MARIO: Euh...

Il regarde vers les rideaux.

INVITE II: C'est l'innocence incarnée, il ignore pourquoi il est venu !

Rires.

PINO (off): Ne vous retenez pas, parlez franchement à cette racaille.
MARIO: Je suyis la personne à qui vous rendez hommage.

On entend une mouche voler.

INVITE IV: Vous pouvez nous répéter ça ?
MARIO: Celui à qui vous rendez hommage ?
INVITE III: C'est vous ?
MARIO: (Il aquiesce avec un noeud dans la gorge).
INVITE V: C'est lui qu'on a augmenté de catégorie ?
MARIO: (il aquiesce à nouveua).
INVITE I: Et il le dit sans rougir.

Un brouhaha indescriptible s'installe dans le public. Une invitée, grande et dodue dans sa tenue de soirée, va s'adresser à Mario quand elle tombe de tout son long sur le tapis.

INVITE I: Vite ! Y a-t-il un médecin dans la salle ?
INVITE VI: Je suis le dr. Grau.

La dame est évanouie et on l'appuie au piano. Les invités l'entourent pendant que le dr. Grau introduit dans ses fosses nasales un morceau de coton imbibé d'alcool.

PINO (off): Qui sait si elle ne fait pas semblant, ne vous laissez pas impressioner.
MARIO: Et vous, pourquoi vous n'agissez pas ?
PINO: Ce sont les ordres de monsieur Casanellas.

Jaime del Val, un sexagénaire poivre et sel, le cheveu clairsemé et ayant oublié de mettre sa prothès dentaire parle à Mario.

JAIME DEL VAL: Vous affirmer donc que c'est vous...
MARIO: Oui, je crois que...
JAIME DEL VAL: C'est impossible.
MARIO: Impossible ?
DR. GRAU: J'exige du respect.
MARIO: Je n'ai manqué de respect à personne.
INVITE II: Votre attitude est offensante, et en plus, vous venez à peine d'atterrir parmi nous.
MARIO: (son regard s'abaisse).
JAIME DEL VAL: Il y a des compagnons ici qui accumulent les mérites depuis des années.
INVITE IV: Pour qu'un petit jeune vienne nous dire que c'est lui l'élu !
PINO (off): Ne tolérez pas qu'ils vous parlent comme ça, sinon ils vont vous mettre en morceaux.
JAIME DEL VAL: Avant vous, il y a bien des trajectoires de curriculum qui vous rendraient bigleux !
DR. GRAU: Si vous voyez plus loin que le bout de votre nez, évidemment.

Rires. La dame qui s'était évanouie s'est remise debout et regarde Mario avec animosité.

MARIO: Je n'ai pas demandé à être le clou du spectacle !
DR.GRAU: Ah, non ?
INVITE II: Personne ne va croire ça !
JAIME DEL VAL: Et vous vous considérez le plus apetit à...
MARIO: Je n'ai jamais affirmé ça.
JAIME DEL VAL: Dites-moi, la troisième règle d'or d'un exclus en situation limite ?
MARIO (bafouille): Troisième règle d'or ?
PINO (off): Le manuel, vite, au début du paragraphe cinq, en note bas de page.

Mario, excité, feuillette le manuel.

INVITE I: Hé, il doit le consulter !
DR.GRAU: Quelle honte !
INVITE III: Faites nous part de vos mérites .
MARIO: Des mérites ?
PINO (à voix haute/off): C'est un artiste, il peint.
INVITE I: Et qu'est-ce qu'il va peindre prochainement ?
MARIO: Dès que je pourrai, les Ménines, de Picasso.
JAIME DEL VAL: Elles ont déjà été peintes.
MARIO: Je vais copier le tableau sans l'avoir devant moi.
DR.GRAU: Quel têtu !
MIREIA: Sa spécialité doit être les femmes et les trios.
AMANDA (enlevant ses lunettes): C'est une infamie.

Les quatre femmes de la grande maison de la plage interviennent.

FEMME I: Monsieur...
MARIO: Mario, Mario Vicens.
FEMME I: Monsieur Vicens, comment vous définiriez-vous dans l'easpect, euh...vous me comprennez ?
MARIO: Non, je ne vous comprends pas.
FEMME III: Pensez-vous que la femme soit un objet de désir, sans iniciative, qui attend le beau joujou du mâle ?
MARIO: C'est faux.
FEMME II: Alors, pourquoi couriez-vous comme un lièvre dans les dunes ?
INVITADOS (off/rient): Vous courriez comme un lièvre.
FEMMEI: Vous courriez ou pas ?
PINO (off): Vous commettez une erreur, reportez ce jugement, car il prend l'eau !
MARIO: Je ne suis pas un étalon. C'est pour cette raison que je fuyais.
DR.GRAU: Un étalon ?

Rires.

JAIME DEL VAL: Il se dévalorise lui-même de plus en plus.
INVITADO II: Pauvre homme.
MARIO: Pauvre homme ? Pourquoi ?

Pino fait son apparition de façon inespérée.

PINO: Messieurs, s'il vous plaît.

Un silence.

PINO: Pour appaiser les esprits, est-ce que ça vous dit d'écouter un peu de Glen Miller ?

Applaudissements. Le géant s'assied au piano devant un Mario tout confus, et commence à jouer. Les personnes présentes chuchotent, et regardent Mario de travers, d'autres dansent. Amanda prend mario dans ses bras et l'invite à suivre le rythme du piano.

AMANDA: Ils sont intolérants, ne te soucie pas d'eux.
MARIO: J'ai la tête qui tourne.
AMANDA (off): Cette Mireia qui t'accuse d'être un expert en trios...
MARIO: Je ne la connais même pas.
AMANDA: Comme si la passion de deux êtres n'était pas plus importante.
MARIO (off): Je ne l'ai jamais vue.
AMANDA: Ici c'est l'envie qui l'emporte toujours,
MARIO: Ils sont exclus...et ils envient ?
AMANDA: Ils étaient au courant pour l'hommage à rendre, mais ils espéraient que ça allait retomber sur l'un d'eux.
MARIO: Espéraient ?
AMANDA (off): Pino nous avait dit que l'on ne le saurait pas jusqu'au dernier moment.
MARIO (off): Pino ? Mais si c'est lui qui m'a donné le smoking et les chaussures ...
AMANDA: C'est son style d'humour.
MARIO: Fils de...!
AMANDA: Prends bien soin de toi mon amour.
MARIO: Et comment es-tu ici ?
AMANDA: Ils m'ont sorti de ma grange à poulets pour l'honneur.

La femme IV de la grande maison s'interpose.

FEMME IV: Ma petite chatte, passe-moi un instant ce bijou de la nature.

Mario danse avec sa nouvelle partenaire.

FEMME IV: Elles sont fâchées parce que tu n'es pas revenu.
MARIO: Qu'elles attendent assises à leurs places !
FEMME IV: Ne le prends pas comme ça on est tous dans le même bateau.
MARIO: Ah, oui ?
FEMME IV (off): et toi, tu es la bateau de sauvetage.
MARIO: (ses yeux lancent des étincelles).
FEMME IV: Il n'y a rien de personnel contre toi.
MARIO: Mais oui.
FEMME IV (off): Tu nous as fait passer une nuit de rêve sur la plage...
MARIO: Oublions ça.
FEMME IV: Nous n'arrêterons pas tant que tu ne nous feras pas revivre cette nuit inoubliable.

Le sexagénaire sans dents s'approche de Mario et le prend par le bras.

JAIME DEL VAL: Je voudrais parler avec vous.
MARIO: Vraiment ?
JAIME DEL VAL (off): Je ne vous dirai pas depuis combien d'années je suis dans cette situation.
MARIO: Tant que ça ?
JAIME DEL VAL: Dites-moi, vous avez lu le manuel à fond ?
MARIO: Euh...
JAIME DEL VAL: Moi je le connais par coeur.
MARIO (off): Par coeur, ce torchon ?
JAIME DEL VAL: Et à quoi cela me sert-il ?
MARIO: A rien ?
JAIMEC DEL VAL: J'ai trouvé une errata.
MARIO: Vous avez dit une errata ?
JAIME DEL VAL: Où l'on dit : "notre pilier de base choral...".
MARIO: Si ?
JAIME DEL VAL: On devrait dire "notre pilier de bas moral".
MARIO: En effet, c'est une errata.
JAIME DEL VAL: Gravissime ! Vous le direz à monsieur Casanellas ?
MARIO: Moi ?
JAIME DEL VAL: Vous êtes déjà de son monde.
MARIO: Vous le croyez vraiment ?
JAIME DEL VAL (off): Il vous écoutera, vous, dites lui que c'est moi qui ai détecté cette erreur le premier.
MARIO: (il continue à l'observer).
JAIME DEL VAL: Cç représente des points, ils sont nécessaires.
MARIO: Et pourquoi ne demandez-vous pas cette faveur à quelqu'un d'autre?
JAIME DEL VAL: A qui ? Personne ne connaît monsieur Casanellas.
MARIO: (geste d'étonnement).
JAIME DEL VAL (off): Je vous en serais très reconnaissant.

Mario reste seul, avec la sensation qu'il est arrivé à une phase existentielle qu'il ne doit pas essayer d'esquiver.

246. INTERIEUR. JOUR. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

EMELINA: Pas un mot à qui que ce soit de la commande que je vous fais.
COUTURIER: La discrétion est une règle d'or dans cette maison.
EMELINA: Prennez note.: 5 costumes d'homme couleur jaune paille.
COUTURIER: Cinq ! Vous voulez des infarctus à la chaîne ?
EMELINA: Et votre règle de discrétion ?
COUTURIER: Ah, hum, pardon, mademoiselle.

247. INTERIEUR. JOUR. MUSEE DES ARTS MODERNES.

Mario se promène en regardant les tableaux. En silence, Pino s'approche de lui.

MARIO: Quelle coïncidence !
PINO: Hum, je vous ai vu entrer, et...
MARIO: (continue à observer les toiles).
PINO: Quel sanctuaire, hein,...
MARIO: La peinture vous passionne tellement ?
PINO: (fait un geste démesuré).
MARIO: J'ai pensé à la suggestion que vous m'aviez faite...
PINO: C'est vrai ? Vous m'apprenez à me servir des couleurs ?
MARIO: C'est cela.
PINO: Dessiner des espaces...
MARIO: Evidemment.
PINO: Diverses techniques ?
MARIO: Oui, peut-être.
PINO: Mon cerveau, monsieur Vicens, est une source d'images.
MARIO: J'en sui sûr.
PINO: SI seulement je pouvais donner vie et corps à...
MARIO: Oui ?
PINO: Energie fabuleuse dispersée.
MARIO: Pourquoi pas ?
PINO: Quand commence-t-on à manipuler les pinceaux ?
MARIO: Quand vous me laisserez voir à monsieur Casanellas.
PINO: Comment, qu'est-ce que vous dites ?
MARIO: (un geste affirmatif du menton ).
PINO: Mais, mais, c'est impossible. n'y faites même pas allusion !

248. INTERIEUR. JOUR. MAISON DE GLORIA VIÑAS.

Gloria ouvre la porte qui donne sur la rue et ouvre la marche à son ex-mari.

DON PASCUAL: Emelina ?
GLORIA: Elle donne un récital demain.
DON PASCUAL: où ?
GLORIA: Elle interprètera du Stravinski pendant que son nouvel amour défile.
DON PASCUAL: Quelle folie racontes-tu ?
GLORIA: Je sais tout, vous avez volé un mort.
DON PASCUAL: Foutaises.
GLORIA: Vous avez fait croire à Emelina que c'était Mario.
DON PASCUAL: Balivernes !
GLORIA: Et elle est devenue complètement excentrique.
DON PASCUAL: J'ai parlé avec un spécialiste.
GLORIA: Et qu'est-ce qu'il a dit ?
DON PASCUAL: Que le coeur résoud lui même ses propres erreurs.

249. EXTERIEUR. JOUR. PALAIS DE LA MUSIQUE.

Mario Vicens et Pino passent devant la façade de verre du bâtiment et descendent des escaliers de pierre vers les jardins du fleuve.

PINO: Quel coin, hein,...étang, colonnes, palmeraies...

Ils s'asseyent sur le rebord de l'étang. Mario dessine une énigme de cercles dans l'eau du bout des doigts.

MARIO: Dommage. Une force irrésistible qui le pousse vers les pinceaux et...
PINO: (adopetit une attitude de paresse).
MARIO: Votre créativité pourrait être celle d'un cyclope, comme vous.
PINO: Et pourquoi voulez-vous voir monsieur Casanellas ?
MARIO: Parce que je crois qu'il n'existe pas.
PINO: Comment dites-vous ?
MARIO: Ne faites pas cette tête-là, c'est ce que je pense.
PINO (il rit): C'est la meilleure que j'aie jamais entendue.
MARIO: Et plus encore, je crois que monsieur Casanellas, c'est vous.
PINO: Vous parlez sérieusement ?
MARIO: Aucun des exclus ne l'a jamais vu.
PINO: Ah, ceux-là !
MARIO: Et vous reconnaissez que vous non plus.
PINO: Cela n'empêche pas que ma communication avecc lui soit très fluide !

250. EXTERIEUR. NUIT. TERRASSE DE L'EDIFICE D'HORACIO.

Horacio apparaît sans le bandage sur la tête, accompagné de Gloria Viñas sur son trente-et-un.

GLORIA: Oui, c'est la terrasse de l'immeuble...
HORACIO: Spectaculaire, non ?

Attristée, Gloria avance vers le coq et la poule immobiles sur une corde à linge.

GLORIA (off): Quel beau petit couple. Et il n'y en a pas d'autre ?

251. INTERIEUR. NUIT. MANSARDE D'HORACIO.

Ils sont étendus tous les deux sur le grabat. Gloria se couvre avec la couverture jusqu'au cou. Piétinements de poules sur leurs estomacs.

GLORIA: Tu avais dessiné ta vie de façon tellement bucolique.
HORACIO: Je suis peintre, non ?
GLORIA: Oh, mon Dieu, si mes trois maris me voyaient !

252. INTERIEUR. JOUR. STUDIO D'EMELINA.

Un halo de spiritualité s'échappe d'Emelina, vêtue de son long costume noir de concert. Elle porte un violon dans la main.

EMELINA: On y va ?
GLORIA: Oui, ma petite fille, quand tu veux.

253. INTERIEUR. JOUR. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

Emelina joue un air de Stravinsky d'un côté de la passerelle, tandis que Gloria chante au beau milieu d'un défilé de mode pour les deux sexes.

COUTURIER: Violoniste, soprano, Stravinski...Ça peut aussi bien être le dernier succès en défilé ou un désastre.
DON PASCUAL: Je ne sais pas qui des deux est la plus folle.
LE NAIN: Ce n'est que passager.
CELESTINO: Là, celui qui défile, c'est le mort.

A quelques mètres du groupe, Don Grevasio et son fils ignorent que penser du spectacle.

LAURO: C'est le dandy.
DON GERVASIO: Ah oui.
LAURO: (il caresse l'arme cachée) Je liquide d'ici ?
DON GERVASIO: Attends, espèce d'animal.

Emelina arrête de jouer et s'approche de Lauro.

EMELINA: Vous voulez que je joue L'oiseau de feu pour vous monsieur ?
LAURO: Emelina, qu'est-ce que tu dis ?
EMELINA: Nous devons chercher ses cendres à Venise.
LAURO: Les cendres de qui ?
EMELINA: De Stravinsky, monsieur.
LAURO: Monsieur ? Je suis Lauro.
EMELINA: Et Lauro, ce n'est pas un monsieur ?
DON GERVASIO: C?est plus qu'un monsieur.
EMELINA: On s'en va à Venise ?
LAURO: Pour notre lune de miel ?
EMELINA: Vous vous mariez, monsieur ?
LAURO: Qui me l'a rendue folle ?
CELESTINO: Celui-là, celui de la veste style redingote...

Lauro fait le geste de se lever brusquement, et don Gervasio le cloue sur son iège.

DON GERVASIO: Tu veux faire un massacre de dandys de défilés de mode ?
LAURO: Il ne sortira pas vivant d'ici.

Le petit homme regarde Celestino avec des yeux de reproche.

LE NAIN: Qu'est-ce qu'il a bien pu te faire le type ?
CELESTINO: J'aime pas les morts qui se font passer pour vivants !
LE NAIN: C'est le peintre qui a soufflé la fiancée de Lauro.
CELESTINO: Le code pénal n'interdit pas d'envoyer bouler un mort.
GLORIA: Celestino a raison, n'est-ce pas Pascual ?
DON PASCUAL: Il faut payer des impôts pour parler à des gens raisonnables maintenant ?

Le défilé de mode continue. Emelina sourit comme une muse de la musique et change de mélodie.

EMELINA: Maman, tu es en forme ?
GLORIA: C'est du Verdi.
EMELINA: Allons-y.
GLORIA: Oui,oui, euh, La forza del destino.

Elle se joint à Emelina, et, telle une diva, elle interprète un air, la main appuyée sur le dossier de la chaise.

DON GERVASIO: c'en est trop.
DON PASCUAL(au couturier): Un coin où nous pouvons parler ?
COUTURIER: Suivez-moi, je vous prie.

Le couturier les conduit dans une espèce de magasin (réserve) où on entrepose des mannequins sophistiqués de vitrine, les uns nus et d'autres déjè vêtus.

LAURO: Le peintre peut nous échapper des mains.
DON PASCUAL: Ce n'est pas le peintre celui-là.
LAURO: Qui est-ce ?
DON PASCUAL: Un mirage.

Don Gervasio regarde les mannequins inquiet.

DON GERVASIO (off): Ce n'est pas ces types-là qui vont parler, hein !
LAURO: Le mariage en vue, et la fiancée folle dingue!
DON GERVASIO: Elle a vu un psychiatre ?
DON PASCUAL: Le plus cher !
LAURO: Et qu'a t-il dit ?
DON PASCUAL: On l'y a emmenée Gloria et moi.
DON GERVASIO (off): Le diagnostique ?
DON PASCUAL: Le psychiatre est plus préoccupé par la mère !

255. EXTERIEUR. JOUR. JARDINS DU FLEUVE.

En contre-bas du Palais de la musique, Mario et Pino se promènent sur un sentier bordé de ciprès et de pins.

PINO: Qu'est-ce que vous lui diriez à monsieur Casanellas ?
NMARIO: Rien. Je le regarderais.
PINO: C'est votre curiosité de peintre, hein ?
MARIO: (acquiesce).
PINO: Vous ne prétendez tout de même pas que je vous le présente.
MARIO: Seulement le voir un instant.
PINO: Et quand commencerions-nous les cours ?
MARIO: Le lendemain.

Le visage de Pino s'assmbrit de doutes.


256. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Don Pascual et ses accompagnateurs sortent de la boutique et marchent sur la trottoir.On distingue au fond un groupe de passants.

LAURO: Et on va laisser le portugais à l'intérieur ?

Un écho de violon arrive à leurs orielles. Don Pascual frémit.

DON PASCUAL: Cette maudite Gloria Viñas !

Il fonce comme une flèche, suivi de Don Gervasio et de son fils.

LAURO (off): C'est cette famille-là qui nous attend ?

Emelina joue du violon à un coin de rue, elle est entourée de passants. Elle interprète un air populaire et un chapeau est remplit de pièces à ses pieds.

LAURO: Regardez, père, Emelina joue du violon dans la rue !
DON GERVASIO (off): Et on en arrive là !
DON PASCUAL: Chut ! Elle a hypnotisé les piétons.
LAURO: (regarde Don Pascual avec stupéfaction).
DON PASCUAL: Une virtuose sur le trottoir.
DON GERVASIO: Allez, Lauro, nous devons parler.
LAURO: Et Don Pascual reste ?
DON GERVASIO: Il ne t'entend même pas.

Gloria et sa fille se promènent sur le trottoir. Un vagabond avec un pardessus poussiéreux vient vers elles. Il porte un gobelet en plastique en main.

EMELINA: Collègue, je te donne ce que j'ai gagné aujourd'hui.

Elle renverse les pièces de monnaie dans le gobelet.

VAGABOND: Et demain ?
EMELINA: Tu t'inquiètes du lendemain ?
VAGABOND: Demain, c'est aujourd'hui !

L'inconnu s'éloigne en comptant les pièces.

GLORIA: Et pourquoi un concert de rue ?
EMELINA: Un mouvement de fureur du violon.
GLORIA: TU aurais pu dire au public...
EMELINA: Quel public ?
GLORIA: Qu'il y avait une chanteuse lyrique à côté de toi.
EMELINA: A côté de qui maman ?
GLORIA: Je ne sais vraiment pas qui de nous deux...

257. INTERIEUR. JOUR: TAVERNE.

Don Gervasio et Lauro sont assis à une table. Don Gervasio prennd un cognac et fume un cigarre havane, le fils boit une bière.

LAURO: Qu'est-ce que tu devais me dire ?
DON GERVASIO: C'est à propos de tes fiançailles.
LAURO: (mal à l'aise).
DON GERVASIO: Autant de folie tout d'un coup !
LAURO: (acquiesce).
DON GERVASIO: Il y a quelque chose de bizarre, je me méfie.

258. EXTERIEUR. NUIT. RUE.

Un haut immeuble en pleine restauration. En face de la façade, on trouve une structure de tubes métalliques en guise d'échaffaudages.

PINO: Et la valise ?
MARIO: Je l'ai avec moi.
PINO: Et vous devez toujours vous encombrer de ça. ?
MARIO: Et c'est vous qui le demandez ?
PINO: Laissez-la dans le coffre de cette voiture, il est toujours ouvert.

Mario s'approche des nombreuses voitures qui sont garés dans la rue et obéit aux ordres du géant. La main de Pino qui introduit la clédans la serrure de la porte du patio.

MARIO: Il n'est pas très tard...
PINO (off): Sur la pointe des pieds, et taisez-vous.

259. INTERIEUR. NUIT. ASSENSCEUR.

PINO (off): C'est plein de bureaux, mais les jeudis, il travaille jusquà l'aube.
MARIO: J'en doute.
PINO: Pourquoi pensez-vous que je vous y emmène ? Pour les cours ?
MARIO: Ah, non ?
PINO: C'est possible, mais je savais que ce moment devrait arriver.

L'ascenseur s'arrête, et ils sortent tous les deux.

MARIO: C'est ici ?
PINO: A l'étage du dessous, mais nous n'entrons pas par la porte.
MARIO: Et par où alors ?
PINO: Je vous le montrerai de l'extérieur, par une fenêtre.

Mario pàlit. Pino descend par l'échellejusqu'au palier, il ouvre une fenêtre et disparaît.

MARIO (off): Qu'et-ce qu'il fait ce fou ?


260. EXTERIEUR. NUIT. FAÇADE DE L'IMMEUBLE.

Pendant un instant, le géant est en suspension dans le vide, les mains agrippées à un tube horizontal tandis qu'il, essaie de se rattacher à l'échaffaudage de l'étage inférieur par les pieds.

MARIO (qui regarde par la fenêtre): Vous vous croyez dans un cirque ?
PINO (off): J'ai rêvé de ce moment bien des fois.
MARIO: Oui, vous pensez que vous êtes une étoile du trapèze.
PINO (off): Moi, je ne m'y serais pas risqué, si ce n'était pour vous...
MARIO: A quoi vous jouez ?
PINO (off): Vous avez votre homme devant les yeux, allez, détachez.-le !

Mario obéit à contre-coeur. Pendant un éclair de seconde, les deux hommes paraissent flotter dans l'espace, un abyme à leurs pieds.

MARIO (off): Maintenant, c'est moi qui ai le vertige.

En bas, un ivrogne, bouteille en main, les aperçoit et les interpelle.

IVROGNE: ET ! Non, ce n'est pas par là ! L'ascenseur va de ce côté !
PINO (off): Il ne nous manquait plus que cet imbécile !
IVROGNE (off): Et vous, en haut ! Ecoutez !
PINO: Taisez-vous !
IVROGNE: Que je vous dis, moi, que l'ascenseur, il ne va pas par là....
MARIO (off): Il est assez inopportun...

L'ivrogne s'accroche à l'échaffaudage de fer pour se faire mieux entendre et essaie de le secouer avec violence.

IVROGNE: Bande de dégénérés ! L'ascenseur ne va pas par là !
PINO (off): Chut ! Chut !
IVROGNE: Ne me faites pas des chut, chut ! sinon je vous casse la gueule !
PINO (off): Son tapage est très...

L'ivrogne s'éloigne en titubant, et en engloutissant une lampée d'alcool. Il se retourne subitement.

IVROGNE: Exhibitionnistes !
PINO (off): Fermez-la !
IVROGNE: Vous n'êtes rien du tout.
MARIO (off): Il s'en va enfin.
IVROGNE: (il se retourne) Qu'est-ce que vous croyez !
PINO (off): Vous voyes cette fenêtre allumée ?
MARIO (off): Oui.
PINO (off): C'est là que se trouve monsieur Casanellas.

Ils se laissent glisser sur l'échaffaudage avec prudence.
En arrivant juste à hauteur de la fenêtre, mario l'examine, la pousse, et s'introduit à l'intérieur devant la stupéfaction de Pino.

PINO (off): Non, n'entrez pas, on peut le voir d'ici...

261. INTERIEUR. NUIT. BUREAU DE MONSIEUR CASANELLAS.

Mario avance vers le bureau, suis à quelques mètres de Pino.

PINO (off/faible): Vous vous en repentirez, c'est de la folie.
MARIO (off/faible): Personne ne m'arrêtera.
PINO (off/faible): Vous me tentez, moi, je ne l'ai jamais vu non plus.

L'homme du bureau semble endormi dans un fauteuil de cuir, mais un filet de sang jaillit de sa tempe et il tient un revolver dans la main.

PINO: Monsieur Casanellas !

Le géant recule, en gémissant, la tête cachée dans ses bras, il s'affale sur une chaise. Mario se place devant le cadavre et s'exclame, sans voix.

MARIO: Mais, si c'est Le Personnage !

Etourdi, Mario trouve une plume et du papier avec des taches d'encre encore fraîche sur la table. Il prend le papier, dont l'image s'agrandit, avec le logotype d'une lune décroissante.

MARIO (off): ...choisir l'heure et le train pour le dernier départ implique un tel degré de pouvoir, que le reste n'est que fadaise.

MARIO: Signé, Salvador Andreu.
PINO (dans un souffle): Non, non vous n'aviez pas le droit de...
MARIO: Il ne s'appelait même pas Casanellas.
PINO: Père, je lui dis qu'il n'avait pas le droit.
MARIO: Père ?
PINO: Il venait de m'adopetitr ce matin.
MARIO: Adopetitr ?
PINO (lui donne un papier): Voici l'acte notarial.

Mario renonce à lire le document. Pino recommence à gémir, la tête entre les mains.

PINO (off): Il me laisse complètement orphelin.

Mario marche dans tous les sens pour trouver la porte de l'escalier.

PINO (off): Les affaires avec les exclus n'a même plus de sens à présent.
MARIO: Les affaires ?
PINO: On s'étendait comme une tache d'huile...
MARIO: Oui, Il les pénalisait, et vous...
PINO: Père, comme vous avez été injuste avec moi.
MARIO (de la porte): Et pourquoi moi ?
PINO: Je ne sais pas.

Mario va vers le géant et le giffle à plusieurs reprises.

MARIO: Pourquoi moi ?
PINO: Je ne sais pas, il m'a aussi roulé.
MARIO: Eh ?
PINO: Monsieur Casanellas ? Monsieur de merde.
MARIO: Pourquoi moi ?
PINO: Ne me frappez plus, je ne sais pas, je crois que vous l'avez peint...
MARIO: C'est faux.
PINO: Même le nez.
MARIO: Oui, c'est là que tout a commencé.
PINO (off): Père, Vous m'avez bien eu...
MARIO: Vous restez là ?
PINO: Et qui priera pour le défunt ?

Le géant sentimental regarde le bureau, et regarde ensuite fixement Mario.

PINO: Il y a beaucoup de travail à terminer.
MARIO: (ne répond pas).
PINO: Et, ça ne vous dérangerait pas que j'utilise son bureau n'est-ce pas ?
MARIO: Faites ce que bon vous semble.

Pino arrête de pleurer, sort son mouchoir et, cérémonieusement, va occuper la place du mort. Il regarde l'écran de l'ordinateur portable. Mario sort du bureau comme si l'horizon de sa vie s'agrandissait d'instant en instant.

262. INTERIEUR. NUIT. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

Spectacle désolateur: Des mannequins sont tous entassés autour d'un Nacho Roca inerte, étendu sur une chaise-longue. Le couturier parle au téléphone en tremblant.

COUTURIER (au tél): Mademoiselle Emelina, excusez-moi de vous appelez à ces heures, mais...

263. INTERIEUR. NUIT. STUDIO D'EMELINA.

EMELINA (au tél): Qu'est-ce qui se passe ?

264. INTERIEUR. NUIT. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

COUTURIER (au tél): Le pauvre Nacho Roca vient de s'en aller pour toujours.

265. INTERIEUR. NUIT. STUDIO D'EMELINA.

EMELINA (au tél): Vous avez besoin d'un de vos top models...

266. INTERIEUR. NUIT. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

COUTURIER (au tél): Un top models, pour lui ?

267. INTERIEUR. NUIT. STUDIO D'EMELINA.

EMELINA (au tél): Qu'il le caresse du regard, lui crie une bonne fois, et vous verrez.

268. INTERIEUR. NUIT. BOUTIQUE DE HAUTE COUTURE.

COUTURIER (au tél): On fera ce que vous dites, mademoiselle Emelina.

269. EXTERIEUR. NUIT. RUE.

Mario marche sur le trottoir, la valise en main, il passe devant l'enseigne d'un hôtel. Il se paralyse, médite, revient sur ses pas et franchit la porte d'entrée.

270. INTERIEUR. NUIT. HÔTEL.

PORTIER: Bonsoir, monsieur.

Mario regarde son interlocuteur qui se trouve à l'autre bout de la réception.

MARIO: Je voulais une chambre avec salle de bain.

Mario dépose sa carte d'identité sur le comptoir, mais l'autre ne fait pas attention à ce geste, et consulte son ordinateur.

PORTIER: Chambre 17.

Une cké immobile devant les yueux impassibles de Mario. Cela lui coùte d'assimiler le fait qu'une nouvelle vie s'ouvre devant lui.

MARIO (accepetit la clé): Vous m'appellerez à 7h30 ?
PORTIER: (il prend note).
MARIO: Et je peux aller dans la chambre, non ?
PORTIER: Mais bien sûr !

Mario prend sa valise et va vers l'assensceur. Il entend la voix douce du réceptionniste derrière lui.

PORTIER: Bonne nuit, monsieur.

271. INTERIEUR. JOUR. CHAMBRE D'HÔTEL.

Mario se réveille dans le lit de l'hôtel et perd la notion du temps et de l'espace un instant.

272. INTERIEUR. JOUR, RECEPTION DE L'HÔTEL.

Mario dépose sa valise près de la réception, regarde l'heure à sa montre et dit mal luné.

MARIO: J'avais demandé que vous m'appeliez vers 8h00.
RECEPTIONNISTE: Le portier de nuit a été licencié.

Mario fronce les sourcils, et se tranquillise.

MARIO: Comment vous me trouvez ?
RECEPTIONNISTE: Pour l'accoutrement, vous paraissez venu d'une autre époque.

Mario dévisage son interlocuteur et reconnaît l'homme à la barbe grise qui lui avait refusé une chambre il y a longtemps.

MARIO: C'est ce que je voulais entendre.
RECEPTIONNISTE: Si vous le désirez, vous pouvez laisser la valise.

Mario observe la valise, hésite et se persuade.

MARIO: Oui, bien sûr, comment peut-on traîner une valise comme ça !

273. EXTERIEUR. JOUR. CABINE TELEPHONIQUE.

MARIO (au tél): Allez, Emelina, décroche.

Il attend en vain, marque un autre numéro, mais l'attente est inutile.

274. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

En passant devant un kiosque à journaux, une main tendue lui offre un journal.

VENDEUR: La presse du jour ?
MARIO: Non, vous m'avez déjà dit que...
VENDEUR: Quoi, monsieur ?

Mario change d'expression, sourit et paie le journal.

275. EXTERIEUR. JOUR. FAÇADE DE GRANDS MAGASINS.

Mario entre par les portes qui s'ouvrent à ses pas.

276. EXTERIEUR. JOUR. FAÇADE DE GRANDS MAGASINS.

Mario sort de la grande surface avec un nouveau costume et une coiffure moderne.

277. EXTERIEUR. JOUR. PLACE AVEC UNE FONTAINE.

MARIO (off): On ne voit plus l'homme aux moineaux.


278. INTERIEUR. JOUR. MAISON.

Mario entre dans une taverne, conscient qu'il s'agit de la preuve définitive de sa liberté retrouvée.

279. EXTERIEUR. JOUR. PLACE DES CANARDS.

On perçoit la silouhette de l'homme aux moineaux qui s'avance vers la fontaine.

280. INTERIEUR. JOUR. TAVERNE.

Un garçon armé d'un bloc et d'un bic, attend que Mario passe commande.

MARIO: Comme la dernière fois, je vais commandre une salade de poireaux et...

La cuisinière en tablier l'interpelle des cuisines, en faisant miroiter toutes ses courbes dodues. Elle tient un livre volumineux en main.

CUISINIERE: Vous signerez dan le livre des incvités de marque ?

Mario hésite et signe son nom. Horacio fait son apparition et vient s'asseoir en face de Mario.

HORACIO: Aujourd'hui, on ne pourra pas parler longtemps, je dois aller me faire couper les cheveux, aller chez le tailleur...
MARIO: (il l'observe avec étonnement).
HORACIO: Il s'en est passé des choses, ne fais pas cette tête-là, je te raconterai.

Son ex-professeur se lève et sort.

281. EXTERIEUR. JOUR. PLACE DES CANARDS.

Mario tombe sur l'homme aux moineaux, preque non reconnaissable.

MARIO: Mon Dieu ! Quelle élégance, vous n'êtes plus le même !
HOMME AUX MOINEAUX: Tu m'offres quelques minutes ?

282. EXTERIEUR. JOUR. FAÇADE D'UN HAUT IMMEUBLE EN VERRE ET EN ACIER.

HOMME AUX MOINEAUX: Allez, ne t'arrête pas, passe.

283. INTERIEUR. JOUR, BUREAUX.

L'homme aux moineaux est installé dans un bureau de cadre. Mario, debout dans un coin du bureau n'en croit pas ses yeux. Une secrétaire entre.

SECRETAIRE: Monsieur Cuellar, bienvenue de retour dans nos bureaux.
MR. CUELLAR: (remercie d'un geste ).
SECRETAIRE: Vous désirez prendre quelque chose ?
MR. CUELLAR: Quelques mies de pain sur un plateau.
SECRETAIRE: (abasourdie).
MR. CUELLAR: Vous placerez le plateau près du ficus.
SECRETAIRE: (abasourdie).
MR. CUELLAR: Laissez toujours une fenêtre ouverte pour mes amis.
SECRETAIRE: (ne réagit pas).
MR.CUELLAR: Tiens Mario, pour toi, un message des oiseaux.

Il lui tend un papier enroulé. L'image du papier s'amplifie et on lit le texte suivant:
Je t'attends dans le nid des mannequins.

Mario acquiesce avec les yeux brillants.

285. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Celestino et Le Nain, dans la voiture décapotable, voient Mario passer la porte du Grand Hôtel. Le petit homme sort son téléphone portable.

286. INTERIEUR. JOUR. PORT DEV LA SUITE DUPTIALE DU GRAND HÔTEL.

La porte s'ouvre et Emelina apparaît à l'entrée. Mario s'avance et ils se fondent dans un interminable baiser.

287. INTERIEUR. JOUR. SALON DE LA SUITE NUPTIALE.

MARIO: Emelina, si je te racontais...
EMELINA: Tu auras le temps de me raconter tes rêves.

Mario la prend dans ses bras et traverse la pièce jusqu'à la chambre à coucher.

288. INTERIEUR. JOUR. CHAMBRE A COUCHER DE LA SUITE.

Emelina et Mario, nus, s'aiment platoniquement et physiquement dans un songe de rideaux en dentelles et ciel de lit. Plusieurs pas se font entendre dans le couloir de l'hôtel. Une foule de mains en train de frapper à la porte de la suite. Mario saute du lit, elle se couvre d'un jupon .

EMELINA: Vite, dans l'armoire.

Mario ouvre une des portes en verre, et elle lui remet un costume jaune paille et un chapeau canotier.

EMELINA: Mets-le.

Elle l'aide à se vêtir pendant que les coups continuent par raffale sur la porte.

EMELINA: Vite !

La porte s'ouvre et les parents d'Emelina entrent en trombe avec Celestino, le petit homme, Don Gervasio et Lauro. Ce dernier pointe le canon de son revolver sur Mario.

LAURO: Tu es déjà en enfer.
CELESTIONO: (sceptique).
EMELINA: Tue-le si tu veux, mais liquide aussi cet autre amant, et celui-là, et celui-ci, et encore celui-ci, et n'oublie pas celui-ci...

Pendant qu'elle parle, elle va vers une énorme armoire avec des motifs de lunes, et les mannequins vêtus du même costume jaune paille avec le canotier qui cache la moitié de leurs visages, apparaissent dans chaque porte de verre.

GLORIA: Emelina, avec cinq valentinos quintuplés ?
DON GERVASIO: Le violon, c'était son alibi, mais elle préfère une autre musique !
DON PASCUAL: Mais, mais, qu'est-ce que c'est que ...qu'est...
DON GERVASIO: Lauro, avec Emelina, c'est bel et bien raté.
DON PASCUAL: Non, non, ma vue me joue des tours...
DON GERVASIO: Elle colectionne des amants clonés au lieu des compact discs.
Comme un somnambule, Lauro se déplace d'un mannequin à l'autre, en essayant de contrecarrer la certitude de son père. Gloria, de la tête, donne raison à Don Gervasio.
DON PASCUAL: (idem).
LE NAIN: (idem).
CELESTINO: (idem).
DON GERVASIO: Allez, Lauro, tu mérites une femme avec plus de classe.

Père et fils abandonnent la chambre.
DON PASCUAL (ennyué): Une grande alliance vient de se rompre.
LE NAIN: Chef, dans nôtre situation, il convient de faire une autocritique.
Don Pascual, honteux et confue, sort suivi de Celestino et du petit homme.
GLORIA: Ma foille, cinq hommes servis sur un plateau, et tu ne les partages pas ?

289. EXTERIEUR. JOUR. RUE.

Une Rolls Royce décapotable circule sur un pont impressionnant. Emelina, avec ses vètements de mariée conduit, avec Mario à ses côtés. Sur les sièges arrière, Horacio est assis à côté de Gloria, vêtue d'une robe de soirée sévère et elle porte un bouquet de lfeurs de azahar dans les main. Les hommes portent des ensembles chics. Les chapeaux des deux mariées attirent l'oeil.

EMELINA: C'est la Rolls dans laquelle papa rêvait de me voir en blanc...
MARIO: On a passé un pacte. toi et moi, on recommencera de zéro.

Elle sourit, acquièce et ils s'embrassent. Gloria s'adresse à Horacio.

GLORIA: Promets-moi que pendant la lune de miel, il n'y aura pas de poules...

Horacio va ajouter quelque chose lorsque une colombe blanche, qui paraissait avoir fait son nid dans le moteur de la Rolls, s'élève dans le ciel en frôlant le pare-brises. Horacio regarde Mario.

HORACIO: Et maintenant tu vas dire que l'esprit de Picasso s'est enfui à travers le corps d'une de ses colombes...
MARIO: Ce que je sais, c'est que demain...
EMELINA: Demain, quoi ?
MARIO: Je vais me retrouver pour la première fois devant la toile blanche.
HORACIO: Si demain, on voit naître un nouveau peintre, en plus d'être son père, je serai son promoteur !
GLORIA: Mon quatrième mari !
Ils s'embrassent.
GLORIA: Et dire que je ne lisais jamais d'histoires d'amour...
Vue aérienne de la Rolls qui circule dans la ville, au rythme de La Paloma, fredonnée par Mario. D'autres titres de crédits commencent à circuler sur les panneaux publicitaires.


FIN